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La baie des anges

La convention de Nice a eu lieu samedi 29 mars 2025. Les Congolais réfléchissent sur la violence et le devoir de mémoire.

Photo: Colloque sur la Baie des Anges

Samedi 29 mars 2025 s’est tenue une agora congolaise à Nice. Thème des échanges de la rencontre azuréenne : convention mémoriel et prospective sur l’histoire politique su Congo. Soixante sept ans de sang et de larmes.

Pendant ce temps, ailleurs à Paris, même date, Guy Mafimba Motoki prenait le pari d’une démarche à peu près identique des Congolais de la Diaspora qui n’ont plus envie de voir Sassou se succéder à lui-même dans son pays en 2026. Intitulé de son mouvement politique : Projet Commun pour la Renaissance du Congo.

Avec autant de coups de boutoir assenés de toute part, ce serait miracle si le vieux dinosaure d’Oyo passe le cap capital de 2026.

Organisateurs

Le moment politique niçois a eu lieu sous l’égide des associations DPCE et MPC. L’évènement a été couvert en direct par la chaîne Ziana-TV. Le professionnalisme de son rédacteur, Cyr Makosso, ne fait plus l’ombre d’un doute.

Chapeau bas à Thierry Mantsounga à qui a incombé la logistique de cette catharsis ainsi qu’à Jean-Noël Mabiala chaînon entre la rencontre de Nice et celle, en amont, de Lyon l’an dernier. Les débats ont été modérés par Evrard Bakoua, Thierry Mantsounga, Jean-Noël Mabiala. La synthèse des tables-rondes est visible sur Ziana-TV .

Le train du changement

La rencontre a eu lieu à Ibis Hôtel (Nice) à quelques encablures de la gare centrale de Nice sous un climat printanier qui a été du goût des 20 à 30 participants venus à 98 % des quatre coins de la France. Nantes, Toulouse, Lille, Grenoble, Limoge, Lyon...

Si Nice m’était conté

Pour la petite histoire, depuis la gare, lorsqu’on pousse la curiosité plus loin vers la vieille ville en prenant par l’avenue Jean Médecin, on tombe sur le Lycée Masséna où Pascal Lissouba, adolescent, fit ses études dans les années 50.

Sur les hauteurs de Mont Boron, quartier huppé de Nice, trône une villa cossue appartenant à Edith Lucille Bongo née Sassou-Nguesso, illustration du crime de bien mal acquis.

Pour sa part, Antoinette Sassou, « femme au foyer », propriétaire d’un bien immeuble dans le 16ème parisien, a récemment précipitamment pris la poudre d’escampette comme une voleuse, pour avoir trempé dans le crime de biens mal acquis. Les noces à Nice font partie d’une tradition des oligarques congolais qui y possèdent des biens meubles et immeubles à des prix exorbitants.

La critique éthique devrait davantage s’intéresser à cette région méditerranéenne de la France soumise à des extravagances congolaises et où, on s’en souvient, l’inénarrable Antoinette Sassou Tchibota ( déjà elle) fêta avec fastes un anniversaire à St-Tropez dont la facture s’éleva (tenez-vous bien) à 1 million d’euros. Comparaison n’étant pas raison, Marine Le Pen, a été carbonisée du champ politique pour un détournement de 4 millions d’euros. En effet le Congo n’est pas la France.

Les modérateurs : Jean Noel Mabiala, Thierry Mantsounga, Evrard Bakoua

Le mois de mars

Pour la convention de ce samedi 29 mars 2026, le choix de Nice n’a pas été seulement climatique ou touristique. La ville de Nice a été aussi la cité où a vécu après la fin du gouvernement de la Transition notre compatriote Jean-Luc Malékat,«  Mozart de la Finance », grand commis de l’Etat. Jean-Luc Malékat a marqué le combat politique en diaspora. Décédé en 2024, hommage lui a été rendu à la faveur de la Convention et une messe d’action de grâce demandée par la famille et les amis sera célébrée le 20 avril 2025, mois de Pâques, en l’Eglise St-Pierre de l’Ariane à Nice.

La passion pascale a eu notamment son lot de souffrances au Congo au mois de mars de l’année 1977, mois de débordement criminel où un torrent de sang a coulé. A ce jour, les Congolais ont du mal à exorciser et à tirer les leçons de cette dramaturgie comme en témoignent les troubles perpétuels dans la région du Pool et la vague d’arrestations politiques ( en l’occurrence Jean Marie Michel Mokoko, André Okombi Salissa) à l’issue de chaque scrutin qui donne « vainqueur » le général Sassou. Entachés d’irrégularités et de violences ces scrutins sont comptables par exemple de l’assassinat du militant de l’opposition Augustin Kala-Kala.

