Deuxième journée des audiences sur les crimes du beach de Brazzaville. Les prévénus ont comparu en civil, dépossédés de leurs grades militaires suivant un décret présidentiel du 19 juillet 2005. En revanche ils n’ont pas été mis sous écrou comme le prévoit la loi.
Deuxième audience
L’ancien ministre de la justice, Dieudonné Kimbémbé, a définitivement quitté la scène (il vient de décéder à Paris). Pendant qu’un dernier hommage lui est rendu ce 21 juillet au palais du parlement, le prétoire du palais de justice de Brazzaville continue de servir de théâtre pour une pièce où les irrégularités sont légion et les jeux de rôle plus ou moins joués par les acteurs.
Les conditions posées par les avocats de la partie civile,lors de la première audience, ont, pour quelques unes, obtenu satisfaction. Le décret présidentiel du 19 juillet a suspendu de leur fonction les hauts gradés des forces armées du Congo et de la police nationale, présumés responsables de la mort de trois cent cinquante trois réfugiés congolais en provenance de la R.D. Congo en septembre 1999. Et ce, jusqu’à nouvel ordre.
Si le gouvernement a cédé sur ce point, il a , en revanche, opposé un refus catégorique sur la mise sous dépôt des prévenus. Le ministère public, n’a pu exécuter la demande des prises de corps. Les délinquants, qui bénéficient de la présomption d’innocence, présumés responsables de ce génocide, n’ont donc pas été mis en prison comme le prévoit l’article 141 du code de procédure pénale.
La première audience de fond devrait tout de même commencer. Elle a été conduite sous la houlette de Charles Emy Lapèce. A 12h 30 min, déjà une foule se bousculait devant le parquet de Brazzaville, voulant assister à cette audience, malgré le fait qu’elle est retransmise en direct à la radio et à la télévision nationales. Le procès lui-même n’a effectivement démarré qu’à 15h 45 min, avec un retard de 45 minutes.
Les avocats de la partie civiles, six au total , remarquent quelques irrégularités dans le prétoire. Les gardes du corps de l’accusé Jean François Ndéngé, entrent de force dans le tribunal, faisant fi aux injonctions de gendarmes chargés de la sécurité. Les défenseurs de la partie civile font la moue, jugeant qu’ils sont en insécurité. L’un d’eux déclare que « la peur fait peur à tout le monde et que pour faire la justice, il faut de la justesse. » Et d’ajouter que dans ces conditions, la justice n’ était pas indépendante. Avis partagé par l’Observatoire congolais des droits de l’homme, lequel taxe ce procès de "parodie de justice" puisqu’au Congo le judiciaire est dominé par l’exécutif.
« Le Congo est, en Afrique, le deuxième à instruire une affaire sur le génocide et ce procès est certainement le plus important dans la période post-coloniale ». déclare un membre de la partie civile.
Il a été ensuite procédé à l’identification et l’audition des accusés, lesquels n’ont pas lésiné sur les moyens de défense en s’armant d’une armada d’avocats. Les sieurs Norbert Dabira, Blaise Adoua, Guy Pierre Garcia, Jean François Ndéngué, Emmanuel Avouka, Marcel Tchourou et bien d’autres ont tous reconnu leur implication active dans la guerre du 5 juin et ont condamné cet épisode de l’histoire du Congo qu’ils ne souhaiteraient plus voir se reproduire. Propos qui dans la suite du procès ne manqueraient de les condamner, puisque quelques mois après cette tragédie, ils entrèrent en guerre avec les miliciens du Pasteur Ntoumi. Cette même guerre, plus atroce encore pour les populations, qui est à l’origine de ce procès.
L’audience se poursuivra ce 22 juillet à 14h, heure de Brazzaville.
Samuel Keila à Brazzaville