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Eyoma, fin

Ainsi donc il est mort. Boni, dont nous discutions ici il y a quelques jours à peine, serait mort à Brazzaville quand on le croyait à Mpouya. J’ai pour conviction que les morts se respectent. Tous. Parce qu’ils sont dans la situation de ne plus donner leur part de vérité, et de nous dire sur quoi reposait ce que nous pourrions leur reprocher. Dans le cas de Boni, que je qualifiais ici d’inutile chef d’une inutile rébellion, nous avons à peine connu l’homme.

Dans la République qui est la nôtre pourtant, tous les hommes ne se respectent pas de la même manière. Parce que chacun trouvera toujours, par attachement tribal ou fascination des zapatas, des arguments pour entretenir une cécité qui ferme à l’éclosion de l’affirmation nationale. Boni, alias Eyoma, nous préparait d’autres lendemains de larmes et de sang pourtant. Je demandais à vous qui me lisez de comprendre ce danger et d’y réagir. Mais comme toujours le doigt de la lune s’est égaré dans les fourrés qui ne comptaient pas.

Les réactions des uns et des autres prouvent que nous n’avons pas adhéré à cette catharsis à laquelle j’appelais : se libérer des atavismes et donner libre cours à l’expression d’une Nation qui n’a finalement jamais raisonné en tant que Nation. Condamner les sources de nos malheurs de violences et de haines avant qu’on se les approprie ou qu’on les cantonne dans les confinement du « eux contre nous ». C’est cela notre ligne de démarcation la plus nette : jamais faire bloc contre ou pour ; toujours louvoyer en fonction des origines de celui à encenser ou à vouer au gémonies. Et toujours condamner la dictature. Des autres.

La mort de Boni soulève pourtant beaucoup de questions. Quelques unes ont été posées, d’autres ont été enrobées sous les a-priori, de toujours. Dites, pensez-vous que nous soyons astreints à la fatalité du recours aux armes, toujours, pour dire non ou « merde » ?

Croyez-vous que nous n’ayons de choix qu’entre savoir manier la kalachnikov ou savoir recevoir des balles ? Que nous n’ayons de politiciens que ceux issus des rangs, droits comme une arme, efficaces comme une violence ?

Je ne suis pas de ceux qui se réjouissent de la mort de Boni. Pas de ceux qui croient que Boni mort, le problème est résolu. Car il faut d’abord le définir, ce problème ; lui trouver une nature et percer l’abcès ! Sassou Nguesso est-il producteur de miliciens ? Disons-le ! Dénonçons-le ! Les milices actuelles, connues ou virtuelles, sont-elles les excroissances de ce que Lissouba a laissé ? Disons-le !

Car demain Ntumi va rentrer à Brazzaville. Et instruit par le cas Boni, il voudra justifier toute violence préventive par le souci de se protéger. C’est à dire de sacrifier des vies pour une villa. Qu’il finira par transformer en bunker… ou en prison. Sous nos applaudissements : « bango na bango » !

Y en a marre d’un pays qui marche à reculons, clame les principes de démocratie et viole chaque jour les droits de ses citoyens. Y en a marre d’un pays où ces citoyens cherchent d’abord à doser le poids de la haine subie, pour ne plus avoir à réfléchir sur celle infligée. Et donc, perpétuer la tyrannie qu’on passe son temps à décrier. Bien vautrés dans un appartement d’Occident qu’il exhibe, locataire ou propriétaire, comme l’aboutissement de ce pourquoi il est venu au monde. Le Congolais se bouche à la vue de l’émotion vraie, qui fonde la conviction. Et tous les jours nous crions : « Sassou dictateur ».

BB

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