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Une demie journée avec Lilian Thuram à Johannesburg (par Achille Mbembe)

Je suis arrivé en retard à l’Hôtel Intercontinental situé près de l’Aéroport Oliver Tambo de Johannesburg où il m’attendait ce jeudi. J’étais passé par Rosebank. Lors de notre dernière rencontre l’été dernier, il m’avait laissé entendre qu’il aimait, entre autres, le jazz. Je lui ai donc acheté quelques morceaux de jazz sud-africain : Don Laka, Musa Manzini, Jimmy Dudlu, et, bien entendu, Sibongile Khumalo. Il m’attendait là, au salon de l’hôtel, avec ses bagages dont un joli sac en cuir. Ni le sac, ni la petite valise n’étaient pleins. J’en ai déduit qu’il sait voyager léger. Ses autres collègues, y compris Ronaldinho, Eto’o, Deco, Puyol, Zambrotta, Valdès et autres, sont rentrés tout droit à Barcelone. Ce soir, vers six heures, lui doit prendre un vol de la South African Airways pour Dakar au Sénégal. Il prendra ensuite part à une mission humanitaire au bénéfice d’ex enfants soldats dans la sous région....

Les deux portiers, Justice et Bongani, des Noirs sud-africains, nous ont aidé à entreposer ses deux bagages au dépôt. Loquace, Bongani me dit en anglais : « Eh bien, figures-toi que celui-là, je l’ai vu hier à la télé lors du match [opposant le Barça au champion sud-africain Sundowns]. Sauf qu’il ne portait pas de lunettes ». Il parle évidemment de Lilian, cet homme absolument adorable, aux épaules larges, au courage de fer et à l’intelligence vive, que je me fais un énorme plaisir de revoir un an après notre première rencontre ici même à Johannesburg.

Séductions

Lilian prend place sur la banquette arrière de la voiture. À sa gauche, il y a Léa. À peine assis, et sans autre forme de procès, Lilian se met à faire les yeux doux à Léa qui, fidèle à ses habitudes, entreprend d’abord de le jauger. Elle fixe ses yeux d’amande sur ceux de Lilian et refuse de papillonner, obligeant Lilian à plus d’efforts encore - ce à quoi il semble s’adonner avec un plaisir chaque fois renouvelé.

On dévale le premier kilomètre sur l’autoroute qui mène de l’aéroport au centre de la ville. Lilian est à présent tout entier dévoué à Léa. Mais c’est ainsi : Léa ne se laisse jamais envoûter par le premier venu. De celui qui soupire après elle, elle veut obtenir des gages d’authenticité. Le problème est qu’une fois ces gages obtenus, et le triomphe assuré, elle se détourne aussitôt de sa conquête. C’est elle qui doit séduire. On ne la séduit pas.

Lilian semble comprendre tout l’enjeu de cette épreuve, lui qui, désormais, se débat plus que jamais. Au milieu de cette lutte des volontés, j’arrive tout de même à placer quelques mots. Et d’abord je lui dis la joie que j’éprouve à le revoir ici, en terre sud-africaine.

Puis je m’enquiers au sujet de son état physique :

« -Tu dois être fatigué au terme d’une si longue saison ».

« -C’est vrai », dit-il.

« - Je suis désolé que Barcelone ait perdu son titre de champion dans des conditions aussi aléatoires ».

« - Dans une large mesure, nous y étions préparés ».

« - Combien d’années encore avec le Barça ? »

« - Encore une année de contrat ».

« - Quand vas-tu arrêter ? »

C’est alors qu’il m’avoue que son plus grand souhait est de prendre part à la première Coupe du monde de foot organisée en Afrique en 2010. Il a l’air sincère.

« - À un moment donné, le corps doit bien finir par lâcher », lui dis-je, comme s’il n’était pas le premier à le savoir.

« - Mais la tête, elle peut porter le corps au-delà de ce dont celui-ci est capable s’il est laissé à lui tout seul ».

Cette saison, j’ai vu un certain nombre de ses matches à la télé. En équipe de France comme avec le Barça, il faisait en effet porter son corps par sa tête. Placements plus qu’adéquats, sobriété des gestes, relances rapides et, lorsqu’il le fallait vraiment, interventions énergiques. Foot ou pas, il rentre dans une période de la vie au cours de laquelle désormais, c’est la tête qui devra porter le corps - jusqu’à la fin.

Ragots

Puisque je tiens sous la main une source aussi distinguée, je ne puis m’empêcher de régler les dernières rumeurs :

« - Est-il vrai que Thierry [Henri] vient à Barcelone ? »

« -Je ne sais pas. Mais c’est fort possible ».