Tout ce sang !

Parmi les illustres Congolais auxquels la Convention mémoriel a rendu un hommage suivi d’une minute de silence : Lazare Matsokota, Anselme Massouémé, Joseph Pouabou, Abbé Fulbert Youlou, Alphonse Massamba Débat, Marien Ngouabi, Cardinal Emile Biayenda, tous sujet d’une mort violente infligée par leurs adversaires, « corsaires de l’arbitraires », sous l’étendard PCT. L’acide sulfurique de l’intolérance a eu raison de cette élite politique, en partie, à l’avènement de Sassou. Cela confirme, en dépit de ceux qui vantent la paix recouvrée grâce à « L’homme du 5 février », que le Congo n’est pas une démocratie. Au contraire.

Les Congolais n’ont plus pied. Comment éviter le naufrage ?

Mémoire à géométrie variable

C’est un truisme de constater que le pays a un problème avec sa mémoire. Celle-ci est sélective. Le régime en place ne consent à commémorer qu’en fonction d’un choix à géométrie variable. La disparition d’Edith Lucile Bongo, née Sassou-Nguesso, semble fonder le mythe de la mémoire collective nationale. Des autres gibiers de la très violente République ces quarante dernières années (Abbé Fulbert Youlou, Les 3 Martyrs de la Révolution de 1963, Alphonse Massamba-Débat, Marien Ngouabi, Cardinal Emile Biayenda ) , de ceux-là, La République n’en a cure. C’est l’amnésie totale. Pire : Marien Ngouabi, co-fondateur du PCT a été évacué de la mémoire.

La violence, une tradition congolaise

A la décharge des autorités actuelles qui ne ménagent rien en matière d’intolérance, la violence au Congo date des années cinquante (1956, 1959) période parsemée de guerres civiles, d’enlèvements et de tortures. La lettre de Jean-Félix Demba Telo lue pendant la Convention de Nice, définit l’intervalle 1956-2025 comme un lieu de fureur et de sang.

Devoir de mémoire

L’absence d’anamnèse (concept évoqué par Georges Ntsiba ) a pour corollaire la dérive autoritaire, trait caractéristique du régime congolais actuel depuis la prise de pouvoir par le général Denis Sassou-Nguesso en 1978. S’appuyant sur le courant psychanalytique, Georges Ntsiba (Lille) a évoqué le complexe d’Œdipe dans l’approche du champ politique congolais. La haine et l’amour déterminent les sentiments humains comme on le voit également dans le crime de Caen sur Abel où la jalousie fondent les rapports. Au Congo la violence construit les stratégies de conservation du pouvoir.
Pour Georges Ntsiba, on gagne à avoir une méthodologie pertinente quand on définit les notions par leur racine. En somme, « Le Psychanalyste de Brazzaville » du grand prix littéraire Dibakana Mankessi est une voie d’approche sans reproche épistémologique, et, chaque congolais habité de « méthodologie de l’irrespect »(Erik Neveu) se doit de porter ce statut intellectuel d’analysant.

La problématique mémorielle en arrive à des choix aberrants. En France dans le département de la Haute-Vienne ( a témoigné Evrard Bakoua) , Oradour-sur-Glane fait l’objet d’un rituel commémoratif en hommage aux enfants du village massacrés par les Nazis le 10 juin 1944. Dans la communauté juive l’institution de la Shoa été consacrée pour se rappeler les six millions de morts dans les camps d’extermination. A l’inverse, au Congo, en guise de devoir de mémoire, seul Pierre Savorgnan de Brazza a eu les privilèges de l’anamnèse grâce à un couteux musée, tandis que le travail de souvenir attend un édifice de même envergure en mémoire par exemple de Bouéta Mbongo, André Matsoua, les 360 Disparus du Beach.

Perspectives, prospectives

Le principal réseau de questions développées à Nice et qui a fait l’objet de quatre table-rondes a reposé sur une préoccupation. Notamment : quels sont les germes de la violence actuelle au Congo, les axes d’une prévention prospective ? Comment prévenir et anticiper les violences à venir sachant qu’il y a une perspective électorale tendancieuse en 2026 avec cette malice : « on n’organise pas les élections pour les perdre » ?

La morale de Sassou c’est précisément de ne pas en avoir. Sa violence est un phénomène social total dont la population fait les frais dans la vie quotidienne.

