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Préservation des intérêts des populations expropriées et expulsées dans le cadre de travaux d’utilité publique

Le développement est un processus global, économique, social, culturel et politique, qui vise à améliorer sans cesse le bien-être de l’ensemble de la population et de tous les individus sur la base de leur participation active, libre et significative au développement et au partage équitable des bienfaits qui en découlent.
Si le développement favorise la jouissance de tous les droits de l’homme, l’insuffisance de développement ne peut être invoquée pour justifier une limitation des droits de l’homme internationalement reconnus.

Parmi ceux-ci, le droit à la propriété est indissociable de la démocratie.

Le droit de propriété bénéficie d’une protection particulière, puisqu’il est visé dans la Déclaration des Droits de l’homme et du citoyen (DDHC) du 26 août 1789.

Le droit de propriété est défini par l’Article 544 du Code civil français comme étant : « Le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par la loi ou les règlements ».

Il fait également l’objet d’une protection particulière aux termes de l’article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme, dont la violation peut être sanctionnée par la Cour européenne des droits de l’homme.

Au Congo le droit de propriété a valeur constitutionnelle. En effet, dans la Constitution de la République du Congo du 20 Janvier 2002, le Congo Réaffirme le caractère sacré de la vie humaine, le droit de propriété et le droit à la différence.
Sont partie intégrante de la Constitution les principes fondamentaux proclamés et garantis par :
 la Charte des Nations Unies du 24 octobre 1945 ;
 la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme du 10 décembre 1948 ;
 la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples du 26 juin 1981 ;
 tous les textes internationaux pertinents dûment ratifiés relatifs aux droits humains ;
 la Charte de l’Unité Nationale et la Charte des Droits et des Libertés adoptées par la Conférence Nationale Souveraine le 29 mai 1991.

La pratique des expulsions forcées est un phénomène largement répandu qui peut apparaître dans des situations variées, notamment mais non exclusivement en cas de contentieux foncier, de projets de développement et de réalisation d’ouvrages d’infrastructure.
Les législations définissent à travers la notion d’utilité publique l’opportunité d’effectuer des expropriations, à la condition d’indemniser les expulsés à la juste valeur du bien dont ils sont dessaisis.
De facto, les grands travaux se réalisent le plus souvent dans des zones périurbaines ou rurales, généralement occupées par des personnes peu fortunées et mal instruites de leurs droits. Les expropriations suivent rarement les règles légales et sont effectuées avec brutalité, les engins de travaux publics sont mis en œuvre souvent sans laisser le temps aux occupants de ramasser leurs maigres biens. L’expulsé, forcé à l’errance disparaît du paysage social, et les indemnités sont détournées par des fonctionnaires peu scrupuleux.
Il en est tout autrement dans le cas où les expropriations concernent des nantis, ou des zones de centre urbain, là les indemnités sont largement surévaluées et payées dans de brefs délais moyennant généralement une gratification au zèle des fonctionnaires en charge.

Les expulsions forcées sans dédommagement sont abusives. Elles exacerbent les tensions et les inégalités sociales et frappent invariablement les couches de la société les plus pauvres et les plus vulnérables, en particulier les femmes seules, les enfants et les populations autochtones.
Les expulsions forcées abusives sont contraires aux droits de la personne humaine internationalement reconnus, nombreux et très divers.

Ce qui ressort de l’analyse des instruments juridiques internationaux et nationaux :

En charge de la protection des droits de l’homme et de la prévention aux atteintes qu’ils subissent, l’Etat a le devoir de procéder à l’étude des conséquences des expulsions avant de lancer des projets devant provoquer des expulsions, afin de garantir le plein respect des droits fondamentaux de toutes les personnes et communautés susceptibles d’être touchées.
Dans l’optique de l’obligation de procéder à l’expropriation en vue de la satisfaction de l’intérêt général, le droit de chacun à jouir de son bien doit être garanti. Ce qui suppose que chacun doit bénéficier d’une protection juridique efficace contre l’éviction abusive de son domicile ou de ses terres.
Ce faisant, il en ressort ce qui suit :
 l’expropriation donne droit à l’indemnisation préalable. Ce qui signifie que tout début des travaux est subordonné à une compensation effective et préalable des populations concernées,
 la prescription d’un préavis de 3 à 6 mois (selon l’urgence du projet) aux victimes pour libérer les lieux à compter de la date de publication du décret d’expropriation serait raisonnable au lieu de 2 mois voire 1mois comme prévu aux articles 14 et 49 de la Loi n° 11-2004 du 26 mars 2004,
 le souci affiché de rechercher plus de transparence dans la conduite de l’enquête d’évaluation et d’indemnisation,
 L’obligation d’une publicité préalable, par voie d’affichage jusqu’à la chefferie traditionnelle de lieu de situation des biens mis en cause,
 L’information préalable des populations concernées au moins 30 jours à l’avance du jour et de l’heure de l’enquête, par convocations adressées aux chefs traditionnels et notables, en vue de leur participation à toutes phases de l’enquête,
 La nécessité de la constitution des sous-commissions techniques, d’au moins 3 membres à l’effet d’expertiser chaque catégorie des biens mis en cause.