J’hésite. Je ne sais pas s’il faut le croire. Je me dis que si Henri quittait Arsenal pour Barcelone, Lilian serait tout de même l’un des premiers à le savoir. Mais dans ce business où l’on brasse des sommes vertigineuses, les joueurs eux-mêmes savent-ils encore à qui ils appartiennent vraiment ? Ne sont-ils pas d’abord des marchandises roulantes ?

« - Samuel [Eto’o] rejoindra-t-il le Réal ? »

« - Quoi ? Samuel au Réal de Madrid ? »

« - Que non. Je veux dire au Milan AC ».

« - Franchement, je ne sais pas ».

Je comprends que les ragots du métier, ce n’est pas sa tasse de thé et ne pousse pas plus loin ma curiosité.

« - Comment vont les enfants ? ».
L’an dernier, il m’avait dit qu’il avait deux garçons. L’un d’entre eux porte un nom égyptien. L’autre porte le nom d’un grand héros de la lutte noire. Ils ont 9 et 6 ans respectivement. Ils fréquentent une école internationale à Barcelone.

« - S’intéressent-ils au foot ? »

« - Eh oui », répond-il.

Une seule race

Nous arrivons à l’université du Witwatersrand, bâtie par des conglomérats miniers au début des années 1920. Je lui montre le Musée des origines de l’homme récemment inauguré par le Président Thabo Mbeki. Je lui dis qu’ici, il peut passer un test qui indiquera avec précision la région d’origine de ses ancêtres. Il a l’air ébloui. Il veut passer le test tout de suite. Je n’ose pas lui dire que cela ne vaut pas la peine. Avec son physique si longiligne et sa belle couleur noire si bleue, je le verrais bien venir du Sahel ou du pays mandingue.

Nous montons au sixième étage de l’immeuble Richard Ward, là où se trouve mon bureau. Il continue de jouer avec Léa qui, à présent, semble s’être décidée de répondre à ses avances - timidement. Puis il y a Adila et Najibha, les deux sœurs d’origine indienne qui administrent l’institut de recherche où je travaille. Adila affiche un faible pour tout ce qui passe pour français : Paris, les fromages, les parfums, la langue. Adila et Najibha sont manifestement ravies de voir Lilian qui, lui, n’a toujours d’yeux que pour Léa.

Je lui montre mon bureau. Il s’attarde sur les bouquins. Il y en a à peu près mille cinq cents. Il tire de l’étagère Trop de soleil tue l’amour de Mongo Beti.

« - Ah, voilà Mongo Beti », dit-il, l’air ravi.

« - Oui, Mongo Beti. Indomptable jusqu’au bout - le roseau qui s’en alla sans jamais avoir plié ».

« - Un peu comme Marcus Garvey », avance-t-il. « Mais trop de radicalisme peut rendre aveugle ou pousser à des confrontations que l’on pourrait autrement éviter ».

« - Tout n’est pas dans la séparation en effet. La difficulté, c’est d’inventer le moyen de vivre ensemble. De toutes les façons, nous sommes condamnés à vivre ensemble ».

« - Tout cela passe par l’éducation, la connaissance et le respect mutuel », conclut-il.

Il me parle alors de ces enfants qu’il a rencontrés dans une école à Barcelone. Il devait leur parler du racisme. Lilian est persuadé qu’il n’y a qu’une seule race – la race humaine. Il fut étonné lorsque les enfants lui apprirent qu’il y avait plusieurs races humaines. Il leur a alors demandé de définir les qualités de chacune de ces races - ce qu’ils ont fait sans difficulté apparente. Ils ont énuméré les qualités de toutes les races – noire, jaune, rouge. Mais aucune pour la race blanche. Après avoir insisté pour savoir quelles étaient les qualités de la race blanche, un jeune garçon a fini par lui dire que la race blanche récapitulait en elle toutes les qualités des autres races.

La grande préoccupation de Lilian en ce moment est de mettre en place une fondation dont l’objectif est de lutter contre les préjugés racistes. Comme lors de notre première entrevue, il est convaincu que notre monde va comme il va à cause de l’ignorance. Il en parle comme d’un vaccin ou encore une forme d’immunisation. Il veut croire que la connaissance constitue l’arme fatale contre les préjugés. Sa guerre est une guerre contre l’idée qu’il existe plusieurs races. De sa fondation, il veut faire un outil d’éducation. Il est en train de réunir un groupe de travail composé d’intellectuels (historiens, sociologues, psychologues, généticiens) qui l’aideront à monter un programme d’action destiné en priorité aux jeunes dans les écoles. Il n’est pas d’accord avec ceux qui pensent qu’une telle action doit s’adresser en priorité aux Noirs.

