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Imagination scélérate

Impôt Forfaitaire de Solidarité Nationale au Congo : Une Taxe Nécessaire, mais à quel Coût pour les Jeunes et les Plus Vulnérables ?

Photo: Vol en ligne (Congo 2024)

Ou les nouvelles techniques de la dictature -

L’impôt forfaitaire de solidarité nationale (IFSN) est une taxe exceptionnelle mise en place pour répondre à des crises économiques ou sociales aiguës.
Au Congo-Brazzaville, cet impôt a été instauré pour mobiliser des ressources financières destinées à renflouer les caisses de l’Etat qui sont vides et non à soutenir des projets de développement et des actions sociales urgentes.
Le montant de cet impôt est fixé à 1 200 francs CFA par personne, payable sur une période de 12 mois.
Le prélèvement se fera de manière automatique par les opérateurs de téléphonie mobile, une particularité qui mérite une attention dans le contexte congolais, où le téléphone mobile joue un rôle central dans la vie quotidienne des citoyens, notamment des jeunes élèves et étudiants.

Définition et Contexte au Congo-Brazzaville

L’IFSN au Congo est une taxe obligatoire prélevée sur tous les Congolais âgés de 18 ans et plus, vivant sur le territoire national.
Chaque citoyen devra payer 1 200 francs CFA par an, soit un prélèvement de 100 francs CFA par mois.
Ce montant sera automatiquement déduit des crédits téléphoniques des utilisateurs, ce qui signifie que chaque détenteur de téléphone portable verra une partie de son crédit prélevée mensuellement pour financer cette contribution.
Cette décision de recourir aux opérateurs téléphoniques pour collecter l’impôt reflète une adaptation à la réalité du Congo, où une large part de la population utilise quotidiennement des téléphones portables, notamment pour la communication, les transactions et l’accès à l’information.

Le téléphone est devenu un outil incontournable, en particulier pour les jeunes élèves et étudiants qui, faute de pouvoir s’offrir des ordinateurs, l’utilisent pour faire des recherches, suivre des cours en ligne et accéder à des informations pédagogiques.

Cette réalité rend d’autant plus sensible l’impact de l’IFSN, puisque le prélèvement sur les crédits téléphoniques pourrait avoir des conséquences sur l’utilisation du téléphone comme outil de travail pour cette tranche de la population.

Conditions d’Application

Le prélèvement de l’impôt se fait automatiquement via les sociétés de téléphonie mobile.
Tous les citoyens congolais âgés de 18 ans et plus, résidant au Congo, sont concernés, quel que soit leur revenu ou leur statut social.
Le montant de 1 200 francs CFA est réparti sur 12 mois, avec un prélèvement de 100 francs CFA chaque mois, directement sur le crédit téléphonique.

L’adoption de ce mode de collecte s’explique par la volonté de simplifier le processus fiscal et d’assurer une couverture plus large de la population.
Cependant, cela pose des défis, notamment pour les jeunes, pour qui le téléphone n’est pas uniquement un outil de communication, mais aussi un outil de travail.
Les étudiants et élèves utilisent souvent leur crédit téléphonique pour accéder à Internet, faire des recherches et suivre des cours en ligne, d’autant plus qu’ils n’ont pas toujours les moyens de s’acheter des ordinateurs ou d’accéder à d’autres sources d’information numérique.

Avantages de l’Impôt Forfaitaire au Congo

1. Simplicité de collecte : En automatisant la collecte par l’intermédiaire des opérateurs téléphoniques, l’État évite les lourdeurs administratives et garantit que l’impôt soit prélevé de manière régulière et efficace.
2. Mobilisation de ressources à grande échelle : Le recours aux opérateurs de téléphonie mobile permet de toucher une large partie de la population, dans un pays où le taux de bancarisation reste faible et où de nombreux citoyens sont hors du système fiscal formel.
Cet impôt offre donc une méthode innovante pour collecter des fonds destinés aux projets sociaux et économiques.
3. Solidarité nationale : Cet impôt vise à rassembler les citoyens autour de l’effort national de redressement économique.
En demandant à chaque citoyen une contribution symbolique de 100 francs CFA par mois, le gouvernement renforce le sentiment de solidarité et d’appartenance à un projet commun.

