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La "séminarite" : un syndrome qui frappe la classe politique congolaise

Pas une semaine ne se passe sans qu’au moins l’un des 38 ministres que compte la République organise un séminaire de formation, d’information ou plus prosaïquement de travail, le plus souvent dans la ville océane. Sans doute est-ce pour démontrer aux yeux de l’électorat à quel point ils travaillent d’arrache pied pour rendre exécutoire le projet de société du Chef de l’Etat, la « Nouvelle Espérance » qu’une inévitable motion de soutien viendra louer, en fin de travaux.

Quel est donc ce besoin irrépressible d’organiser des séminaires dont les conclusions ne seront jamais appliquées en dépit du battage médiatique qui est fait autour des sessions d’ouverture et de clôture, puisque des débats rien ne filtre jamais ? Les seules prétextes semblent bel et bien être la flatterie évoquée ci-dessus et la perception des per diem par les séminaristes.

Tenez, la Marine Marchande, sous la haute direction de son patron, le Ministre des Transports Maritimes et de la Marine Marchande , Martin Aimé Parfait Coussoud Mavoungou, ne vient-elle pas d’organiser à Pointe-Noire les 11 et 12 février un séminaire atelier portant sur le code ISPS [1]. Nous ne prétendrons pas que le sujet est anodin et ne mérite pas d’être mis en application, mais, nous savons pertinemment que la mise en conformité du PAPN au code ISPS demande nombre d’infrastructures et de moyens financiers qu’il est loin de posséder.

Le Ministre Coussoud Mavoungou a posé la question « Que faire pour que le développement de notre Port dans la perspective de la mise en concession de son futur terminal à conteneurs et l’accroissement de son trafic pétrolier se fasse dans un contexte de sécurité et de sûreté pour les importations et exportations sans restriction aucune en direction des autres ports du monde ? ». Si la question est bien posée, on attendrait plutôt, d’un homme d’une telle stature politique, des réponses en lieu et place d’interrogations.

Pourtant, les premiers séminaires traitant de ce projet datent de temps immémoriaux. Le pays est membre de l’Organisation Maritime Internationale depuis le 5 septembre 1975. Dès 2004, il déclarait mettre en action les mécanismes nécessaires à la mise en application rigoureuse du code ISPS. Depuis, il rechigne à mettre à disposition les moyens financiers, matériels et techniques. Par contre il organise des séminaires pour former les agents au respect de ce code qu’il sont bien en mal d’utiliser. Les vraies questions sont :
Le PAPN dispose-t-il des moyens de détection, prévention et répression des menaces en mer ?
Est-il en mesure de lutter contre les incidents de sûreté ?
Un séminaire de deux jours peut-il apporter des solutions pour l’application rigoureuse et uniforme des normes du Code ISPS ?
Pourquoi agir à la va vite comme si tout était prêt pour la mise en exécution de ce code ?
C’est ce qu’on appelle mettre la charrue avant les bœufs et dépenser pour rien l’argent de l’Etat.

En vérité, le port de Pointe-Noire est et demeure une vache à lait pour un petit groupe d’initiés mafieux. Pour eux, tout changement mettrait en péril leurs revenus occultes. Comment peut-on s’étonner que, entre autres, le Conseil Congolais des Chargeurs n’en fasse qu’à sa guise et freine des quatre fers pour retarder les avancées ?

Le projet du Guichet Unique Maritime (GUMAR) réclamé par les opérateurs économiques afin de réduire les tracasseries douanières et portuaires en simplifiant et facilitant les opérations commerciales, tout en les rendant plus transparentes et commencé en 2004 n’est toujours pas exécutoire malgré les recommandations prises dans ce sens lors de nombreux séminaires.

Le principal effet de la "séminarite" est de nous empêcher de quitter la case départ du développement durable. Les chapelets de décisions, résolutions et recommandations non exécutées par nos gouvernants tirent vers le bas la "Nouvelle Espérance", qui n’est plus qu’un slogan creux. On ne se préoccupe plus des manque d’eau potable et d’électricité ou des conditions de vie misérable de l’immense majorité des congolais qui survit avec moins d’un dollar par jour, la seule mesure prise en sa : la décision gouvernementale du 12 mai 2008 de réduction des taxes sur les 49 produits de première nécessité n’a eu aucun effet sur son niveau de vie.

On l’a compris, à l’instar du plan quinquennal abandonné bien avant son échéance, la "Nouvelle Espérance" n’aura pas résisté jusqu’à la fin du mandat présidentiel.
Symboles de ce fiasco :
 les grands travaux de la municipalisation accélérée de Dolisie 30 mois plus tard : un grand marché toujours en chantier, une préfecture à peine sortie de terre, un hôpital général paraît-il réhabilité mais toujours fermé et une mairie abandonnée aux entrepreneurs ;
 l’échec flagrant de la première année de municipalisation accélérée de Brazzaville.

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