La nouvelle ne nous concerne pas directement, mais elle entre dans une jurisprudence intéressante. Samedi dernier se sont déroulées des élections présidentielles en Mauritanie. Elles mettaient aux prises de gros ténors de l’opposition, dont d’anciens chefs d’Etat, et le meneur d’un putsch. Elles étaient censées ramener la régularité constitutionnelle dans un pays qui a connu deux coups d’Etat en deux ans, le dernier le 06 août l’an dernier. Tout s’est passé à la régulière. C’est à dire à l’Africaine. Ou plus exactement, selon le scénario concocté une fois pour toutes par et (parfois) pour les Africains.
C’est-à-dire que la Commission électorale nationale indépendante, CENI (et non pas Conel) a proclamé une participation massive. C’est-à-dire que les quelque 300 observateurs internationaux déployés sur le terrain se sont dits « satisfaits du déroulement pacifique du vote ». C’est-à-dire que le putschiste Mohamed Ould Abdel Aziz qui avait renversé le premier Président démocratiquement élu Sidi Ould Cheikh a remporté le scrutin « dès le premier tour » (avec un peu plus de 52% des voix). C’est-à-dire aussi, panoplie africaine au complet, que l’opposition a hurlé à la « fraude massive », dénoncé « le bourrage des urnes », « l’emploi d’une encre non indélébile pour marquer les votants » et déposé un recours devant la Cour constitutionnelle. Du déjà vu ailleurs, dites-vous ?
Oui, sauf pour la suite.
Dans une dépêche qui vient de nous parvenir, nous apprenons que l’Union Européenne, maitresse ès-démocratie, appelle les autorités mauritaniennes à enquêter « de façon adéquate » sur les accusations de fraude. « L’UE attend la certification finale par la Cour constitutionnelle avant d’évaluer le résultat des élections ».
C’est cette déclaration qui, moi, me pose problème.
Certes l’Union Européenne n’a dépêché aucun observateur au Congo chez nous pour la présidentielle du 12 juillet, remportée par Denis Sassou N’Guesso. Mais que se serait-il passé si, accédant aux revendications d’un Mathias Ndzon, elle avait ordonné à la Conel (« autorité compétente » en la matière) de procéder aux vérifications d’allégations de fraude ? Que se serait-il passé si par miracle, une fois rendus à Brazzaville et dans les villes du pays, les observateurs de l’Union européenne avaient noté ici aussi que les opérations s’étaient « déroulées généralement dans le calme » ?
Où je veux en venir ? Je vais vous le dire.
Jacques Toubon, envoyé de Nicolas Sarkozy à Brazzaville a dernièrement demandé aux journalistes occidentaux de ne pas se montrer « arrogants » face à « la jeune démocratie africaine » ; qu’il faut savoir donner du temps au temps. Autrement dit, de même qu’il n’y a de corrompus que parce qu’il y a des corrupteurs, nos démocraties ne gagnent rien à vouloir tendre vers l’universalité, disent ceux qui devraient nous rappeler la voie de l’universalité, et qui fermeraient un oeil. Nous pouvons par nous-mêmes, diraient-ils, procéder aux « enquêtes adéquates » en cas de contestation d’un vote. La question de toujours demeure alors : à quoi servent les observateurs internationaux ? Et plus particulièrement ceux de l’Union Européenne ?
Benda Bika