« -Il faut en effet viser tout le monde », lui dis-je.

« - Même si, ajoute-t-il, les Noirs ont historiquement beaucoup souffert de ces préjugés ».

Le pays de Samuel Eto’o

À Sandton, nous avons rendez-vous avec un diplomate français avec lequel nous devons déjeuner. Dans le taxi, il évoque le Cameroun où il doit se rendre dans un avenir proche.

« - On m’a dit que c’est un très beau pays ».

« - Oui, c’est un très beau pays. C’est l’Afrique en miniature – la côte, la montagne, les hauts plateaux, la savane, le désert, la forêt, la grande forêt équatoriale, les couleurs, un potentiel économique et humain extraordinaire, mais aussi la perplexité face à l’incurie politique. C’est un très beau pays malheureusement mal gouverné. Toujours la même histoire. Des élites corrompues, cupides et prédatrices, qui ne valent pas la peine ».

« - C’est encore qui le Président ? Biya ou quoi ? »

« - Paul Biya. Il a étudié en France au cours des années coloniales. Il est ensuite revenu au pays. Il est là depuis 1982 ».

« - Quoi ? »

« - Je suis né et j’ai grandi sous le régime de M. Ahidjo. Il a régné de 1958 à 1982. Un beau jour, il a décidé de démissionner. Depuis lors, c’est M. Biya qui est à la tête du pays. Il voudrait sans doute y rester jusqu’à son dernier souffle. Les gens de ma génération, nous n’avons connu que deux présidents. Paul Biya, c’est un peu la « part maudite » de notre histoire postcoloniale, à la manière de Duvalier à Haiti ».

Deux présidents en un demi- siècle ? Lilian a l’air totalement incrédule. Mais il sait bien que je ne lui raconte pas d’histoires. C’est si pénible, de toutes les façons. S’agissant de l’Afrique, on aimerait pouvoir parler d’autre chose que des habituels refrains : des potentats imbéciles et jouisseurs, des peuples qui souffrent, des gens qui ne rêvent que de s’en aller. Malheureusement, c’est ainsi.

Lilian veut savoir si, au Cameroun, il y a des ethnies qui ont soumis d’autres à l’esclavage et si ce fonds historique complique la coexistence au sein d’une même nation. Je lui explique que la Traite atlantique toucha bel et bien les côtes de ce qui devit plus tard devenir le Cameroun. Que d’autres flux d’esclaves étaient orientés vers l’Arabie et étaient, pour l’essentiel, le fait de principautés musulmanes qui dépendaient du Caliphat de Sokoto. Et que finalement, il exista bel et bien, du moins dans certaines sociétés précoloniales du Nord et de l’Ouest Cameroun, une forme d’esclavage domestique qui n’avait rien à voir avec le système de la plantation dans le Nouveau Monde.

S’il existe un climat de relative animosité entre les ethnies, le pays n’est cependant pas en guerre. En fait, il ne fait jamais aussi « nation » que lorsque les « Lions indomptables », son équipe nationale de football, joue. Le régime au pouvoir instrumentalise le foot à des fins politiques. Mais moi, en tous cas, chaque fois que les « Lions indomptables » jouent, une fibre incontrôlable s’éveille et ne me lâche plus.

« - La puissance du foot », s’exclame-t-il.

Je lui parle de Samuel [Eto’o]. A-t-il appris quoi que ce soit de sa blessure ? Qu’envisage-t-il de faire après le foot ? Est-il vraiment conscient de ce qu’il représente ?

« - Il devrait faire comme toi », lui dis-je. « Il devrait se rapprocher des milieux intellectuels et de la culture. Il devrait être un peu moins obsédé par sa petite personne, cette vacuité maladive qui l’empêche d’être à la hauteur de son destin ».

Quel destin ? Lui se contente d’un chaleureux « Samuel se donne beaucoup sur le terrain ». J’en tire la conclusion suivante : « Pourquoi, en plus de ce tout cela, lui demander de donner ce qu’il ne peut offrir ? »

Sculpture

Nous avons rendez-vous au Mandela Square. Avant d’y pénétrer, Lilian remarque, à l’angle gauche, une exposition dans une galerie. Sans crier gare, le voilà au milieu des objets. Certains sont faits de bois précieux et d’autres d’ossements. Il s’émerveille devant la beauté de certains objets. « Regarde ça, les formes, la beauté », me dit-il, les yeux fixés sur une figurine faite d’ossements, je ne sais lesquels.

