Les femmes sont impitoyables. Elles se règlent les comptes de façon ordurière. Omar Bernard Bongo, grand polygame, a vu l’une de ses épouses s’en prendre ironiquement à une autre dans une chanson façon coupé/décalé. Quand le pouvoir africain se met en scène, ça tourne à la comédie, mais ce n’est pas du tout drôle.
Ngounda ngouda
Joséphine Kama ancienne épouse de Bongo Odimba a fait carrière dans la chanson après dix huit ans de vie conjugale au Palais de Libreville. Elle vient de commettre une chanson contre sa rivale et remplaçante Edith Lucie Bongo née Sassou. Le tube est bilingue. Il est chanté en téké (je suppose) et en français, histoire de donner la portée du morceau à ceux qui ne comprendraient pas l’une des deux langues.
Joséphine Bongo alias Patience Dabany (son nom de scène) n’y est pas allée de…langue morte dans son pamphlet. Comme les femmes gouvernées par la jalousie savent le faire, Patience Dabany est allée chercher ses munitions dans le registre de l’ironie. « Le mari est à nous tous » psalmodie l’ex Mme Bongo sur un fond sonore, qui, il faut le dire, s’écoute bien. De sa voix plus ou moins rauque Joséphine dit, l’air badin, « Ma rivale tu fais le ngouda ngouda pour rien, le mari est à nous tous ».
La femme africaine, on le sait, n’est jamais effrayée par la polygamie. Surtout si le jeu en vaut la chandelle.
Patience Dabany ne manque pas de….patience. Elle a attendu près de vingt ans avant de revenir à la charge. A en croire nos amis du site gabonais Infordpg, « l’actuelle et ex femme du dictateur gabonais » a reconquis le cœur de Bongo qui n’est pas à un libertinage conjugal près.
Philosophe, Joséphine poursuit dans son analyse de la relation amoureuse avec le Président gabonais : « Même si tu es la fleur, je suis la racine de cette plante ».Aussi intime-t-elle sa rivale de cesser de faire « le ngounda ngouda pour rien ».
On connaissait le terme « ngounda » dans le jargon congolais démocratique (demander l’asile politique ) ». Visiblement dans l’argot gabonais, le dédoublement de ce néologisme signifie autre chose. Mais à y bien réfléchir dans les deux cas, il s’agit de stratégie pour changer de statut.
Edith Bongo, comme chacun sait, avait étonné tout le monde quand elle accepta, elle, fille d’un chef d’Etat, d’épouser un chef d’Etat, de surcroît ami de son père. Du coup la relation alimenta une de ces problématiques qui rend la nomenclature parentale complexe en ethnologie : Sassou moins âgé que Bongo devrait désormais appeler ce dernier, beau-fils. Pour le doyen Bogo, Sassou c’est le beau-père. Les enfants issus du couple présidentiel ont pour père et gand-père des Présidents de la République (certes jamais élus démocratiquement) Edith est à la fois fille et épouse de chef d’état.
Ce type de relations horizontales était surtout en vigueur dans les maisons d’Europe sous la monarchie. On scellait des alliances politiques à l’intérieur des alliances matrimoniales, à moins que ça ne soit l’inverse. En mimant cette tradition royale européenne, Sassou fut bien inspiré. En 1997, le beau-fils le sauva in extremis du pétrin dans lequel l’avait plongé le professeur Pascal Lissouba. L’alliance politique avec le puissant voisin, de surcrôit pièce-clef de la françafrique, paya.
Mais Edith est Congolaise, Joséphine gabonaise. Son mariage vachement exogamique avec Bongo ne fit jamais l’unanimité au Gabon. Les Gabonaises estimaient que cette dame avait pris la place d’une gabonaise. Chacune rêvait d’être Cléopâtre à la place de Cléopâtre. Jamais les Gabonaises ne le lui pardonnèrent.
Dans la tradition kinoise, ce sont les épouses délaissées qui paient les musiciens pour régler les comptes avec les rivales par le truchement d’une chanson.
Simaro Lutumba excelle dans ces disques demandés.
Excellente chanteuse, Joséphine Bongo n’a pas jugé nécessaire de recourir à Pierre Akendengué ou à Olivier Ngoma pour passer le message à sa rivale. Elle s’est chargée elle-même de faire chanter littéralement le couple présidentiel gabonais.