Achille Mbembe [photo] est l’un des intellectuels africains les plus en vue de nos jours. Son oeuvre théorique, "De la postcolonie", est aujourd’hui un ouvrage incontournable étudié dans les universités américaines.
Ayant lu le "Manifeste des 44 écrivains pour une littérature-monde" paru dans Le Monde ainsi que la réponse d’Abdou Diouf et la tribune de Sarkozy dans Le Figaro, Mbembe nous livre son analyse dans le texte qui va suivre. Il est clair que la question de la Littérature-monde va susciter de plus en plus de réactions auprès des chercheurs des universites américaines. Les réflexions d’Achille sont donc les toutes premières, et nous nous réjouissons de les accueillir ici afin de poursuivre le débat.
Rappelons enfin que Mbembe est professeur d’histoire et de science politique à l’université du Witwatersrand, Johannesburg (Afrique du Sud) et directeur de recherche au Witwatersrand Institute for Social and Economic Research (WISER). Il est également professeur à l’université de Californie (Irvine).
Francophonie et politique du Monde
Il n’y a plus, aujourd’hui, un seul grand intellectuel noir disposé à célébrer sans façons les noces de la « négritude » et de la « francité », comme n’hésitait pas à le faire, récemment encore, Léopold Sédar Senghor. Chez la plupart d’entre eux prévaut, en effet, une attitude blasée. Les Etats-Unis sont manifestement les principaux bénéficiaires de cette défection. Ils offrent, à cet égard, trois atouts dont la France ne dispose guère.
Le premier, c’est leur capacité presque illimitée de capter et de recycler les élites mondiales. Au cours du dernier quart du vingtième siècle, leurs universités et centres de recherche sont parvenues à attirer presque tous les meilleurs intellectuels noirs de la planète - ceux d’entre eux qui avaient été formés en France, voire des universitaires français noirs auxquels les portes des institutions françaises sont restées hermétiquement fermées.
Dans les sciences sociales et les humanités par exemple, les meilleurs ouvrages des meilleurs auteurs noirs francophones sont désormais publiés par des maisons d’édition américaines. C’est, par exemple, le cas de V.Y. Mudimbe dont l’œuvre maîtresse, The Invention of Africa, n’a jamais fait l’objet d’une traduction française. Il est significatif que mon propre ouvrage, De la postcolonie, bien qu’originellement publié en français, ait eu plus d’écho dans le monde anglo-saxon où il figure dans d’innombrables programmes d’enseignement dans diverses disciplines.
Le deuxième atout est d’ordre racial. C’est l’immense réserve symbolique qu’est la présence aux Etats-Unis d’une communauté noire dont les classes moyenne et bourgeoise sont relativement bien intégrées dans les structures politiques nationales et fort visible sur la scène culturelle, même s’il est vrai par ailleurs que ladite communauté continue de souffrir de diverses formes de discrimination.
Il n’est qu’à voir, à cet égard, le nombre de gens d’origine africaine qui, à un moment donné, ont exercé ou continuent d’exercer de hautes fonctions au sein de l’armée, du gouvernement fédéral, au Sénat, au Congrès, à la tête d’importantes municipalités, voire à la Cour Suprême. Barack Obama, né d’un père kenyan, est candidat aux élections présidentielles de 2008. À bien des égards, la globalisation culturelle dont les Etats-Unis sont le fer de lance est, dans des domaines aussi variés que la musique, la mode, la danse le sport, et, de plus en plus le cinéma, constamment alimentée par les produits de la créativité des diasporas africaines installées dans ce pays depuis l’époque de la Traite des esclaves.
Viennent finalement les puissantes institutions philanthropiques (fondations, églises et autres) dont certaines disposent de sièges sur le continent africain même. La plupart ont pour cibles les milieux culturels et universitaires, les organisations de la société civile, les médias, voire les décideurs (hommes politiques, hommes d’affaires). À travers les subventions qu’elles distribuent, les programmes qu’elles soutiennent et l’éthos qu’elles promeuvent, ces institutions auxquelles s’ajoutent de nombreuses églises conservatrices jouent un rôle considérable dans « l’acculturation à l’américaine » des militants, hommes d’affaires, activistes et élites africaines en général.
