René Serge Blanchard Oba, Administrateur Général de la Société des Télécommunications du Congo (SOTELCO) a inauguré le 7 mars l’agence ponténégrine de sa société, sise dans un espace high-tech au rez-de-chaussée de l’hôtel M’bou-Mvoumbou récemment privatisé.
La SOTELCO issue des cendres de l’Office National des Postes et Télécommunications (ONPT) bat de l’aile. Les carences du téléphone filaire : mauvaises liaisons, mauvaise gestion des fichiers clientèle, non paiement des factures par l’Etat, équipement archaïque, montée en force du mobile n’augurent pas de lendemains meilleurs pour la SOTELCO. René Serge Blanchard Oba, manager ambitieux, ne cesse de voir sa planche savonnée par les pratiques de l’Etat congolais : douze milliards d’impayés.
Dans un marché hautement concurrentiel, le développement de la SOTELCO nécessiterait, selon l’Administrateur Général, un investissement de vingt milliards de francs CFA sans lequel l’avenir de cette structure est compromis. C’est pourtant dans le cadre d’une conjoncture aussi terne que l’ouverture de l’agence de Pointe-Noire vient d’avoir lieu sur l’emplacement même de l’ancien casino du Novotel.
On y trouvera :
– Les souscriptions d’abonnement (téléphone fixe et services conforts) ;
– Le règlement des factures ;
– La notification des dérangements ;
– Un espace bureautique, téléphonie et télécopie (appels nationaux et internationaux, envoi et réception de fax) ;
– Un cyber café (accès Internet haut débit) ;
– Un espace VIP (réunion, vidéo et visioconférences) ;
– La vente des cartes prépayées SOTELCO ;
– La location de vidéo projecteur…
Rencontré par hasard, René Serge Blanchard Oba a bien voulu répondre
aux questions de notre collaborateur Daniel Lobé Diboto :
Daniel Lobé Diboto : Monsieur l’Administrateur Général, vous avez géré la transition de l’ONPT à la SOTELCO. Aujourd’hui que peut-on retenir de la SOTELCO ?
René Serge Blanchard Oba : Je pense que la SOTELCO est née dans un contexte très difficile, dû notamment à la mauvaise gestion de la séparation des entités des postes et télécommunications. La clôture de l’ONPT n’a pas fait l’objet d’un bilan et la répartition du patrimoine n’a pas tenu compte de la capacité réelle des nouvelles entités à conserver son personnel. En conséquence, la SOTELCO n’a pu absorber la totalité du personnel de l’ONPT. On a donc vu, durant pratiquement deux ans des concerts de casseroles, des cercueils, des orchestres. Rendez-vous compte qu’il a été difficile de travailler dans ces conditions.
Dieu merci, le gouvernement a régler ce problème juridiquement, cependant, sur le plan financier la question reste à résoudre. Retenons qu’il y a un mois, le gouvernement a déclaré solennellement que ce dossier ne concernait pas SOTELCO.
C’est le Conseil du gouvernement qui a pris la décision de dissoudre l’ONPT avec les conséquences qui en découlent.
Aujourd’hui que la situation s’est calmée, nous relançons la formation, l’investissement et nous nous dotons de véritables outils commerciaux. Naturellement, cette relance implique une gestion des ressources humaines adaptée à cette nouvelle donne.
Nous tiendrons car nous n’avons pas d’arriérés de salaires. Ces paramètres sont encourageants.
Cela dit la situation n’est ni excellente ni désespérée.
DLD : Vous a avez tiré des leçons des carences de la défunte ONPT, quelle stratégie allez vous mettre en place pour que la SOTELCO ne subisse pas le même sort ?
RSBO : La stratégie que nous allons mettre en place est multidirectionnelle, d’abord au niveau filaire ; il est difficile aujourd’hui de réhabiliter le réseau filaire national car il faudrait pour le faire, investir environ vingt milliards de francs CFA, plus un minimum de dix milliards pour remettre en l’état les centraux téléphoniques et les liens par faisceaux hertziens qui permettent une liaison nationale des images et des sons.
DLD : Le marché est très concurrentiel aujourd’hui sur le territoire congolais,et les parts de marché sont difficiles à conquérir. Comment pensez-vous séduire votre clientèle ?
RSBO : Le marché possède plusieurs niches, et nous sommes le seul opérateur congolais de téléphonie fixe. En ce qui concerne les produits de substitution, d’autres opérateurs nous concurrencent et en ce qui concerne leurs produits ils sont les meilleurs. Pourtant le secteur est en pleine évolution. On a de plus en plus besoin de services qui nécessitent une infrastructure différente de celle qui prévaut sur le marché. La SOTELCO engage un programme d’investissement en vue d’avoir le contrôle des flux entre nos clients et ceux des autres opérateurs parce que jusque là on ne voyait pas ce qui se passait.