Je le taquine :

« - Es-tu certain qu’il ne s’agit pas d’ossements humains ? »

La France de Nicolas Sarkozy

Nous décidons de déjeuner dans un restaurant thailandais. Il choisit un curry d’agneau. Il le veut épicé. Le diplomate commande une salade de poisson, et moi des pâtes. Tous les trois, on boit de l’eau.

On reparle du projet de fondation et de la lutte contre le racisme. Dans vingt-cinq ou trente ans, au cours où vont les choses, la race blanche sera banalisée, affirme le diplomate. Elle ne sera plus l’étalon en fonction duquel on juge de la valeur de tout. Les empires sont faits pour naître, vivre et mourir, ajoute-t-il. J’évoque la montée de la Chine et de l’Inde, et souligne le fait qu’il manque à la puissance chinoise le poids d’une Idée, comme, par exemple, la liberté et la démocratie chez les Américains ou, simplement, un fétiche comme la « global black culture » (la musique, le sport et ainsi de suite). J’évoque aussi le fait que d’ici une trentaine d’années, les Hispanophones constitueront la majorité aux Etats-Unis. Lilian parle de sa visite à Hong Kong. Je conseille d’aller voir Shanghai. La porte de l’avenir, c’est l’Asie. De Shanghai, on a immédiatement l’impression que les États-Unis et l’Europe, c’est vraiment le vieux monde.

Nous évoquons longuement la situation en France depuis l’élection de Nicolas Sarkozy à la présidence de la république. Le diplomate a une vue très pratique de la situation. De son point de vue, Sarkozy est un génie politique. « Un génie néfaste », ajoute Lilian qui ne comprend pas comment les gens peuvent voter contre leurs propres intérêts. Mais c’est vrai, corrige-t-il, à bien contrôler les médias et surtout la télévision et à épouser de si près le pouvoir financier, on peut à peu près faire croire n’importe quoi à n’importe qui.

Le diplomate reste le diplomate pendant que nous parlons, pêle-mêle, de Rachid, la nouvelle ministre de la justice. Et de Rama Yade (photo), la jeune française d’origine sénégalaise, secrétaire d’État aux affaires étrangères et aux droits de l’homme, qui veut devenir la Condoleeza Rice de France. « J’ai lu son rapport sur la francophonie », dis-je. « On n’est pas obligé d’être d’accord avec tout le texte, mais globalement, il tenait la route. De toutes les façons, on ne voit guère l’équivalent à gauche », dis-je.

Puis, nous taquinons Lilian qui n’a pas l’air de s’en émouvoir : « Ségolène t’a reçu pendant sa campagne. Elle voulait une lettre de recommandation ? » « Si tu n’avais pas été méchant avec Sarko, tu serais le nouveau ministre des sports ». « Pourquoi ne rentres-tu pas en politique ? Tu ferais un joli travail de refondation du Parti socialiste ».

On repart sur Brice Hortefeux, l’ami de Sarkozy, préposé à l’immigration et à l’identité nationale ; Estrosi, l’autre bras droit du nouveau pouvoir ; du nouveau secrétaire général de l’UMP, sorti tout droit du groupe d’extrême droite Occident ; d’Alain Juppé qui n’a pas pu se faire élire au Parlement et qui, du coup, a raté son retour ; du nouveau ministre des sports, entraîneur de l’équipe nationale de rugby, qui, suggérons-nous, devrait démissionner si la France ne gagne pas la prochaine Coupe du monde ; du nouveau ministère de l’identité nationale ; de la gauche en état de délabrement et de banqueroute intellectuelle.

Dans le bus qui nous ramène à l’université, je finis par lui dire :

« - Lilian, tu devrais te donner cinq ans. Tu t’offres une boîte à idées. Tu t’entoures d’intellectuels et d’experts. Tu les mets sur des thématiques qui te tiennent à coeur. Ils te font des propositions concrètes sur un tas de sujets qui préoccupent les Français. Tu t’implantes quelque part, puis tu te lances. Avec ta voix propre. Les autres consomment les sondages. Tu as des convictions. Eh bien, tu les partages. Tu verras, les gens t’écouteront. »

« - Moi en politique, tu rigoles ou quoi ? »

« - Si tu veux voir naître le monde dont tu rêves, tu devras plonger. Mais il faut, auparavant, que tu te prépares sérieusement ; il faudra que tu ailles au-delà de l’anti-racisme ; que tu parles au-delà de ta communauté naturelle ».

Il fait semblant d’écouter. Mais au fond, j’ai l’impression qu’il se méfie instinctivement de la politique.