L’on pourrait résumer tout ceci en un mot : l’éthique de l’hospitalité. Il ne s’agit pas de sous-estimer la réalité de la violence raciale ou la persistance, aux Etats-Unis, de l’idéologie de la suprématie blanche. Ceci dit, c’est cette éthique de l’hospitalité qui fait défaut à la France contemporaine. Son absence explique, en partie, l’incapacité française à penser ce qu’Édouard Glissant appelle le « Tout-Monde ».
À l’inverse, et malgré le tournant qu’a été la guerre contre la terreur (war on terror), c’est cette éthique qui rend le modèle américain si attrayant aux yeux des élites mondiales noires. Un fossé culturel grandissant se creuse entre ces élites et la France dont le modèle paraît de plus en plus désuet au sein d’une Europe qui se construit sur le modèle d’une forteresse.
Le français, langue africaine
Or donc, l’image de la forteresse s’applique également à ce que l’on désigne « la francophonie ». Léopold Sédar Senghor avait coutume de présenter cette dernière comme un des véhicules de la montée vers l’universel. Sa manière de chanter les vertus de la langue française avait quelque chose de pathétique. Pour lui, la Francophonie était, « par-delà la langue, la civilisation française ; plus précisément, l’esprit de cette civilisation, c’est-à-dire la culture française ». Il expliquait que le seul principe incontestable sur lequel repose la Francophonie est l’usage de la langue française. Mais, s’empressait-il d’ajouter : « Notre attachement à la langue ne serait pas si tenace s’il ne signifiait pas attachement à la culture française ».
À l’opposé de Senghor, de nombreux intellectuels noirs n’ont vu en la Francophonie qu’une idéologie du paternalisme colonial et de la servitude volontaire. À l’ère du « Tout-Monde », il est possible d’articuler une critique de la Francophonie qui se démarque aussi bien de la naïveté senghorienne que des arguments mis en avant dans le discours linguistique des nationalismes panafricains.
Selon ce discours, les langues européennes parlées en Afrique seraient des langues étrangères imposées par la force à des populations défaites et soumises. Elles représenteraient de puissants facteurs d’aliénation et de division. En outre, elles ne se seraient imposées à la conscience africaine qu’en évinçant et en marginalisant les langues autochtones et la somme de réflexion religieuse, politique et esthétique que celles-ci véhiculaient.
Toujours selon cette logique, la langue coloniale (en l’occurrence le français) aurait pour fonction d’imposer la loi d’un pouvoir sans autorité à un peuple vaincu militairement. Pour ce faire, elle ne doit pas seulement provoquer la mort des langues autochtones qui lui résistent ou encore en effacer les traces. Elle doit aussi masquer sa propre violence en inscrivant celle-ci dans un système de fictions en apparence neutres (humanisme, progrès, civilisation, universalisme).
Tel étant le cas, il ne pourrait y avoir de libération politique, économique ou technologique qui ne s’accompagnerait point d’une autonomie linguistique. En retour, l’émancipation culturelle ne serait guère possible sans identification totale entre langues africaines, nation africaine et pensée africaine. C’est, par exemple, le raisonnement d’un Paulin Hountondji ou d’un Ngugi wa Thiong’o.
L’on ne saurait nier les pouvoirs de la langue, notamment lorsque ces pouvoirs s’exercent dans un contexte de rencontre imposée, d’expropriation et de dépossession, comme ce fut le cas sous la colonisation. De fait, il y a toujours, dans ce genre de situations, un équivalent linguistique du « pouvoir du sabre » (razzias et destructions, tortures, mutilations, épurations et profanations).
