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Liss Kihindou a déclamé sa prose, Youss Banda a égrainé ses notes : c’était aux journées culturelles de l’ACCA à Nice

Vendredi 22 et samedi 23 janvier 2010, l’Acca (Association Congolaise de la Côte d’Azur) a organisé un événement culturel sur le thème de l’Afrique. L’artiste congolais Youss Banda accompagné de Fortuné Nkounkou ( percu et chant), Soliac Bantsimba (chant + batterie) a donné le meilleur de lui-même ce vendredi dans l’amphithéâtre du quartier Bon Voyage (Nice).

C’EST CA LA DICTATURE

Chanteur engagé et hyper enragé, Youss se livre généralement à une autopsie clinique de la dictature de nos pays africains, notamment le Congo. Cristel Sassou dit Kiki, fils de Sassou, garde un très amer souvenir de cet artiste qui balança un formidable coup de pied au prétendu Forum sur la Paix au Congo-Brazzaville que le rejeton de Mpila osa organiser à Paris (Porte Maillot). Youss constata que, justement, "C’est ça la dictature". L’opération de propagande, on s’en souvient, coûta la bagatelle de 3 millions d’euros. C’était il y a un peu plus d’un an.

Youss Banda a remis ça ce vendredi 22 janvier 2010 à Nice. La guitare blue’s de Youss est comme un bistouri qui fend la triste réalité politique congolaise pour en extirper le mal. Ses notes font la chasse à la dictature comme une obsession. Pentatonique, sa gamme musicale accompagne un chant lari où les concepts sont des locutions proverbiales (« ba kaba ngadou dédékésa bito » = distribution équitable des richesses de la nation) . Ses modèles sont Franklin Boukaka, Jacques Loubélo, Gérard Madiata, Kouyéna. Youss Banda fait la synthèse de ces grands maîtres. Du coup, une atmosphère qui renvoie à la mythologie kongo s’installe dans la salle quand ce chanteur, qui apprit chez les curés de St-Abraham à Bacongo, égraine ses notes quasiment jazzy.

LISS KIHINDOU

Ce vendredi , la prestation de Youss fut précédée par un récital du duo Kisukidi/Bimbou. Originaire de la RDC, Albert Kisukidi chante l’identité né-kongo en langue lémvo. Son modèle c’est également Gérard Madiata. Il y ajoute une touche Franco Luambo Makiadi assortie, bien entendu, de son groov personnel. Congolais de Brazzaville, G. Bimbou se définit comme un chirurgien de la dictature dont le scalpel est soit la plume soit la corde de la guitare. Là où ça dysfonctionne, là intervient ce Balzac de la misère congolaise.

Samedi 23 janvier, il s’est passé quelque chose qui ressemble au passage de la comète d’Halley dans le cosmos, c’est-à-dire un événement exceptionnel qui arrive une fois toutes les morts d’Evêques. Deux Congolaises, deux littéraires, deux intellectuelles, l’écrivaine Liss Kihindou et la journaliste Lina Badila ont bousculé les dieux de notre panthéon et plongé l’auditoire dans une profonde méditation.

Certains font des colloques onéreux pour représenter le Congo à l’étranger sans y, d’ailleurs, parvenir, car l’effet produit est généralement pervers. En vérité, en vérité je vous le dis, il n’y a pas meilleurs ambassadeurs du Congo à l’étranger que les artistes ; il n’y a pas meilleure représentation de notre pays que ces travaux d’arts vivants et littéraires que produisent dans le cadre des salles de spectacles, partout dans le monde, écrivains, poètes, musiciens, peintres, chorégraphes, parfois dans des scènes isolées, souvent devant un public exogène qui, une heure avant la prestation, ignore jusqu’à l’existence du Congo-Brazzaville, notamment de son terrible chef d’Etat Sassou-Nguesso.