Inconvénients de l’Impôt Forfaitaire au Congo

1. Injustice pour les plus vulnérables :

Bien que le montant soit relativement bas, il peut représenter une charge disproportionnée pour les citoyens les plus pauvres.
Les jeunes, en particulier les étudiants, qui utilisent leurs crédits téléphoniques pour leurs études, pourraient se retrouver limités dans leurs accès aux ressources éducatives en ligne. Pour ces jeunes, le téléphone est souvent le seul outil de recherche, et tout prélèvement sur leurs crédits risque de restreindre leurs possibilités de suivre des cours ou de mener des recherches.

2. Impact sur l’accès à l’éducation numérique :

Le prélèvement automatique sur les crédits téléphoniques peut avoir des répercussions sur l’utilisation du téléphone comme outil d’accès à l’Internet, notamment pour les étudiants.
Dans un contexte où l’enseignement à distance et les recherches en ligne sont de plus en plus essentiels, cette mesure pourrait involontairement affecter la capacité des jeunes à étudier et à se former.

3. Manque de progressivité :

L’impôt est forfaitaire et ne prend pas en compte la capacité contributive des individus.
Chaque citoyen, quel que soit son niveau de revenu, est tenu de payer la même somme.
Cela peut créer des inégalités, car les citoyens les plus modestes ressentiront plus durement l’impact de cet impôt que les plus aisés.

4. Utilisation des fonds :
Une inquiétude majeure réside dans la transparence et la gestion des fonds collectés.
Si l’impôt n’est pas utilisé de manière efficace et visible pour améliorer les conditions de vie des citoyens, cela pourrait générer des frustrations et des contestations.

Cas d’autres pays et comparaison

De nombreux pays ont eu recours à des impôts de solidarité en période de crise, et les résultats ont varié.

Grèce : En période de crise économique, la Grèce a instauré un impôt de solidarité pour stabiliser ses finances publiques. Bien que cela ait permis de recueillir des fonds, l’impôt a contribué à l’aggravation des inégalités sociales et à une hausse de la pauvreté.
Argentine : En 2020, face à la crise provoquée par la pandémie de COVID-19, l’Argentine a mis en place un impôt de solidarité sur les grandes fortunes pour financer des programmes de santé publique et des aides sociales. Bien que cette mesure ait permis de lever des fonds importants, elle a également suscité des controverses, notamment concernant son impact sur les investissements.
France  : La France a également envisagé des taxes similaires pendant la pandémie, notamment un impôt exceptionnel sur les hauts revenus pour financer les efforts de relance économique. Cependant, cette mesure a été largement débattue et a suscité des résistances, principalement du côté des milieux d’affaires.

Analyse des Effets au Congo

Au Congo, l’IFSN représente un effort pour lever des fonds dans un contexte de crise économique et sociale.
Toutefois, les modalités de collecte par prélèvement sur les crédits téléphoniques soulèvent des questions, notamment pour les jeunes qui dépendent de leur téléphone pour leurs études et recherches.
Le téléphone mobile est devenu un outil de travail crucial dans un pays où l’accès à l’Internet et aux ordinateurs reste limité.
En affectant les crédits téléphoniques, cet impôt pourrait donc réduire l’accès des jeunes à l’éducation et à l’information.
D’autre part, l’impact économique global de cet impôt pourrait être limité, étant donné le faible montant prélevé.
Pour que cette mesure soit véritablement efficace, il faudra veiller à ce que les fonds soient gérés de manière transparente et utilisés pour des projets qui bénéficieront directement aux citoyens, notamment en matière d’infrastructures sociales et éducatives.

Conclusion

L’Impôt Forfaitaire de Solidarité Nationale, tout en étant un outil de mobilisation de fonds rapide et pratique, soulève des défis importants au Congo.
Son impact sur les jeunes, qui utilisent leurs téléphones comme outils d’éducation, et sur les populations les plus pauvres, nécessite une réflexion approfondie.
Pour qu’il réussisse à atteindre ses objectifs, il est essentiel que les fonds collectés soient gérés avec transparence et que l’on prenne en compte les besoins des groupes vulnérables, notamment les étudiants.

Serge Armand Zanzala, journaliste et écrivain

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