Ceci dit, le raisonnement nationaliste repose sur une série de méprises. Tout d’abord, il sous-estime le fait qu’au terme de plusieurs siècles d’assimilation progressive, d’appropriation, de réappropriation et de trafics, le français a fini par devenir une langue africaine à part entière. Ce processus est fort différent de la « francisation » des diverses régions de l’Hexagone dont traite Fernand Braudel dans son étude sur l’identité de la France. Les langues, religions et techniques héritées du colonialisme sont passées par un processus de vernacularisation - iconoclaste sans doute, et en bien des aspects destructeur, mais aussi porteur de ressources nouvelles tant sur le plan de l’imagination, de la représentation que de la pensée. Il n’y a qu’à voir, de ce point de vue, la saveur littéraire d’un Sony Labou Tansi ou d’un Ahmadou Kourouma – pour ne citer que les morts.
Ensuite, loin d’entraver le pouvoir de figuration des langues autochtones ou de le piéger, ces dernières ont tiré profit du procès d’indigénisation du français. De cet entremêlement est en train de naître une culture baroque caractéristique des grandes métropoles africaines. Sur le plan linguistique, le baroque consiste, ici, en un processus de transformation figurative impliquant, de nécessité, une relative déperdition, une dissipation, voire un obscurcissement de la langue originaire. Cette dissipation a cependant lieu au sein d’un foisonnement des objets, des formes et des choses. Voilà pourquoi, sur un plan culturel, le baroque rime, non pas avec la production mimétique et l’aliénation comme tend à le faire croire le discours du nationalisme culturel, mais avec vraisemblance, véri-similitude, onomatopée et métaphore.
Narcissisme et parisianisme
Maintenant, il s’avère que le discours officiel français sur la langue française présente des similarités avec celui des nationalismes panafricains. Or, le nombre des francophones hors de France est aujourd’hui supérieur à celui des Français. La langue française est, de nos jours, davantage parlée hors de France qu’en France même. La France n’en a plus l’exclusive propriété.
Le français est désormais une langue au pluriel. En se déployant hors de l’Hexagone, il s’est enrichi, s’est infléchi et a pris du champ par rapport à ses origines. Or, la France ne s’étant guère décolonisée - malgré la fin de l’empire colonial - continue de promouvoir une conception centrifuge de l’universel largement décalée par rapport aux évolutions réelles du monde de notre temps. Elle fait, aujourd’hui, l’expérience d’un blocage culturel.
L’une des raisons de ce blocage est que le français en France a toujours été pensé en relation à une géographie imaginaire qui donnait à ce pays l’illusion d’être le « centre du monde ». Au cœur de cette géographie imaginaire, la langue française était supposée véhiculer, par nature et par essence, des valeurs universelles (les Lumières, la raison et les droits de l’homme, une certaine sensibilité esthétique, un certain esprit de la méthode). Telle était sa tâche, mais aussi son pouvoir - celui de représenter la pensée qui, se mettant à distance d’elle-même, se réfléchit et se pense elle-même. Dans cet éclat lumineux devait se manifester une certaine démarche de l’esprit lui-même - celle qui, dans un mouvement ininterrompu, devait conduire à l’apparition de « l’homme » et au triomphe de la raison européenne et universelle. On voit bien que dans ce mouvement, ni l’Autre, ni le Monde n’existent point.
L’autre raison du blocage, c’est la totale identification de la langue française et de la république française. Les noces de la république et de la langue sont telles que l’on pourrait dire : la langue n’a pas seulement créé la république (l’État). La langue s’est elle-même créée au travers de la république. Dans un acte de transsubstantiation, la république s’est déléguée elle-même dans un substitut, la langue française, qui la représente et la prolonge. Du coup, parler ou écrire le français dans sa pureté, c’est, essentiellement, dire non point le Monde, mais sa nationalité, sa race et son ethnie. D’où la difficulté pour le Français moyen de prendre au sérieux le français des non-Français, voire les institutions telles que la Francophonie ; ou encore de penser que la littérature de langue française écrite par des non-Français fait partie de son patrimoine culturel.
