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Humeur

« Théologie d’en haut » au Congo Brazzaville et « Théologie d’en bas » au Congo-Kinshasa ?

Pour réfléchir sur le mystère de Jésus-Christ, deuxième personne de la Sainte Trinité, et celui de l’incarnation qui fait état de son caractère humain, l’Eglise catholique utilise les concepts « Christologie d’en haut » et « Christologie d’en bas ».

La « Christologie d’en haut » commence avec la Seconde Personne de la Trinité, avec le Divin Verbe préexistant, dans sa relation au Père et à l’Esprit Saint. Elle met l’accent sur la divinité de Jésus-Christ. Quant à la « Christologie d’en bas », elle fait état de la « figure humaine de Jésus  ». Mais, ce ne sont pas les deux concepts que nous allons étudier dans cet article que nous avouons, d’avance, être très provocateur.

Nous voulons interpeller les responsables des Eglises chrétiennes, notamment celles qui sont dans l’œcuménisme au Congo Brazzaville dont la passivité devant la crise multidimensionnelle que connaît leur pays est prise pour une complicité avec le pouvoir par une certaine opinion.

Au passage, nous exhortons particulièrement les évêques d’honorer la mémoire de Père Jean Guth, prêtre missionnaire français, enlevé et tué à Mayama, dans le département du Pool, pendant la guerre de 1997, par les Ninjas de Frédéric Binsamou alias Ntumi, à travers l’ouverture d’un Centre ou la création d’un Mouvement apostolique, dénommé les « Amis de père Jean Guth  » dont la mission principale sera celle d’accompagner les populations pendant les crises naturelles ou politiques, voire les guerres.

L’action de l’Eglise catholique, en période de crise, ne devra plus s’arrêter à la publication des lettres pastorales et la distribution des vivres à travers la Caritas. Au contraire, elle doit se matérialiser par un accompagnement des populations.
Les évêques du Congo et leurs prêtres ont pour mission d’être des « bons bergers. Ceux qui n’abandonnent pas leurs troupeaux quand ils voient venir le loup ». D’où l’ouverture de cette pastorale.

Nous nous inspirons des deux concepts « Christologie d’en haut  » et « Christologie d’en bas » pour créer deux autres : la « Théologie d’en haut » et la « Théologie d’en bas ».

A partir de ces deux notions, nous voulons montrer la différence entre les chrétiens des Eglises catholiques qui sont au Congo Brazzaville et ceux qui sont au Congo Kinshasa dont les pays sont pourtant dirigés par des loups, secoués par des crises politiques de nature identique.
Puisque les deux comportements semblent dictés par les Ecritures nous ne comprenons pas la différence des pratiques. Force est de constater une « Théologie d’en haut » joue au Congo Brazzaville, et une « Théologie d’en bas » fonctionne au Congo Kinshasa.

La « Théologie d’en haut » au Congo Brazzaville

Dans ce pays, le comportement des chrétiens catholiques semble dicté par les Béatitudes (selon l’évangéliste Matthieu) que Jésus proclame solennellement sur la montagne : « Heureux les pauvres en esprit, car le Royaume des Cieux est à eux. Heureux les doux, car ils recevront la terre en héritage. Heureux les affligés, car ils seront consolés. Heureux les affamés et assoiffés de la justice, car ils seront rassasiés. Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde. Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu. Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu. Heureux les persécutés pour la justice, car le Royaume des Cieux est à eux. Heureux êtes vous si l’on vous insulte, si l’on vous persécute et si l’on vous calomnie de toutes manières à cause de moi. Soyez dans la joie et l’allégresse, car votre récompense sera grande dans les cieux. »

Ces Béatitudes semblent, elles mêmes, appuyées par la réaction de Jésus dans la scène de son arrestation.
En effet, à l’un de ses disciples qui s’était servi de son épée pour défendre Jésus et combattre ceux qui sont venus l’arrêter, Jésus demande de baisser son épée et de la remettre dans le fourreau. Comme pour dire qu’il n’avait pas besoin d’une armée et de la défense des hommes. D’où, la parole « mon royaume n’est pas de ce monde ».

Pour nous, l’Eglise catholique au Congo se servirait des béatitudes pour « annihiler les consciences et éteindre l’éveil des peuples. Parce que c’est avec cette parole que l’on pousse souvent les peuples à ne pas trop se soucier du temporel parce qu’il serait non seulement éphémère ; mais aussi souillé et souillant, depuis les temps d’Adam et Ève. (…) et l’on pousse souvent les peuples à accepter leurs misères et à être passifs et inactifs. »
L’éthique catholique renvoie dans l’au-delà alors que l’homme souffre ici-bas. L’éthique protestante, à l’inverse, semble plus pragmatique. « La vie dans l’au-delà n’est pas une raison de sacrifier celle d’ici-bas » dit, en substance Luther.