A Brazzaville nous mettons en place une boucle hertzienne de trois cent trois -NDLR : terme technique incompréhensible à la lecture de la bande- dont vingt trois seront réservés à l’Internet. Nous nous préparons à lancer l’ADSL au Congo, les textes sont prêts. Nous menons de nombreuses actions up to date, mais il est vrai que nous avons des problèmes au niveau filaire en raison de l’importance de l’investissement exigé pour rénover le matériel.
Notre politique est d’agir par capitalisation de petites unités que nous allons implanter.
Nous manquons de moyens mais ne voulons pas tuer l’entreprise, c’est pour cela que nous montons des joint-ventures avec des sociétés qui ont le financement. En ce qui concerne le mobile nous venons de signer un accord de partenariat avec la société des Emirat Houarid. Nous sommes aussi en discussion avec un opérateur pour lui concéder la gérance des téléphones filaires. Sous ces conditions nous pouvons assurer la pérennité de la SOTELCO qui ne vivra que par capitalisation de toutes les actions qu’elle détient dans ces différents partenariats.
DLD : Vous venez de parler du contrôle des flux par la SOTELCO, qu’entendez vous par là ?
RSBO : Pour des questions de facturation, il est important que les opérateurs sachent quels sont les flux inter opérateurs. Auparavant la SOTELCO n’en était pas capable et se sentait lésée, c’est de cela dont je voulais parler.
DLD : De quel moyen disposez-vous aujourd’hui pour faire ce décompte ?
RSBO : Nous venons d’acheter deux plate formes « cary off to cary off », on a déjà installé celle de Brazzaville. Celle de Pointe-Noire le sera dans un futur proche. En somme quel que soit l’opérateur qui exercera au Congo, nous seront capable d’intercepter ces flux et d’évaluer ce que représentent ces flux en termes de coût et de les opposer dans la balance de compensation.
DLD : Où en êtes-vous avec la gateway ?
RSBO : Ce dossier a fait l’objet de plusieurs controverses, décret annulé, décret repris et ainsi de suite. L’actualité est que le Président de la République vient de signer un nouveau décret à propos de la gateway. Nous allons pouvoir travailler pour remettre ce dossier sur la sellette.
DLD : Monsieur René Serge Blanchard Oba, vous êtes descendu à Pointe-Noire pour inaugurer l’agence high-tech de la SOTELCO. Quels sont les services que cette agence va procurer à vos clients ?
RSBO : La ville de Pointe-Noire, manque d’un cadre assez agréable pour pouvoir surfer, aller sur Internet. Dans le cadre de notre politique commerciale nous avons engagé une trentaine de jeunes formés pendant six mois. Aujourd’hui, ils ont la chance d’intégrer la vie active. Mais nous avons pensé aussi qu’il ne suffisait pas de leur donner une formation mais aussi des outils de travail. Je suis convaincu que nous venons d’ouvrir le grand Cyber café de la ville. Nous avons ciblé l’Internet, la vente des cartes prépayées… En fait nous allons avoir une convergence de la voix, des données et des images.
DLD : Les perspectives de la SOTELCO ?
RSBO : En matière de technologies nouvelles, une entreprise qui ne sait, ou ne peut, investir fortement, voit son avenir compromis.
SOTELCO, accumule plus de treize milliards CFA d’impayés par l’Etat, alors que nous devons payer le système des balances. Vous comprendrez sans mal que ce manque à gagner compromet notre capacité d’investissement. L’Etat propriétaire de la société a une vision un peu particulière. Evidemment lorsqu’on gère une entreprise qui n’apporte rien à la valeur ajoutée de l’Etat il y a problème. Aujourd’hui la SOTELCO ne peut réaliser que des investissements de maintenance. Donc l’avenir de la SOTELO est assez difficile.
DLD : Voulez-vous dire que la SOTELCO n’est pas concurrentielle aujourd’hui ?
RSBO : En tout cas je dis que la SOTELCO n’est pas concurrentielle aujourd’hui, il y a qu’à voir une agence commerciale telle celle que nous venons d’ouvrir, c’est une première pour l’entreprise alors qu’il en faudrait un peu partout. Regardez l’état de délabrement de l‘ancienne agence commerciale et faites la différence. Nous avons foi en ce que la SOTELCO peut trouver sa place dans le marché de la téléphonie au Congo, mais…
DLD : Que faudrait-il pour que la SOTELCO soit compétitive ?
RSBO : Aujourd’hui si on me donne les vingt milliards pour réhabiliter le réseau de SOTELCO, je serais l’homme le plus heureux ! Le Congo vient de payer trois milliards pour avoir un plan de repérage sur SAT 3, il faut encore ajouter quatre milliards pour développer le système à quoi va servir cet outillage s’il n’y a pas des gens pour utiliser cela. Il faut trouver une symbiose pour harmoniser ces différentes conceptions. Donc d’un côté vous avez une entreprise qui n’est pas hostile mais qui a des convictions différentes que la vôtre. Vous devez aussi savoir que la démocratie c’est tout cela. Au niveau de la SOTELCO nous mettons tout en œuvre pour y arriver.
