Nous sommes sans doute incapables de nous déterminer des choix et attitudes sans en référer d’abord à l’ethnie. Apprécier, discuter, combattre une idée passent très souvent par le tamis du terrroir et de ceux appellent notre propre mère : « Maman ». Dans notre langue. Il (elle) est bon ? Normal : c’est un des nôtres ; il (elle) est mauvais ? Normal : que pouvez-vous attendre de ces traîtres impénitents, de ces paresseux jouisseurs !
De sorte que j’ai vu l’enthousiasme de plus d’un baissé en apprenant que tel compatriote qui fait notre fierté à l’étranger n’est « pas bon » ; c’est à dire pas conforme aux canons de l’ethnie - pas totalement des nôtres ! J’ai vu plus d’une rencontre internationale capoter, parce que notre représentation nationale ne trouvait pas « net » que l’on choisisse l’autre, qui n’est pas de l’ethnie du ministre, du député ou du Directeur de cabinet.
J’ai vu des universitaires se crêper les chignons autour de Tchiacaya U’Tamsi ; Théophile Obenga ; Sony Labou Tansi ; Antoine Letembet Ambilly ; Alain Mambankou ; Henri Lopes parce que, connus et salués dans les aéropages internationaux les plus prestigieux en tant que « Congolais », ils baissaient d’estime aux yeux de notre purisme aryen national, pour ’mauvaise appartenance’ etnnique. Je signale, seulement, que chacun de ces écrivains et chercheurs de talent a reçu au moins une distinction internationale !
Ce sujet a déjà fait l’objet d’une multitude de mes interpellations sur cet espace. Les réactions qu’il a reçues sont du genre : « Quoi ! encore ? ».
Hélas, les amis, il aurait été tellement merveilleux de vous décrire un Congo de paix et de tranquillité ! Où le recrutement dans la Fonction publique ; le payement d’une indemnité ; l’accès à un poste de responsabilité ; la distribution d’une aide internationale ; le maintien dans une administration centrale ou même la sélection dans l’équipe de football ; faire partie d’une délégation officielle… auraient obéi aux seuls critères de compétence nationale !
Il aurait été tellement beau de nous en prendre aux politiques sur la seule base de leur incompétence ou de leur démagogie ! Tellement gratifiant de désigner le repus qui dort dans une administration pendant qu’on attend la signature d’un dossier d’évacuation médicale, sans lui trouver des circonstances agravantes ou atténuantes parce que son nom comporte trop ou pas assez de voyelles ! Tellement plus honnête de parler des mérites d’un officier « pour services rendus à la nation », s’il n’y avait aussi, toujours lancinant, ce soupçon atavique qui fait hausser les épaules aux optimistes, en disant : « bof ! »
Le Congo ne sombre pas sous l’action d’un maléfice ; il est victime des incompétences croisées depuis 44 ans d’indépendance prétendue. Des incompétences dans lesquelles, si vous étiez honnêtes, vous n’auriez eu aucun mal à reconnaître le « grand » de votre terroir. Jusqu’à quand ? Alors, si donc nous ne pouvons nous passer de l’ethnie, que pouvons-nous faire avec elle qui soit aussi utile aux autres ?
Benda Bika