Le fatalisme catholique, c’est le sujet que nous avons abordé dans la nouvelle « On se verra a Rome ! », publiée dans « L’Inforoman, suivi de « Quand la rue s’en mêle… » (Recueil de nouvelles), Fondation littéraire Fleur de Lys, Lévis, Québec, 2017, 300 pages.

Pourtant selon l’évangéliste Luc, il y a quatre autres béatitudes qui font état des malheurs et dont les Eglises chrétiennes du Congo peuvent aussi se servir pour ne pas être taxées de laxistes ou d’opium pour les Congolais. « Malheureux, vous les riches : vous avez votre consolation !
Malheureux, vous qui êtes repus maintenant : vous aurez faim ! Malheureux, vous qui riez maintenant : vous serez dans le deuil et vous pleurerez. Malheureux êtes-vous quand tous les hommes disent du bien de vous : c’est ainsi que leurs pères traitaient les faux prophètes
. »

A vrai dire, en observant le fonctionnalisme des Eglises chrétiennes au Congo Brazzaville, on se demande si elles se servent de la même théologie que leurs consœurs d’outre-fleuve mobilisant le peuple de Dieu pour libérer le pays.
Les Eglises chrétiennes situées de l’autres côté du Fleuve pratiquent la « Théologie d’en bas » par leur immersion dans le peuple, pour une libération de la théologie ou une théologie de la libération, deux notions interchangeables.

La « Théologie d’en bas »

Comme la « Théologie d’en haut » qui semble être pratiquée au Congo Brazzaville, la « Théologie d’en bas » est, elle aussi, soutenue par les Ecritures.

Mais, c’est surtout cette exhortation que Jésus, lui-même, fait aux disciples et à tous les baptisés d’être la « Lumière du monde », et le « Sel de la terre » qui semble guider les chrétiens du Congo Kinshasa et légitimer leur combat.

Néanmoins, Jésus reconnaît quelque part que la mission qu’il leur confie est très difficile. Puisqu’il demande à tous ceux qui veulent le suivre de prendre leur croix.

La mission est difficile, mais pas impossible. C’est pourquoi Jésus promet et envoie l’Esprit Saint pour les fortifier et les aider dans leur combat d’être le « Sel de la terre » et la « Lumière du monde  ».

Les Eglises chrétiennes du Congo-Kinshasa sont donc dans un légal et légitime combat. Ce sont donc des « révolutionnaires  » qui veulent chasser les «  Forces négatives  » ou les « Médiocres  » pour reprendre l’expression du Cardinal Laurent Monsengwo Pasinya.

Ils veulent transformer leurs milieux de vie, ainsi que leurs nations. Ils veulent tous profiter des richesses naturelles que Dieu, le Père et créateur de l’univers, a mis dans leur pays. Ils veulent concilier le « Spirituel », à travers la préparation des peuples et des nations qui doivent entrer dans le royaume des cieux, et le « temporel », à travers la lumière et le sel qui doivent transformer le monde. D’ailleurs, ils ne sont pas les premiers à prendre ce chemin.

L’histoire de l’Eglise catholique montre bien qu’il y a eu des Rois qui ont été destitués par les Papes, et les Papes qui l’ont été par des Rois.

L’histoire récente de cette même Eglise fait état de la « Théologie de la libération » née en Amérique du Sud dont l’actuel Pape, François, fut d’ailleurs un grand militant.

Somme toute, nous félicitons les pasteurs des Eglises chrétiennes du Congo-Kinshasa, et reconnaissons que les marches pacifiques des chrétiens catholiques et protestants qui ont eu lieu dans ce pays, avec la participation des clergés, ont, malgré les tueries qui les ont ponctuées et que nous regrettons amèrement, le mérite de porter à l’échelle internationale la crise qui a lieu dans ce pays. Ces mouvements sociaux sont provoqués par l’obstination du président Joseph Kabila de se maintenir au pouvoir.

Les églises chrétiennes ont réussi à mobiliser la communauté internationale. Aujourd’hui, les gouvernements des grandes puissances internationales, même ceux qui ont leurs intérêts dans ce pays, chefs d’Etat africains, mais aussi les Institutions Internationales ont pris le Congo Kinshasa comme sujet de préoccupation. Une partie du combat est donc gagnée.

Serge Armand Zanzala, journaliste et écrivain

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