En provenance du site rue89.com cet intéressant article de Théophile Kouamouo relayé par P-E Mampouya.
Comment utiliser les nouvelles technologies pour faire avancer la cause de la démocratie et des droits de l’homme en Afrique ? Cette question est au cœur de la réflexion de nombreux militants, activistes et membres de la société civile sur le continent noir. Elle y est plus complexe qu’ailleurs en raison de la fameuse "fracture numérique".
Alors que la fourniture en électricité est irrégulière dans la majorité des villages et dans un certain nombre de centres urbains, alors que l’accès à Internet reste encore un luxe (seulement 2% des internautes dans le monde sont Africains), comment créer des réseaux efficaces permettant de témoigner dans l’urgence, notamment en cas d’atteinte aux droits humains dans des lieux difficiles d’accès ?
La récente crise politique kenyane a profondément traumatisé la société civile de ce pays parmi les plus évolués d’Afrique. Plusieurs informaticiens et spécialistes d’Internet ont essayé de se rendre utiles dans ce contexte explosif. Parmi eux, deux hommes : Erik Hersman, très influent au sein de la blogosphère "techno" africaine, installé aux Etats-Unis après avoir grandi au Kenya et au Soudan, et David Kobia, serial entrepreneur du web.
Ils ont eu une idée : combiner les avantages de la téléphonie mobile (dont l’usage s’est démocratisé en Afrique) et d’Internet ; utiliser le mobile pour mieux recueillir à la base les témoignages concernant les exactions de part et d’autre, et le web pour mieux les dénoncer. C’est ainsi que le site Ushahidi est né.
Un numéro de téléphone mobile a été rendu public : les témoins de violences, y compris dans les campagnes reculées (donc non connectés au web), n’avaient plus qu’à envoyer des alertes par SMS. Des alertes traitées par l’équipe d’Ushahidi et mises en ligne. Mieux : grâce à l’utilisation de Google Map (ci-dessus), les visiteurs d’Ushahidi pouvaient localiser, sur une carte du Kenya, les régions les plus explosives. Dès lors, il devenait plus difficile de massacrer à huis clos.
Dans l’urgence, Ushahidi a été développé en deux jours et déployé en six jours. Le site a très vite fait sensation : des centaines de blogs et des médias prestigieux (BBC, Guardian, Christianity Today) en ont parlé.
Lors des dernières violences à caractère xénophobe en Afrique du Sud, Ushahidi a fait un petit : le site United For Africa, bâti par la même équipe sur le même principe. Désormais, il est question, pour les bâtisseurs du concept, d’améliorer l’existant (en perfectionnant les techniques d’évaluation de la pertinence des alertes SMS) et de développer une application logicielle gratuite, facilement utilisable dans le cadre d’initiatives humanitaires. Ils ont aujourd’hui besoin de soutien de bénévoles du web, notamment de développeurs, pour affiner un outil désormais mis à la disposition de tous.
Un outil qui ne pourra toutefois prospérer qu’à condition que les gouvernements africains s’abstiennent de "censurer" les communications par SMS. L’autorité de régulation des télécommunications au Zimbabwe a d’ores et déjà décidé de contrôler les messages téléphoniques pour combattre ce qu’elle considère comme un abus de services d’envois de SMS. Il est reproché aux organisations de la société civile et aux abonnés en général de communiquer des messages politiques… et de diffuser des blagues de mauvais goût sur le président Robert Mugabe.