La liste est longue. Rien ne ressemble plus à une violence faite aux population que : la pénurie d’eau potable, les délestages tout azimut du réseau électrique, une administration gangrenée par le poison du népotisme, la faillite endémique du système de santé, le péril fécal, la désarticulation de l’Education Nationale, l’attribution au faciès ethnique des postes politiques, l’intra-ethnicité décomplexée des attributions des grades dans l’armée et la Fonction Publique, une santé publique soumise à rude épreuve.

Un échantillon représentatif des violences faites aux enfants, aux hommes et aux femmes : « au lycée technique de Pointe-Noire, les élèves font caca dans les herbes faute de sanitaires. » (Christian Mayouma) « A l’Université non plus. » Les étudiants sont contraints à la rétention intestinale faute de toilettes au sein du campus. Un article du sociologue Guy Boudimbou a été consacré au péril fécal au Congo, un sujet de santé dramatique dans notre société. La violence de Sassou est « proprement sale.  »
On comprend Trump 1 qui traita l’Afrique de pays de merde.

Florilège

L’irrespect des Droits de l’homme est une banalité au Congo. Dans le mémoriel de Nice, la caractéristique de cette gestion cruelle du pouvoir a livré un corpus dans l’espace du mémoriel de Nice.
Ci-après quelques narratifs : « Les ressources humaines valent mieux que les ressources minières.  » « Confiez le Congo à un chien, il sera mieux dirigé que par Sassou. » : « Le pouvoir ne se donne pas, il s’arrache. Il est au bout du fusil.  »

Diable ! Faut-il donner raison à Jacques Chirac, qui ironisa que « La démocratie est un luxe en Afrique. »

L’enjeu : anticiper sur les violences à venir

Alors quelle est la meilleure stratégie pour un changement radical apaisé ? La conquête politique n’est pas toujours du ressort de la masse. « Che Guevara a été un loup solitaire dont l’itinéraire a été Cuba, maquis congolais, Bolivie. » Le dilemme est le suivant : faut-il, comme le conçoivent 90% des Présidents africains « des hommes forts » ou, selon Barak Obama, des « Institutions fortes » en Afrique ? L’équation de l’homme fort versus des Institutions fortes peut être renversée sans que le concept de la force ne nuise à sa pertinence. C’est l’idée de Me Philippe Youlou, fils de l’abbé Fulbert Youlou qui a insisté sur la part du (tsi ou kimuntu) qui devra travailler notre conscience trop démunie d’humanité.
Pour Didace Péya Elée,« la pyramide est inversée. Il faut des Institutions fortes. Tout le monde n’a pas de relations au Congo. »

Par ailleurs il existe des hommes forts et des fils forts qui rêvent de succéder à leurs géniteurs, une relation de cause à effet rudement critiqué dans le livre de Pierre Bourdieu « Les héritiers. »
L’Œdipe africain où l’enfant est partagé entre la figure triangulaire de la mère, du père et de l’oncle est une trame intéressante de la sublimation des instincts. Or « Papa absent, enfant foutu » (Georges Ntsiba)
Dommage que nombre d’interventions « ne fassent pas le lien entre la théorie et la politique au Congo » (Kissingou Mabial Prosper)

Comment remédier à la crise congolaise ?

Sassou espère se maintenir à la tête du Congo grâce à une élection qu’il est sûr de remporter à 100%. Or le peuple souverain ne l’entend pas de cette oreille. Que faire ? Imposer une trantion après une concertation nationale ? Geler les avoirs du Pouvoir et déclencher des soulèvements de manière à faire tomber le régime ?
Chat échaudé, Sassou ne veut pas d’une conférence nationale-bis. L’homme garde un mauvais souvenir de celle de 1990.
« J’y suis, j’y reste » raisonne le putschiste de 1997.
Les Congolais lui répondent : A malin, malin et demi.

La conscience démocratique est une saveur à laquelle on aspire

Liste des intelligences présentes à Nice

Jean-Noel Mabiala (DPCE Lyon), Mayouma Christian MPC, Kounsissa Félix DPCE , Balossat Guy Michel DPCE , Evrard Bakoua (MPC), Kouka Matsingou Olivier (DPCE ), Rodrigue Tchinkati DPCE , Serge Nzengomona, Josépha Mombo Nzahou ( DPCE ), Georges Ntsiba, Gabin J. Matouti, Kissingou Mabial Prosper, Thierry Mantsounga Organisation, Cedrick (Organisation), Carole (Invitée), Yasmina Bendjama Myriem (Invitée), Gustave Bimbou (Invité), Jean-Roger Kabala (Invité), Philippe Youlou (Invité), Sita Dimitri (Invité), Didace Péya (Invité).

La rédaction

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