Toute l’élite politique congolaise inféodée au régime de Sassou : voilà une thèse que conteste Bedel Baouna. Démonstration.
L’élite congolaise est accusée de manger à M’Pila.
La résidence du président du Congo verrait défiler
toute cette classe politique.
L’UFR (l’Union des forces de reconstruction du
Congo) l’accuse de détester le peuple
congolais ; de détourner l’esprit des Congolais ; de
soutenir le pillage des ressources naturelles ; de maintenir
le peuple dans la prison de la dictature...
Le communiqué de l’UFR est sans concession.
L’élite congolaise, aux yeux de cet enième parti
politique, ne défend aucune cause démocratique et si elle
en a une, elle est dépourvue du sens de la responsabilité.
Tous les opposants ou presque, directement ou indirectement,
soutiennent Denis Sassou Nguesso.
Extraits :
"L’élite congolaise (initiée et profane)
défend-t-elle une cause démocratique dans notre pays ? Et
si elle en défend une, a-t-elle le sens de la
responsabilité ? La ruée vers la soupe de Mpila, cette
démarche personnelle et égocentrique mue par des
intérêts personnels de ceux-là même qui ont la charge
d’éclairer la conscience politique (...), enterre tout
espoir", estime l’UFR.
"L’instabilité et le manque de constance de cette
élite sont apparues au grand jour, et beaucoup de Congolais
commencent à sortir de leur grande torpeur en se demandant
: "Et si c’est l’élite congolaise qui nous
impose en douceur la dictature et la domination de SASSOU
NGUESSO ?", se demande l’UFR. " Non,
l’élite congolaise, (initiés d’un côté et profanes
de l’autre) ne défend aucune une cause démocratique dans
notre pays", tranche le communiqué.
D’emblé, la tonalité de ce texte rappelle le
célèbre
"J’accuse" d’Emile Zola.
L’auteur de Germinal y prend la défense du
capitaine Dreyfus, officier juif accusé de haute trahison.
Persuadé de l’innocence de Dreyfus, il publie dans
l’Aurore un texte épistolaire bien structuré. La
conclusion de la lettre est un acte d’accusation fort.
Et, sans entrer dans un commentaire de texte, Zola use
d’un chant langoureux
d’oxymores, d’adjectifs péjoratifs et
exagérés, pour montrer à quel point ce procès est une
mascarade – « enquête scélérate » ; « monstrueuse
partialité » ; « campagne abominable » ; « les plus
saugrenues et les plus coupables » ; « une des plus grandes
iniquités du siècle » ; « une plus monstrueuse
partialité » ; etc.
Le communiqué de l’UFR, lui, ne suit pas le même
procédé. Qu’à cela ne tienne ! A chacun sa manière.
Le "J’accuse" de l’UFR est un communiqué
long, parsemé de citations, au grand plaisir des oreilles.
Mais, si l’intention est louable, suffit-il
d’accuser à tout va pour convaincre ou résorber un
mal ? Aucun des opposants congolais, fictifs ou réels,
n’échappe aux griffes du communiqué. De Mathias Dzon
à Marcel Guitoukoulou en passant par Guy Kinfoussia et
autres noms de l’élite politique et intellectuelle.
Seul hic, l’UFR se désolidarise de cette liste, comme
si seuls les membres de ce parti étaient sains. Et
c’est là où ce texte est inutile. Il distille un tel
ennui qu’on en deviendrait fou. Ce texte est une
malhonnêteté intellectuelle doublée d’une escroquerie
politique.
Non, tous les opposants congolais n’ont pas
faim de la "soupe de M’pila", il y a des
femmes et des hommes de bonne volonté, aux idées
intéressantes. Ils ne font peut-être pas la Une des
journaux ou de la Toile congolaise, mais ils se rencontrent
ici et là à travers leurs écrits ou leurs engagements
associatifs.
Mettre toute l’élite congolaise dans le
même sac fétide, c’est annihiler la volonté de celles
et ceux qui se battent de toutes leurs forces, aussi
minuscules soient-elles, pour le devenir du Congo. Le
communiqué de l’UFR pêche par sa volonté de parler
des personnes, aussi paraît-il médiocre. Comme le
disait Jules Romains, "les esprits d’élite
discutent des idées, les esprits moyens discutent des
événements, les esprits médiocres discutent des
personnes". Oui, le Congo se doit de préserver son
élite. D’elle, jaillira la lumière qui éclairera la
foule. "Le véritable progrès démocratique
n’est pas d’abaisser l’élite au niveau de la
foule, mais d’élever la foule vers
l’élite." (Gustave Le Bon) Bien sûr, il
s’agit de l’élite de bonne volonté. Non pas de la
facétieuse. Quand bien même cette élite mangerait à
M’Pila, la démocratie que le Congo appelle de ses voeux
n’exclut pas l’amitié. Le fait qu’un
intellectuel dîne à M’Pila ne disqualifie pas sa
pensée, ses idées.
Par ailleurs, la Constitution de 1992 que défend
l’UFR est-elle la bonne ? Le jugement de valeur
n’est pas loin. Comme ce communiqué !
Par Bedel Baouna