L’élection de Donald Trump et ses répercussions géopolitiques : quelles perspectives pour l’Afrique ?
Avec l’élection de Donald Trump, les États-Unis vont probablement réorienter leur diplomatie et leur stratégie mondiale, provoquant des transformations profondes dans les relations internationales. Pour les grandes puissances, comme la Russie, la Chine, les pays des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Sud-Afrique) et certains pays africains, cette nouvelle ère pourrait bouleverser l’ordre établi.
Une détente entre la Russie et l’OTAN, et la perspective d’une fin au conflit Russie-Ukraine
L’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche pourrait amorcer une baisse de tensions entre la Russie et l’OTAN, surtout si Washington adapte son approche envers Moscou.
Une telle détente pourrait être favorable à une résolution diplomatique de la guerre entre la Russie et l’Ukraine, un conflit qui a marqué l’Europe et redéfini les rapports de force internationaux.
La perspective d’une nouvelle politique américaine, moins agressive vis-à-vis de la Russie, pourrait ainsi apporter un souffle d’espoir à l’Europe de l’Est.
Vers des relations moins tendues entre les États-Unis, la Chine et les BRICS
L’administration Trump pourrait aussi adopter une approche pragmatique vis-à-vis de la Chine et des pays du groupe BRICS, malgré le défi économique posé par leur projet de dédollarisation du monde.
Cette initiative, visant à réduire la dépendance au dollar dans le commerce international, suscite une certaine méfiance des États-Unis, mais un gouvernement axé sur les intérêts commerciaux et économiques pourrait chercher à maintenir des relations commerciales moins tendues avec ces puissances émergentes.
La Chine, en particulier, est un partenaire commercial crucial pour les États-Unis, et les tensions économiques entre les deux nations ont souvent impacté l’économie mondiale.
En dépit de leurs différences, Trump pourrait chercher à gérer ces tensions de manière plus stable et mutuellement bénéfique.
Les États-Unis pourraient même coopérer avec les BRICS sur des dossiers d’importance mondiale, tels que le changement climatique, la santé publique et la stabilité des marchés financiers.
En tant qu’acteurs majeurs dans cette reconfiguration géopolitique, les pays des BRICS continueraient de renforcer leurs liens et d’augmenter leur influence, tout en évitant l’escalade de conflits ouverts avec les États-Unis.
Cela ouvrirait la voie à un monde multipolaire où l’équilibre des pouvoirs reposerait davantage sur la coopération que sur la confrontation.
Changement d’alliances en Europe : une Union Européenne affaiblie
Dans le même temps, les États-Unis pourraient revoir leur partenariat avec l’Union Européenne. Trump semble privilégier des liens bilatéraux avec des pays européens forts, notamment l’Allemagne, au détriment d’une alliance structurée avec l’UE.
Ce basculement pourrait fracturer encore davantage l’Europe, surtout si l’Allemagne choisit de prendre ses distances avec l’Union Européenne, comme l’a annoncé son chancelier, Olaf Scholz.
Une telle reconfiguration ferait des États-Unis le principal allié d’une Allemagne indépendante, susceptible d’amoindrir l’unité de l’Europe face aux grandes puissances mondiales.
Une Afrique divisée face aux grandes puissances
Quant à l’Afrique, elle risque d’être tiraillée entre des alliances fragmentées.
Sans une union forte, les pays africains pourraient être amenés à choisir entre des partenariats avec les États-Unis, la Russie ou la Chine et les autres BRICS.
Cette division profiterait davantage aux puissances extérieures qu’au continent lui-même.
Dans une telle configuration, certains pays se rapprocheraient des États-Unis pour des raisons de sécurité, d’autres pourraient s’aligner sur la Russie, tandis que d’autres encore se tourneraient vers la Chine et les BRICS, en quête de financements pour leurs infrastructures.
Cependant, cette dispersion d’alliances et d’intérêts expose l’Afrique à une dépendance accrue, sans réel bénéfice stratégique.
En adoptant une position unifiée, le continent pourrait négocier en bloc avec ces puissances et obtenir des gains plus significatifs en termes d’investissement et de développement.
À défaut de le faire, l’Afrique risque de rester dans un statu quo peu favorable, où elle sera en position de subordination face aux intérêts des grandes puissances.
Une recomposition des rapports de force dans la région des Grands Lacs
L’élection de Trump pourrait aussi changer les rapports de force dans la région des Grands Lacs, particulièrement au Rwanda et en République Démocratique du Congo (RDC).
Le président rwandais Paul Kagame, jusqu’ici soutenu par des alliés comme les Etats-Unis et l’Ouganda, pourrait voir son influence affaiblie, surtout si les républicains américains ne le soutiennent pas autant que l’administration précédente de Joe Biden.
Récemment, le président ougandais Yoweri Museveni et son homologue congolais Félix Tshisekedi se sont engagés à apaiser leurs relations et à axer leurs efforts sur le développement de leurs pays respectifs.
Ce changement de posture en Ouganda pourrait isoler le Rwanda et réduire l’influence de Kagame dans la région.
La RDC, de son côté, pourrait devenir un enjeu stratégique encore plus marqué en raison de ses vastes ressources naturelles, attirant la convoitise des grandes puissances, notamment des États-Unis et de la Chine.
La position de Kinshasa au centre de cette compétition internationale pourrait profiter au pays s’il parvient à équilibrer ses partenariats avec prudence.
Le Congo-Brazzaville face à la fragilisation de son allié le Rwanda
Le Congo-Brazzaville, qui avait fait de Paul Kagame un partenaire stratégique et un garant de sécurité, pourrait être déstabilisé par la diminution de l’influence du Rwanda.
Ce partenariat, que Brazzaville considérait comme une assurance face à ses défis internes, pourrait s’avérer moins solide.
Ainsi, la redéfinition de l’alliance entre Kigali et Brazzaville pourrait laisser le Congo-Brazzaville dans une position vulnérable, surtout si la présence de Kagame sur la scène régionale s’efface peu à peu.
Le défi pour l’Afrique
L’arrivée de Donald Trump pourrait marquer un tournant pour l’Afrique, la poussant à choisir entre de multiples alliances sans pouvoir exploiter pleinement ses propres intérêts.
Si le continent ne parvient pas à se positionner comme un bloc cohérent et influent face aux grandes puissances, il continuera d’être une arène où s’affrontent les intérêts extérieurs, souvent au détriment de son propre développement.
Le défi pour l’Afrique sera donc d’unir ses forces et d’affirmer une diplomatie commune pour tirer avantage de ce nouvel ordre mondial en pleine mutation où les alliances seront modulées selon les intérêts commerciaux et économiques, et non plus uniquement par des rivalités idéologiques ou militaires.
Serge Armand Zanzala, journaliste et écrivain