Liss Kihindou écrit. Son dernier livre porte le titre DETONATIONS ET FOLIE. Ce fut une glaciale explosion qui frappa le public quand la jeune congolaise lut des extraits de son livre avec cette assurance dont la source puise dans la pureté du cœur. Alternant avec un blue’s joué par le duo Kisukidi/Bimbou, la voix de Liss Kihindou pénètre au plus profond du subconscient en y réveillant des archétypes à la fois modernes comme notre époque et vieux comme le mythe de fondation kongo. Il y avait un je ne sais quoi de Kimpa Vita et de Simone de Beauvoir dans sa présence et dans sa prestation. Des images que décrit Jean Malonga dans LEGENDE DE MPFOUMOU MA MAZONO se mirent à défiler sur l’écran de notre imaginaire.

MONDE EN GESTATION QUI PEINE A EMERGER

Je parle de mythes, je parle d’un amphithéâtre similaire à la caverne paléanthologique. Platon bien sûr n’était pas loin ; Platon avec son mythe de la caverne, décrivant un monde en gestation, avide de lumière du jour, comme le peuple congolais actuellement. Comme le mythe platonicien, les hommes parviennent à se projeter ver l’utopia, vers l’utopos, vers l’extérieur, vers la lumière. Ca ne saurait tarder pour le peuple du Congo.

Debout, les yeux à peine rivés sur un texte qu’elle ne connaît que trop bien pour l’avoir non seulement écrit mais vécu, Liss Kihindou pouvait être intronisée ce soir-là ambassadrice de ce que la production identitaire congolaise a de meilleur. En écoutant Liss alors que j’étais moi-même sur scène, j’ai vu l’autre Congo, celui qui n’a rien de commun avec le Chemin d’avenir (ou de l’avenir, je ne sais) que nous martèle Sassou, à notre corps défendant, depuis trente ans. Mais diantre, nous avons des valeurs sûres, malheureusement, arbre cachant la forêt, des valeurs encore confinées dans l’antichambre de la dictature sassouite ! Elles verront le jour un jour, ces valeurs ; on ne peut pas cacher indéfiniment la lampe sous le boisseau. Sa lumière se voit indubitablement.

LINA PRESENTE LISS

Ce n’était pas moi qui pinçais le Mi chanterelle et le Mi bourdon de ma guitare électro-acoustique. C’était les paroles de Liss qui, par une magie que seul peut expliquer la métaphysique de nos ancêtres, se prolongeaient dans les fils métalliques de cet instrument qui autorise au poète de parler de « beauté- guitare ». Liss posait sa voix sur le creux des vagues que déclenche la topique blue’s en général. La magie fut d’abord mise en place par Lina Badila qui introduit l’auteure en résumant son parcours intellectuel et sa problématique littéraire. Liss écrit sur les effets que produit la guerre sur le comportement humain. Liss écrit surtout sur la femme dans la guerre. Ce fut d’autant plus facile pour Lina Badila de parler de Lisss Kihindou qu’elles font toutes les deux partie de cette cohorte d’étudiants que produit l’Université de Brazzaville dans le milieu des années 1990, années, ô combien troubles, et qui, paradoxalement, donnèrent un bon cru.

COMMENTAIRES POLITIQUES

« C’est triste et puissant à la fois » dit l’élu local (Vert) Edgar Mallausséna. « Emouvant et représentatif de cette capacité qu’ont les minorités à s’intégrer » dira l’autre élu local (PS) Patrick Allemand.

J’arrête ici la narration de ce week-end mystique pour signaler que la soirée du samedi se poursuivit avec le spectacle d’un groupe malgache sous la direction de la performante Angéla May et d’un orchestre comorien grâce auquel j’ai découvert une musique syncrétique, liant intimement rythme oriental et tempo bantou.
Le peintre Maestro (RDC) a accroché ses tableaux dans le hall , ajoutant subtilement une couleur spectaculaire à un événement riche en magie récréative.

Rendons hommage à l’association ACCA, à son Président Thierry Mantsounga, sa Secrétaire Générale Yassmina Bendjama, son Trésorier Didier Ngoma, ses membres actifs Emery Ngoma, Michel Pambou, pour ce plateau d’une surprenante variété.

Dans la salle on pouvait noter la présence de Benjamin Bitadys Bilombot, remarquable connaisseur de l’historiographie congolaise ainsi que celle de Momar Gaye (Sénégal), conteur et peintre.

Par SIMON MAVOULA

Pour prolonger cette lecture, se reporter au lien suivant :

http://lissdanslavalleedeslivres.blogspot.com/

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