Ce rapport métaphysique à la langue s’explique lui-même par la double contradiction sur laquelle repose l’État-nation français. D’une part, les noces de la langue et de l’État trouvent une partie de leur origine dans la Terreur (1793-1794) durant la Révolution. C’est de cette époque que date le réflexe du monolinguisme – cette idée typiquement française selon laquelle la langue française étant une, indivisible, et centrée sur une norme unique, tout le reste n’est que patois. Il s’agit, d’autre part, de la tension, elle aussi héritée, du moins en partie, de la révolution de 1789, entre le cosmopolitisme et l’universalisme.
Cette tension est au fondement de l’identité française. L’universalisme à la française n’est, en effet, pas l’équivalent du cosmopolitisme même s’il signifie, quelque part, une certaine manière de lecture du monde et de relation au monde. Dans une large mesure, la phraséologie de l’universalisme a toujours servi de paravent à l’idéologie du nationalisme français et à son modèle culturel centralisateur - le parisianisme. Pendant longtemps, la langue a été l’enveloppe de ce narcissisme dont elle a, à la fois, manifesté et masqué les aspects les plus chauvinistes.
La France, fossoyeur de la francophonie
Pour les Français, le triomphe de l’anglais comme langue dominante du monde contemporain a entraîné la cruelle réalisation selon laquelle la langue française, en fin de compte, pourrait n’être qu’un idiome national parmi plusieurs autres. De fait, la France fait partie du monde, mais elle est loin d’être le « centre du monde ». En réalité, l’aura de la France dans le monde est en déclin. Les raisons de ce déclin sont nombreuses. Contentons-nous de celles qui ont trait à la pensée.
Sur le plan théorique, la critique postcoloniale et la critique de la race (deux phénomènes intellectuels que, dans leur myopie, les élites françaises continuent de confondre à tort avec le Tiers-mondisme) ont accentué le défaut de crédibilité de l’idéologie hexagonale. Or, la pensée française contemporaine continue de se déployer comme si la critique postcoloniale de l’universalisme (pour ne parler que d’elle) n’avait jamais eu lieu.
L’élite de France aurait pris au sérieux ces deux critiques qu’elles lui auraient appris, d’une part, que les langues universelles sont celles qui assument leur caractère multilingue. D’autre part, elles lui auraient permis de mesurer à quel point le sort des grandes cultures mondiales se joue désormais par le biais de leur capacité à traduire les idiomes du lointain en quelque chose non plus d’étrange ou d’exotique, mais de familier.
Puis il y a eu le triomphe, à l’échelle mondiale, d’une sensibilité cosmopolite que favorise, en très grande partie, la globalisation. Comme on le sait désormais, la globalisation consiste autant en un processus de mise en relation des mondes qu’en un processus de réinvention des différences. À la limite, l’un des succès de la globalisation est le sentiment qu’elle donne à chacun et à chacune de pouvoir vivre non seulement sa fantaisie, mais aussi de faire l’expérience intime de la différence dans l’acte même par lequel on la subsume et la sublime.
Autrement dit, il y a une manière du « nous » qui, à l’échelle du monde, prend désormais forme – et de manière privilégiée - dans l’acte par lequel l’on parvient à partager les différences. Voilà précisément ce qu’il tarde aux élites de France de comprendre.
La sublimation de la différence et son partage est possible parce que la distinction entre la langue et la marchandise s’étant, pour l’essentiel, effacée, communier à l’une équivaut à participer à l’autre. Langue de la marchandise, marchandise de la langue, marchandise en tant que langue, langue sous l’espèce de la marchandise, langue comme désir et désir de langue en tant que désir de marchandise - tout cela ne constitue plus, à la limite, qu’une seule et même chose, un seul et même régime des signes.