DLD : Parlons du syndicaliste que vous êtes. Quelles sont vos motivations pour être leader du syndicat ?
RSBO : Je pense que le syndicalisme n’est pas une plaie dans la société, si certains pensent comme ça, moi je pense que le syndicalisme est le garant d’un certain nombre de valeurs : notamment des valeurs d’équité, de justice, d’égalité de chances pour tous. Lorsqu’on incarne cette valeur là, a mon avis on est syndicaliste. C’est n’est donc pas une place sociale qui détermine si je suis syndicaliste ou pas. Aujourd’hui, nous sommes très heureux de cette confédération que nous avons créée il y a de cela plusieurs années et d’actualité nous devenons la deuxième centrale du pays. Cela montre des efforts que nous faisons au point où nous venons de voler la vedette à la CSTS (Confédération Syndicale des Travailleurs du Congo) qui était la première centrale du pays. Nous allons continuer à faire notre travail de défense des intérêts des travailleurs. Nous pensons que, imbus des valeurs syndicales nous allons pérenniser ce que nous avons commencé.
DLD : René Serge Blanchard Oba, pour les lecteurs de Congopage comment appelle t-on votre centrale syndicale ?
RSBO : C’est la COSILAC (Confédération des Syndicats Libres et Autonomes du Congo).
DLD : Dites-moi, la trêve sociale II, n’étouffe t-elle pas l’action syndicale ?
RSBO : Non du tout, du tout je pense que nous avons la possibilité de nous exprimer. Nous sommes représentatifs au niveau du pays.
DLD : Vous êtes aussi le Président de l’Etoile du Congo, quelle est votre vision pour ce club multisectoriel ?
RSBO : Quand j’ai été élu à la tête de ce club, j’ai dis que je venais pour faire des affaires, et des gens ont crié ne comprenant ni ma vision ni ma démarche. Dans la salle ça a fait un bruit terrible, mais je suis novateur, aujourd’hui nous sommes entrain de changer fondamentalement cette équipe en la dotant d’infrastructures de travail, car nous sommes déjà dans le semi professionnalisme.
Aujourd’hui chaque joueur de l’Etoile du Congo dispose d’un compte bancaire, c’est une mutation importante que nous avons initié au sein de ce club. Dieu merci ces efforts sont en train d’être couronnés. Lorsque nous sommes venus aux affaires, l’Etoile du Congo était reléguable en division inférieure, en six mois nous avons relevé le défi. Et mieux, nous avons été champions du Congo, champions de la ville de Brazzaville, champions de la ligue. Nous avons trusté toutes les coupes de la saison dernière.
Dans l’ensemble les perspectives sont très bonnes, aussi bien dans la politique des juniors que des seniors, et nous pensons que nous allons honorer notre pays parce nous sommes parvenus à un niveau de compétition africaine auquel, depuis longtemps, aucune équipe du Congo n’était parvenue.
DLD : Vous signez des contrats avec des entraîneurs étrangers, notamment dans la section football, et handball, pensez-vous que vous allez rentrer dans vos frais en parlant d’affaires puisque le sport ne rapporte presque rien au Congo ?
RSBO : Oui, c’est un challenge important, lorsqu’on met de l’argent, il faut bien le récupérer. Mais si on ne sème pas on ne peut pas récolter, donc laissez nous un peu de temps, nous sommes entrain de capitaliser nos joueurs. Hier, vendre des joueurs n’était pas envisageable au Congo, mais aujourd’hui le jeune Ibara est sollicité dans des championnats européens et en compte deux ou trois autres. Ce sont des ressources qu’avant les clubs négligeaient, je vous assure lorsque vous mettez sur le marché des joueurs comme Ibara, vous recevez quelque chose.
DLD : De quels clubs européens parlez-vous ?
RSBO : Il y a plusieurs clubs qui frappent à nos portes, ce qui est sûr, Ibara est à Sochaux en France.
DLD : René Serge Blanchard Oba, j’ai du mal à vous situer : Administrateur Général de la SOTELCO, syndicaliste, Président de L’Etoile du Congo, êtes-vous un homme heureux ?
RSBO : Oui, je pense que je suis fier de faire ce que je fais, la vie est agréable à vivre, je la vis pleinement, je la croque à pleines dents, je me dépense dans le monde des sports pour moi-même et pour le jeunesse. Au niveau syndical, ce sont des valeurs que je crois nobles et puisqu’il faut travailler pour vivre… il faut bien que je nourrisse mes enfants. Je remercie le seigneur d’avoir permis que je fasse une belle carrière, j’ai commencé chef de section, aujourd’hui, je termine Directeur Général, j’ai gravi tous les échelons dans mon entreprise, j’en suis très fier.