Malgré leurs impacts directs et positifs sur le développement, force est de reconnaître que la réalisation des grands travaux entraîne des pertes à la fois individuelles et collectives qu’il importe de compenser pour permettre la réinsertion des populations concernées.
C’est ainsi que parlant des pertes individuelles, de nombreux foyers, des centaines voire milliers occupant la zone des travaux vont être déplacées, laissant derrière elles des maisons détruites, des biens, des terres, des cultures vivrières et des arbres fruitiers (représentant pour leurs propriétaires une source de revenus) qui devront en principe être recensés et évalués.
D’autres pertes difficilement réparables résident dans la biodiversité, des bois sacrés et des caveaux. Ces pertes, non indemnisables du fait qu’elles représentent des valeurs et non des biens, ont pour caractéristique de bouleverser l’individu en créant chez un traumatisme psychologique.
Au plan collectif, des pertes importantes et variées peuvent être enregistrées :
 la destruction d’infrastructures socio-économiques (écoles, centres de santé, routes, marchés, lieux de culte, lieux de divertissement, etc...) ;
 le bouleversement des structures sociales traditionnelles, culturelles et religieuses ;
 la perte des riches terres qui permettaient de pratiquer une agriculture fut elle de subsistance ;
 la perte de cours d’eau ;
 la perte de la biodiversité de suite de la destruction des habitats faunistiques et floristiques.

Le recasement ne doit pas être anarchique. Il doit être respectueux des considérations relatives à la socio anthropologie. La réinstallation des populations ne doit pas se contenter de terres impropres aux activités agro-pastorales au mépris des affinités socioculturelles et des structures sociales traditionnelles. Cela peut être la source de certains conflits.

S’agissant des compensations, les populations doivent bénéficier d’une indemnisation pécuniaire préalable et de mesures compensatoires.
Pour ce qui est des compensations en nature, les populations déplacées peuvent bénéficier de divers équipements collectifs :

 l’aménagement et l’électrification des lotissements ;
 la réalisation de kilomètres de route et d’un réseau de pistes rétablissant les liaisons entre les villages déplacés et les centres de recasement ;
 la réalisation de plates-formes et de lotissements pour les centres de recasements ;
 la reconstruction d’écoles, de centres de santé ainsi que la réalisation de forages au cas où ces infrastructures seraient rendues inutilisables.

Concernant les réparations des dommages. Au plan communautaire, l’on peut revendiquer comme mesure importante, la création d’un village centre avec toutes les infrastructures sociales et collectives, notamment des écoles, un centre de santé, l’électrification, l’approvisionnement en eau potable, un réseau de voies de communication, etc.

En dernière analyse, les compensations peuvent se faire de façon à :
systématiser les compensations équitables [1]
 afin de faire disparaître une quelconque disparité ;
 faire une étude socio-économique préalable en vue d’un recasement respectueux des affinités socio-culturelles des populations déplacées ;
 prescrire une étude d’impact en vue d’identifier les mesures d’atténuation des effets négatifs directs ou indirects à mettre en place parallèlement aux autres mesures de compensation ;
 étendre le principe d’indemnisation préalable aux autres mesures de compensation et d’atténuation.

Il est une autre catégorie de population lésée en cas d’explusions pour utilité publique, ce sont les locataires, qui seront purement et simplement expulsés sans aucun dédommagement dans la plupart des cas.
Quid des frais qui leur sont imposés ?
Il s’agit de les reloger dans des conditions au moins similaires à celles dans les quelles ils se trouvaient auparavant (en respectant toutefois les législations sanitaires et sociales, l’autorité expulsante ne pouvant se prévaloir d’une situation antérieure illégale pour en offrir une du même type).

A savoir si vous êtes exproprié ou expulsé

Vous avez des droits et l’autorité est soumise à des obligations

L’expropriation pour cause d’utilité publique doit suivre les différentes phase suivantes :

 l’enquête préalable,
 la déclaration d’utilité publique,
 l’enquête parcellaire, l’acte de cessibilité et de la réquisition d’emprise totale. [2]

L’enquête préalable a pour objet d’informer le public intéressé et de le consulter sur un projet susceptible de donner lieu à expropriation.
Cette consultation dure 40 jours à compter de la date de dépôt des dossiers du projet dans les circonscriptions administratives concernées.
Pendant la durée de l’enquête, les habitants de la zone concernée peuvent consulter le dossier d’expropriation qui leur permettra le cas échéant de contester soit le principe de l’opération, soit son importance financière ou encore le lieu de réalisation.

Ce n’est qu’à la suite de cette enquête d’utilité publique qu’est rendue la déclaration d’utilité publique.

Le recours amiable consiste à demander à l’administration de reporter sa décision par le biais d’un recours gracieux, c’est à dire porté devant l’autorité qui a pris l’acte de déclaration d’utilité publique ou hiérarchique auprès de l’autorité supérieure.

L’enquête parcellaire permet à l’administration (l’expropriant) de déterminer contradictoirement les parcelles à exproprier, d’en rechercher les propriétaires, les titulaires des droits réels immobiliers et d’autres intéressés ; locataires et tous ceux qui plus généralement peuvent prétendre à une indemnité.
L’enquête parcellaire est menée par une commission chargée de :
 déterminer la consistance des biens, objet de l’expropriation ;
 inventorier les divers droits mis en cause et en identifier les titulaires ;
 expertiser les éléments matérialisant la mise en valeur ;
 procéder au bornage des terrains mis en cause ;
 constituer les différents dossiers correspondants.

Si vous pensez que les textes législatifs n’ont pas été respectés, regroupez-vous avec les autres personnes lésées pour entammer des poursuites contre l’Etat. Contrairement à l’idée généralement répandue celui-ci ne gagne pas quand il est en tort surtout quans il a en face de lui des plaignants soudés. Bien sûr ces recours sont aléatoires mais qui ne fait rien ne peut rien obtenir.

Subir l’injustice c’est l’encourager

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