Intermède

À la fin du déjeuner, on est descendu dans le square. Soudain, un inconnu s’est avancé, un téléphone portable sous la main. « Je suis venu expressément du Cap pour le match d’hier, dit il, Pourrais-je avoir une photo avec toi ? » Lilian s’exécute.

Nous descendons au terminus des bus. Un bordel. C’est le règne de l’informel. Lilian n’a pas du tout l’air désorienté. Nous prenons place dans un car, en direction de l’université.
La Guadeloupe

J’évoque la Guadeloupe. Il y passe une partie de ses vacances chaque année. « Les gens te laissent tranquille ? ». « Eh oui. C’est tranquille. Je passe beaucoup de temps dans mon bateau », me répond-il.

« -Comment se fait-il que la Guadeloupe ait tant alimenté l’équipe nationale française de football ? Chimbonda vient également de là-bas ? »

« - Pas seulement Pascal [Chimbonda]. Il y a aussi Thierry [Henri], bien qu’il soit né à Paris), [Michael] Sylvestre, [William] Gallas et beaucoup d’autres. Puis il y a les athlètes ».

« - As-tu construit une maison chez toi ? ». Oui, me dit-il. Près de la mer. Et de m’inviter à y passer un petit moment de bonheur, dans son bateau.

Le test des origines

À peine descendu du taxi-bus, nous nous précipitons au Musée des origines de l’homme. Pour faire un test, il faut prendre rendez-vous, nous apprennent-ils. Lilian est déçu, mais il se reprend très vite : « On le fera la prochaine fois », dit-il.

Photos

Nous remontons à mon bureau. Adila et Najibha sont toujours là. Elles ont l’air plus excitées que tout à l’heure. Pendant qu’on était parti, elles ont « googlé » Thuram et ont retiré, entre autres, une photo de ce dernier en train de saluer Nelson Mandela. Elles sont fières de la lui montrer.

Puis, elles veulent une photo personnelle prise à l’aide d’un portable. Une fois de plus, Lilian s’exécute gracieusement.

Moi je m’amuse :

« - Eh, Adila, que va donc penser ton beau mari quand il verra cette photo ? »

« - Tu ne comprends pas ? Je voudrais qu’il soit un peu jaloux ».

Euclides Gonzales, l’étudiant de doctorat mozambicain passait par là. Il reconnaît tout de suite Lilian et veut, lui aussi, sa photo. « Des compatriotes à Maputo n’ont cessé de me demander pourquoi je ne suis pas allé voir le match à Pretoria hier soir. Maintenant, je vais leur montrer de quel bois je me chauffe. Je vais leur envoyer la photo. Ils n’y croiront pas ».

Chez le Vice-Chancelier

Je demande à Najibha d’appeler le bureau du Vice Chancelier de l’université. Je sais qu’il est un supporter d’Arsenal et du Barça. A-t-il une minute ? Lilian Thuram se ferait un plaisir de le saluer.

Nous voici au onzième étage de l’immeuble central. Le Vice Chancelier, premier mathématicien noir en Afrique du Sud, sorti tout droit de l’université d’Oxford et bénéficiaire de la prestigieuse bourse au nom de Rhodes, est gai comme un pinson.

« - J’étais bien embarrassé l’an dernier lors de la finale de la Ligue des Champions Arsenal-Barcelone », dit-il à Lilian. Je ne savais pas qui supporter ».

« - Pourquoi donc ? », s’enquiert Lilian.

« - Eh bien, parce que l’équipe de mon coeur, c’est vraiment Arsenal. L’on y trouve bien plus de Noirs que dans n’importe quelle autre équipe ».

Le Vice-Chancelier a oublié que certains jours, Chelsea aligne autant, sinon plus de Noirs qu’Arsenal. Mais peu importe. Avant de se séparer, il jure qu’il aura de la peine à laver sa main droite, maintenant qu’il a serré celle de Lilian. Il veut être sûr que ce dernier reviendra en Afrique du Sud – une promesse qu’il arrache facilement, avec l’assurance d’un maillot.

Maintenant, il faut qu’il se rende à l’aéroport. Son vol sur Dakar part dans moins de deux heures. On fait venir un taxi.

« -Reviens donc passer quelques jours de vacances dans ce beau pays, l’Afrique du Sud », lui dis-je.

Ainsi s’est passée ma demie journée avec un athlète exceptionnel, un homme absolument adorable, et avec lequel je passerais des heures et des heures à dialoguer, à parcourir l’Afrique, l’histoire du monde noir, ce que cela veut dire d’être Français aujourd’hui dans le monde, au point de rencontre de la singularité et de l’universalité.

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