email

Bernard Kolélas et la fin du deuil

Un silence qui parle

Pourquoi Bernard Kolélas ne parle-t-il pas depuis son retour à Brazzaville ? Que va-t-il se passer maintenant que les quarante cinq jours impartis au deuil sont passés ?

Kolélas et la fin du deuil

Une chose a frappé les observateurs de la politique congolaise depuis le retour de Bernard Kolélas au Congo : son profond silence. Ce silence est d’autant plus surprenant que son arrivée à Brazzaville, ce 14 octobre, a coïncidé avec la crise de Bacongo opposant miliciens de Ntoumi et militaires progouvernementaux.

Depuis qu’il a foulé le sol natal après huit ans d’exil, personne n’a entendu parler Bernard Kolélas. Pire : personne n’a plus entendu parler de Bernard Kolélas. Face à cette étonnante situation, les rumeurs les plus folles sont logiquement allées bon train. Certains observateurs ont vite fait de parler de piège du pouvoir dans lequel aurait été pris Bernard Kolélas ou de résidence surveillée à laquelle il aurait été assigné, d’autres encore d’achat de silence à coup de billets de banque dont il aurait fait l’objet.

Kolélas otage de Sassou ? Kolélas candidat à la "mangeoire ?" : autant d’interprétations fantasmagoriques développées ici et là.
Mais comment démolir ces fantasmes si eux-mêmes les protagonistes se réfugient dans un silence absolu ?

Que s’est-il passé exactement ?

Décédée le 29 septembre à Paris, l’épouse de Bernard Kolélas a été inhumée le 15 octobre 2005 à Brazzaville. Selon une nouvelle représentation de la mort, le deuil congolais dure 45 jours (parfois 40). Pendant le temps du deuil, le silence du conjoint devenu veuf est de mise.
Les proches de Bernard Kolélas ont donc expliqué son attitude par le respect du temps de deuil que la tradition kongo impose rituellement à un veuf. Ironiques, certains ne se sont pas empêchés de souligner la position contradictoire de l’opinion à ce propos : « Quand Kolélas parle vous lui reprochez de ne pas se taire, quand il se tait voilà que vous lui reprocher de ne pas parler. » (allusion à la féroce attaque du 18 décembre 1998 à Bacongo, justifiée, selon le régime, par une déclaration que Kolélas aurait faite à RFI)

« Laissez-le d’abord finir son deuil. Ensuite on verra. Kolélas parlera » plaident ses militants.

Kolélas et Sassou : un duo énigmatique

Reste que, le décompte fait, à partir du 13 novembre le temps imparti au deuil observé par Bernard Kolélas semblait désormais révolu. Et, jusqu’à preuve du contraire, aucune prise de parole n’a été signalée du côté de la Cathédrale de Brazzaville, zone où le Pouvoir de Brazzaville aurait logé le leader du Mcddi.

Et les spéculations d’aller davantage bon train

L’épisode du retour de Bernard Kolélas prit déjà une tournure singulière dès l’arrivée du cortège funèbre à Brazzaville, vendredi 14 octobre 2005. Alors que les militants escomptaient lui réserver un accueil triomphal à l’aéroport de Maya-Maya, la délégation du Mcddi fut promptement prise en charge par le protocole du gouvernement et conduite vers... une destination inconnue. Ce fut la première surprise. La seconde vint de l’inhumation de l’épouse de Bernard Kolélas dont le Pouvoir se hâta de vite accomplir le rite funéraire dès le lendemain, au cimetière du Centre-Ville. Un record dans le système mortuaire kongo !

« On nous a volé notre deuil » murmurèrent les partisans de Kolélas. Les observateurs félicitèrent l’habileté avec laquelle Sassou, une fois de plus, éloigna de son pouvoir la menace que représentait le retour dans son pays d’un opposant qualifié de « très populaire » par le journal Jeune Afrique l’intelligent.

Plus de quarante cinq jours après, l’opinion est donc en droit de se poser des questions sur le mutisme de l’opposant le plus populaire du Congo.

Un réseau de questions

Que va-t-il se passer désormais au Congo-Brazzaville maintenant que l’adversaire le plus sérieux du régime de Sassou est dans ses murs ?
Observé par un homme qui n’a jamais eu la langue dans sa poche, l’assourdissant silence de Bernard Kolélas donne lieu à plusieurs interprétations. Ni Sassou ni Kolélas ne se sont exprimés sur le sujet. Problème : que se sont-ils dit dans les coulisses du pouvoir depuis le retour de Kolélas ?

L’heure tant redoutée de la rupture du deuil étant arrivée, l’un et/ou l’autre ne peuvent se contenter d’observer un lourd silence de...cathédrale. Ils doivent parler. Ils doivent dire aux Congolais ce qu’ils se sont dit, car, cela va sans dire, il se sont dit des choses. Et, les choses iraient mieux si ces deux grands acteurs de la politique congolaise s’expriment à ce propos.
Ont-ils parlé des autres ténors de l’opposition encore confinés dans l’exil ? Mystère et boule de gomme.

Vont-ils proposer une autre conférence nationale à laquelle vont participer tous les leaders de la politique congolaise, intra et extra muro ? Allez donc savoir !
En 2007 auront théoriquement lieu les élections présidentielles ? Comment les envisage Sassou avec un Bernard Kolélas dans les parages ? On vous le demande.

Ces deux-là vont-ils exhumer l’alliance Mcddi/Pct mise sous le boisseau en 1997 pour cause de guerre civile ? Autant donner sa langue au chat.
Toutefois, pendant que cette idée séduit certains, elle fait frémir d’autres. Les mêmes causes donnant les mêmes effets, il faut craindre (selon qui ceux qui sont hostiles à un rapprochement) que le pays ne bascule de nouveau dans l’enfer qu’il a connu un certain 5 juin 1997.

Retour à Paris

Pour l’heure, selon certaines rumeurs, Bernard Kolélas aurait l’intention de repartir en France pour "raisons personnelles". Ca serait une aubaine pour Sassou car si ce dernier a accepté son retour au Congo après l’avoir amnistié, ce n’était certainement pas par humanisme. Un imprévisible concours de circonstances l’y obligeait. On n’a pas besoin d’être clerc pour deviner que la « magnanimité » dont a fait preuve Sassou à l’égard de Bernard Kolélas était assortie de plusieurs conditions, parmi lesquelles (probablement) le silence du veuf durant le deuil et, après le deuil son retour illico presto à la case départ, c’est-à-dire à Bamako, via Paris.

C’est étonnant, nous dira-t-on, que Bernard Kolélas ait accepté pareil marché. Ou alors, ironiseraient les mauvaises langues, ce silence et son retour en France ont été obtenus moyennant espèces sonnantes et trébuchantes.

Reste que d’’autres « analystes » ont même esquissé l’hypothèse d’un Bernard Kolélas rompant le silence dû au deuil pour, juste, recommander âprement à ses militants de voter Sassou en 2007. Dans cette hypothèse s’intègre la variable de la définitive retraite politique du leader du Mcddi atteint par la limite d’âge et envahi le goût amer d’une vie politique remplie d’échecs.

Qui peut croire en ce fataliste scénario ?

Laissez un commentaire
Les commentaires sont ouverts à tous. Ils font l'objet d'une modération après publication. Ils seront publiés dans leur intégralité ou supprimés s'ils sont jugés non conformes à la charte.

Recevez nos alertes

Recevez chaque matin dans votre boite mail, un condensé de l’actualité pour ne rien manquer.