A l’entrée de cet antre du savoir est écrit : « Ici on parle Lari ». Ceux qui y mettent pied, savent à quoi s’en tenir. On parle du gardien du Temple : Denis Malanda, impressionnant baryton, Lari décomplexé.
« Yiza ta moka » le titre de l’émission ethnolinguistique de Denis Malanda d’ordinaire connu comme musicologue ouvre le débat sur ce que Côme Manckasa a appelé le dynamisme Lari, logique qui juxtapose dans cette société lignagère structures parentales, économiques, et superstructure messianiques.
Dans une perspective de l’aliénation, la petite musique égocentrique fredonnée de plus en plus en société Lari serait-elle une façon de dire à ceux qui détiennent les appareils répressifs d’Etat : « vous contrôlez le capital financier, nous contrôlons le capital culturel » ?
Les mauvaises langues parleront d’intégrisme, d’ethnocentrisme, de repli tribal, voire de tribalisme. Ils n’auront pas tort. Car pensez que dans le contexte dogmatique de l’unité nationale, l’entièreté de l’émission Yiza ta moka en langue lari, visible sur la chaine YouTube, parait comme une provocation. Mais la tolérance doit être de mise dans les situations interculturelles et interethniques comme le cas du Congo.
Do you speak Lari ?
Quiconque foule le paradis Malandadénisien du réseau social doit parler Lari stricto sensu purgé de mots d’emprunt exogènes.
Cette stratégie exclusive étonne.
Reste que l’injonction puriste n’est pas manifeste mais tacite. En tout cas ceux qui viennent dans ce temple la respecte implicitement et la pratiquent comme une grammaire intériorisée naturellement, consciemment, inconsciemment... comme une habitude, comme un habitus, une éthique, un éthos...ça doit resurgir de nos profondeurs comme une question de vie ou de mort.
Tsunami anti-Lari
En raison de cette tactique langagière du tiers-exclu, ces derniers temps, un cyclone anti-lari déferle sur les réseaux sociaux, notamment après, entre autres provocations, la chanson « Mwana mulari zébi lwata », titre qui fait fureur dans les fêtes sapologiques parisiennes.
Chose curieuse, les attaques lariphobes, d’habitude intra muros, proviennent désormais (aussi ) de l’autre côté du fleuve, en RDC. En un effet un ticktokeur du Congo Démocratique s’en est férocement pris aux Laris de Brazzaville auxquels il dénie, ipso facto et ex abrupto les racines Bantou car selon lui ce peuple serait d’origine tchadienne. Pour l’influenceur kinois, (antisémite primaire car selon Hervé Mahickat les Laris sont des Juifs Noirs), non seulement ces Laris viennent d’ailleurs mais en plus ils sont xénophobes. (Allusion faite à l’opération Mbata ya Bakolo pourtant déclenchée par Jean-François Ndenguet sous l’œil approbateur de Sassou, deux sujets Mbochi.)
Serpent qui se mord la queue, c’est le monde à l’envers. L’amalgame de ce compère kinois anti-lari épidermique relève de la méconnaissance de l’histoire ancienne et récente du Congo-Brazzaville et de l’Afrique en général.
Et notre youtubeur misanthrope de conclure que les Laris ne méritent pas d’être au Pouvoir au Congo après Sassou et que d’ailleurs eux les Kinois mettraient toute leur énergie en jeu pour que cela n’arrive pas. Que Sassou ait des fans parmi les victimes de l’opération Mbata, c’est le comble du paradoxe.
Paradoxalement c’est ce type de perspectives laricide qui semblent donner du zèle et des ailes à l’exaltation des poolistes comme Denis Malanda l’exprime dans l’émission « Yiza ta zonza » qui affiche une audience himalayennes en milieu congolais. Cet audimat annapunarien en est à la saison 2 (ce qui est un gage de succès).
Lari pur et dur
La dernière émission diffusée dimanche 15 décembre 2024 a porté sur l’attitude de la femme dans la structure conjugale. L’invitée sur l’idéal-type féminin au foyer a été Florence Mankou, artiste congolaise résident en Belgique. La chanteuse n’a pas été invitée par hasard. 1-Elle parle un lari châtié, 2- elle est autrice d’un titre significatif sur le mariage (chanté en lari, bien entendu) enregistré aux studio de Fredy Kébano à Bruxelles.
Les précédentes émissions Yiza ta moka sur le groov, le dynamisme et l’identité du Pool a connu un invité inattendu (l’artiste Mountouari Côme alias Kosmos), ainsi que l’historien Joachim Maloumbi, un spécialiste du champ matrimonial kongo-lari, en tandem avec Mme Mokono, parfaite kongologue. Joachim Maloumbi a développé une profonde rhétorique sur le sens des noms propres chez les Kongo. Les notions de lignage et de clan, les Mvila Kongo préoccupent Denis Malanda. Les mvila ont fait l’objet d’un tube inoxydable de Kosmos (Tata Mbiémo). Ce titre où il décline sa généalogie clanique est souvent entendu au moment des crises existentielles du sujet Kongo qui vient de Mbanza Kongo et non du Lac Tchad. Ya Côme a été invité chez Yiza ta moka afin d’en expliquer les dynamiques et le mode de transmission et d’appartenance clanique. L’école de l’enfant Kongo est le Mbongui, première Institution du savoir anthropologique et ontologique.
Autre paradoxe : notons que Ya Côme, légende de la musique congolaise qui parle Lari comme Molière la langue française est un puissant compositeur lingalophone. De quoi donner raison à ceux qui disent que le lingala est une langue kongo.
Couleurs de nos langues
Vivant en France (pays de Victor Hugo) que Denis Malanda soit farouchement attaché à la langue de Matswa (le Lari), il s’agit d’une posture décomplexée de l’identité ethnique. Ceux qui adhèrent à son concept vivent une réelle idéologie du néologisme Lari « le goût de ça. »
Il serait excitant que les autres groupes ethniques congolais emboitent le pas à Denis Malanda en donnant et partageant aux autres le goût de leur langue.