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Me Massengo Tiassé assigné à résidence à Brazzaville

Décidément, l’aéroport de Maya-Maya est un véritable Triangle des Bermudes pour tout voyageur qui n’est pas en odeur de sainteté à Mpila, siège du pouvoir de Sassou

Me Massengo Tiassé, célèbre avocat des Droits de L’Homme, a été débarqué hier samedi 18 janvier 2014 de l’avion d’Air France à destination de Paris. C’est notre confrère Congo-Liberty qui rapporte l’information. On ne lui a pas signifié la raison pour laquelle il est désormais assigné à résidence. Probablement un défaut de production d’un ordre de mission ou (que sais-je ?) quelque autre motif lié au visa (au cas où il aurait compté rentrer en France avec son passeport français). Bien entendu, ce sont-là des prétextes pour justifier une sanction politique. Souvenons-nous que le Président de la Cour, Mathurin Bayi, vécut la même mésaventure au mois de septembre dernier après qu’il eut rendu son fameux verdict à la Salomon dans le procès des Explosions de la caserne de Mpila.

La prophétie de Tiassé

On aime ou on n’aime pas Sassou, on peut néanmoins lui reconnaître le mérite d’être fidèle en amitié. Feu Gérard Bitsindou n’aurait pas démenti ce théorème. Car quelle place occupe Massengo Tiassé, un lari, dans le réseau des fidèles au tyran congolais ? Au début des années 1990, lorsque Sassou effectue sa traversée du désert à Oyo ensuite à Paris, Massengo-Tiassé, en conflit avec Pascal Lissouba qu’il a traité de « fou  » trouva refuge auprès de L’Homme de L’Alima (Sassou) à Edou Penda. Dans la solitude du chômage politique que vit Sassou dans son village, ce ressortissant du Pool, Me Massengo-Tiassé, lui fit cette prophétie : «  Vous serez le prochain Président du Congo  ». Bigre ! Rappelons que nous sommes en 1994, bien avant la guerre civile. Sassou venait d’être vomi par le peuple à 98%. « Tu es fou !  » s’exclama Sassou auquel la Conférence Nationale Souveraine venait également de donner un puissant coup de pied au cul. « C’est Bernard Kolélas qui sera futur Président de ce pays  » pronostiqua le malheureux candidat aux présidentielles de 1992. En effet, le leader du Mcddi, le vent en poupe à cette époque, cheminait tranquillement vers la magistrature suprême après avoir raflé la mairie de Brazzaville. L’histoire, on a vu, donnera raison à Me Maurice Massengo Tiassé. Kolélas dérapa lourdement. Un putsch plus tard, Sassou, ancien Président, redevint Président. En guise de récompense pour cette justesse d’analyse d’un courtisan kongo/lari, Sasso intégra Tiassé dans le gotha de ses hommes de confiance extra-mbochi, au même titre que Gérard Bitsindou, Isidore Mvouba, Florent Ntsiba, Bouissa-Matoko, Ndalla-Graille. Oui, Sassou a l’amitié indéfectible.

Majordome

En 1997, peu avant le retour de Sassou à Brazzaville pour aller faire son coup d’état, le fidèle Me Massengo-Tiassé partageait l’exil de l’ex-Président à Paris. Mis à part quelques sorties de route, Tiassé est resté dans la droite ligne du chemin d’avenir. A telle enseigne que, récemment, suite aux tonitruantes déclarations de Tiassé sur RFI et dans Afrique Education, Sassou, furieux, le mit finalement sur la liste rouge et voulut lui faire payer sa grande gueule. C’est un autre célèbre avocat, Me Jean-Martin Mbemba, (avant sa propre disgrâce) qui lui vint à la rescousse. « Un peu d’indulgence, Excellence. Rappelez-vous, à Paris, dans votre appartement de la rue Rapp, quand je vins vous rendre visite, rappelez-vous, c’est Massengo-Tiassé qui m’ouvrit la porte » plaida le célèbre avocat de Klaus Barbie. Tiassé majordome de Sassou durant l’exil ? Hum... Sassou regarda Mbemba, l’aima et dit : « Ca se voit que vous êtes avocat  ».

Bref, on crut Tiassé absout. C’était sans compter avec le zèle des serviteurs de Sassou. En effet, au mois de décembre dernier, en convalescence à Paris, Me Massengo Tiassé décide de rentrer d’urgence à Brazzaville : sa mère est morte. Il laisse « en plan » la dédicace de son dernier ouvrage «  Qui a violé mes droits fondamentaux ?* » qu’il compte faire le lendemain dans le Vème arrondissement. Grosse erreur !

C’est donc au moment où, ce samedi 18 janvier, il décide de venir poursuivre ses soins à Paris que les sbires du régime décident de lui mettre le grappin dessus. Action policière d’autant plus stupide que Sassou est en train de faire la causette avec François Hollande à Paris, histoire d’améliorer son image ternie par le dossier des Disparus du Beach et celui des Biens Mal Acquis (BMA). Par conséquent, le médiateur dans le conflit centrafricain, n’avait pas besoin de ça !

Dossiers explosifs

Métaphore ou réalité, Tiassé raconte souvent à qui veut l’entendre qu’il se ballade avec, en permanence, des grenades dans sa veste. « Quiconque me veut du mal explose avec moi  » promet-il. Mensonge ou vérité (on ne sait) ce qui est certain, c’est que, Tiassé, directeur d’une chaîne de radio couplée avec une télévision, possède des dossiers explosifs sur les atrocités du régime de Brazzaville. Comme tous ceux qui peuvent faire chanter d’autres personnes, ces « grenades judicaires  » sont cachées en des lieux sûrs. C’est-à-dire à l’étranger. A bon entendeur, prenez-garde.

Les déboires du tonitruant responsable des Droits de l’Homme au Congo arrivent, comme par hasard, lorsque le Président Sassou et son Vice-Président, Jean-Dominique Okemba, se trouvent hors du Congo. Il va sans dire que les flics qui ont décidé d’assigner Tiassé à résidence en ont référé à leur patron, Sassou, actuellement en séjour de séduction à Paris auprès de François Hollande. Le Chef de l’Etat français, naturellement informé de la situation, car ses services des renseignements lisent Congopage , l’a à l’œil. Aussi féroce le décrit-on, Sassou n’as pas intérêt de toucher un seul cheveu du prisonnier Tiassé. Voulant passer pour un héros dans le conflit centrafricain, Sassou sait que cette volonté est menacée d’être ternie par la boucherie qu’il a commise au domicile de Marcel Ntsourou le 16 décembre dernier. François Hollande n’est pas dupe. Il sait que dans le « tête à tête » qu’il a eu avec son encombrant invité il a joué à un poker-menteur. On murmure que Sassou veut obtenir un blanc-seing pour 2016 contre des largesses qu’il compte octroyer à la France sur les permis d’exploitation du pétrole au large de Pointe-Noire.

Aussi, si d’aventure il consultait de nouveau Me Mbemba, celui-ci lui dirait «  De la délicatesse Excellence ! De la délicatesse ! De la prudence aussi ! »

« Ne touchez pas un seul cheveu de votre majordome de la rue Rapp : ni d’aucun autre Congolais si vous voulez succéder à vous-même en 2016 ! ».

Voilà ce que lui dirait Jean-Martin Mbemba, lui-même assigné à résidence à Brazzaville par…Sassou.


 * Qui a violé mes droits fondamentaux ? Edition ICES sept 2013, 156p.
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