RD CONGO - AFP
"Chalupa, tu es Congolais mais ta peau est blanche. Nous, on te choisit Tonton Jacques". Le haut-parleur grésillant, posé sur le mini-van de campagne, passe la chanson en boucle. Et le message semble faire mouche auprès des électeurs de Kinshasa "déçus" de leurs "frères noirs".
Au passage du cortège, des passants s’agitent, lèvent les bras ou le pouce. D’autres se ruent sur les voitures pour récupérer des tee-shirts, casquettes ou quelques billets. Une pratique courante en ces temps électoraux.
Au volant de son pick-up tous terrains, le candidat aux législatives du 30 juillet, étiqueté "indépendant", les salue de la main et, souriant, lâche quelques mots en lingala, langue de l’ouest congolais qu’il maîtrise parfaitement.
Depuis quelques semaines déjà, les habitants de Kinshasa connaissent ce "mundele" (blanc, en lingala) de 58 ans qui a criblé la ville d’affiches où il apparaît le visage sérieux orné de petites lunettes et encadré d’une épaisse chevelure blanche, sous le slogan lapidaire : "Chalupa, pourquoi pas ?".
Et tous se perdent en spéculations sur ses origines.
Une fois pour toutes, Jacques Chalupa tranche : Son père, dont l’une des grands-mères est "Africaine", descend de colons portugais installés dans la région au 15e siècle, et sa mère, originaire de l’île grecque de Kios, est arrivée avec sa famille dans l’est du Congo en 1943.
Lui est né à Uvira, au Sud-Kivu (est), et a grandi à Kinshasa qu’il connaît comme sa poche. Après des études à Bruxelles, il reviendra définitivement "dans son pays" et sera naturalisé congolais en 1999.
Seul candidat blanc de sa circonscription, il a épousé une Congolaise noire.
L’homme fait des affaires. Il dirige à Kinshasa une entreprise d’enseignes publicitaires, qui a notamment participé à la campagne du président-candidat de la République démocratique du Congo Joseph Kabila.
Un Blanc en campagne, un handicap ? Au contraire, répond le candidat, chaleureux et très à l’aise dans les rues de sa ville. « Je suis arrivé à un moment où les Congolais n’ont plus confiance en leurs frères », dit-il.
« Maintenant, nous voulons tester une autre couleur de peau », explique le directeur adjoint de campagne, Robert Kisimba. Le directeur de campagne, Jean-Claude Luhembwe va plus loin : « Si les Belges étaient restés, nous n’en serions pas là ! Ils avaient amené un tel développement, on aurait dû leur donner la nationalité congolaise à l’indépendance. Regardez l’Afrique du sud, les noirs sont ensemble avec les blancs et ils vivent mieux qu’ici ».
Un petit meeting est organisé dans une commune reculée de la capitale. Sous un arbre, quelques dizaines de "représentants de quartiers" écoutent Chalupa exposer son programme : "stabilisation des prix", "développement du tourisme" et immigration "sélective" pour les étrangers qui veulent ouvrir des commerces à Kinshasa.
« C’est un blanc, il est bien organisé. Ce sera bon ici au Congo », commente Claude Mbala, un habitant du coin.
Etre député de Lukunga, une des quatre circonscriptions de Kinshasa, ne suffira certainement pas à Jacques Chalupa. Il se verrait bien à la tête d’un ministère, « le tourisme ou l’urbanisme et l’habitat », dans le prochain gouvernement.
L’homme a les moyens de ses ambitions : de l’argent et de très nombreux contacts au sein des divers partis politiques, dont il fréquente certains dirigeants depuis sa jeunesse.
Ce Congolais blanc semble en outre échapper au débat empoisonné sur la nationalité de certains présidentiables originaires de l’est du pays, accusés d’être des "étrangers", "des Rwandais". "C’est un vrai Congolais", assurent ses supporters.
La présidence du Congo ? « Dans cinq ans, si le peuple le demande, pourquoi pas ? ».