Le Monde à venir
Les remarques que je viens de faire ne peuvent paraître curieuses que si l’on fait l’impasse sur la prodigieuse expérience de clôture culturelle et intellectuelle dont la France a fait l’expérience au cours du dernier quart du XXe siècle. Ce reflux nationaliste a considérablement affaibli ses capacités de pensée ainsi que sa contribution aux débats sur le Monde à venir. Si la France veut peser d’un poids quelconque dans le monde qui vient, il lui faudra démolir le mur du narcissisme (politique, culturel et intellectuel) qu’elle a érigé autour d’elle - narcissisme dont on pourrait dire que l’impensé procède d’une forme d’« ethno-nationalisme racialisant ».
Léopold Sédar Senghor l’avait bien compris, lui qui pourtant, n’a cessé de jouer à la duplicité. « Si les Gaulois ne sont pas nos « ancêtres », à nous les Nègres, ils sont nos cousins », remarquait-il malicieusement. Que la Francophonie relève fondamentalement de l’idéologie du paternalisme colonial français, voilà quelque chose qu’il se garda bien d’avouer. Mais il savait pertinemment que cette idéologie participait d’un certain ethno-nationalisme dont la République et le syndrome de l’Hexagone étaient les symptômes. Voilà pourquoi, se croyant plus malin que ses maîtres, il ne cessa d’invoquer la « civilisation de l’universel » - antidote au narcissisme français, du moins il voulait le croire.
On n’en est plus là, cinquante ans plus tard. Car, pour qu’émerge, dans sa multiplicité dispersante le « Tout-Monde » entrain de se nouer sous nos yeux, une nouvelle économie élargie de la langue, qui prenne en compte toutes les formes de production et d’affirmation des identités collectives, est nécessaire.
Qu’est-ce, en effet, qu’être soi à l’âge de la globalisation sinon de pouvoir revendiquer librement telle ou telle particularité – la reconnaissance de ce qui, dans le monde qui nous est commun, me rend différent des autres ? Et de fait, l’on pourrait suggérer que la reconnaissance de cette différence par les autres – voilà précisément la médiation par laquelle je me fais leur semblable. Il apparaît donc, quant au fond, que le partage des singularités est bel et bien un préalable à une politique du semblable et à une politique du Monde.
Mais autant le sort du Monde s’est joué, à partir du XIXe siècle, autour de la figure de l’individu doté de droits indépendamment de qualités telles que le statut social, autant le Monde à venir dépendra de la réponse que nous donnerons à la question de savoir qui est mon prochain, comment traiter l’ennemi et que faire de l’étranger. La « nouvelle question du Monde » – ou encore la présence d’autrui parmi nous, l’apparition du tiers - se trouve ainsi replacée au cœur de la problématique contemporaine de l’humain et de l’humanisme.
Que nous le voulions ou non, les choses aujourd’hui et dans l’avenir sont telles que l’apparition du tiers dans le champ de notre vie commune et de notre culture ne s’effectuera plus jamais sur le mode de l’anonymat. Cette apparition nous condamne à apprendre à vivre exposés les uns aux autres. Nous disposons des moyens de retarder cette montée en visibilité. Mais au fond, elle est inéluctable. Il nous faut donc, au plus vite, faire symbole de cette présence de telle manière qu’elle rende possible une circulation de sens. L’idéologie surannée de la Francophonie est incapable de hâter l’avènement de ce sens.
Si, comme l’affirme Jean-Luc Nancy, l’être-en-commun relève du partage, alors le Monde à venir sera fondé non seulement sur une éthique de la rencontre, mais également sur le partage des singularités. Il se construira sur la base d’une distinction nette entre « l’universel » et « l’en-commun ». L’universel implique un rapport d’inclusion à quelque chose ou quelque entité déjà constituée. L’en-commun a pour trait essentiel la communicabilité et la partageabilité. Il présuppose un rapport de co-appartenance entre de multiples singularités. C’est à la faveur de ce partage et de cette communicabilité que nous produisons l’humanité. Cette dernière n’existe pas déjà toute faite. Rente de situation plutôt que projet culturel, la Francophonie s’est avérée incapable d’en accélérer l’avènement. Le temps est donc venu de la laisser à elle-même et de prendre le large.
Achille Mbembe