Mêmes causes, mêmes effets-
Dans le genre « pratiques économiques peu recommandables », le Congo-Brazzaville ne pouvait faire pire. Quelques mois seulement après son éligibilité au
statut des pays pauvres très endettés (PPTE) et la dégradation de sa note par les agences de notation (Standard & Poor’s, Moody’s et Fitch), le Congo-Brazzaville
renoue avec ses vieilles lunes macro-économiques. Celles qui ont érigé le Congo-Brazzaville au palmarès des pays les plus endettés de la planète par tête
d’habitants. Standard & Poor’s, Moody’s les américaines et Fitch la française, forment un trio incontournable qui contrôle 90% du marché. Une décision
prise dans les bureaux new yorkais de l’une des trois agences de notation de la dette a des conséquences mondiales. Le pire trait du Mal du Congo-Brazzaville,
c’est l’impuissance publique à réformer un modèle économique en tout genre, assis depuis trente ans sur l’emprunt et la dette publique.
Un barrage peut en cacher un autre
La Chine va accorder au Congo-Brazzaville un prêt de quelque 700 millions de dollars (près de 520 millions d’euros) destiné à la construction d’un barrage
hydroélectrique dans la région de la Sangha (nord). L’accord de prêt a été conclu entre le directeur de cabinet au ministère congolais de l’Energie et
de l’Hydraulique, Ignace Ta-Liane Tchibamba, et le vice-président du groupe chinois SinoHydro, Zeng Xingliang, a indiqué le ministère.
Au terme de cet accord signé en présence du vice-ministre chinois du Commerce, Fu Ziying, qui effectuait une brève visite à Brazzaville, "la Chine va prêter
plus de 700 millions de dollars au Congo-Brazzaville pour la réalisation de ce projet" de centrale, indique leur texte conjoint, sans précisions sur les
modalités et délais de décaissement et de remboursement. Selon la convention, la société chinoise va démarrer les travaux de construction du barrage de
600 mégawatts dans la localité de Chollet (à la frontière camerounaise) à partir de juin 2011. La durée des travaux n’a pas été précisée. La centrale devrait
alimenter toute la zone nord du pays. "Le coût global des travaux n’est pas encore totalement établi. Actuellement nous avons une approximation autour
de 700 millions de dollars, mais qui seront affinés par la suite, dans le cadre des études de faisabilité qui seront réalisés", a indiqué à la presse le
directeur de l’Energie, Jean Marie Iwandza. Spécialisée dans la construction des centrales, SinoHydro est déjà présente dans quelques pays voisins du Congo-Brazzaville,
notamment le Cameroun et le Gabon.
La Chine finance déjà à 85% la construction d’un autre barrage dont les travaux ont démarré en 2003 à Imboulou, à plus
de 200 kilomètres au nord de Brazzaville. Cet ouvrage, qui aura à terme une capacité installée de 120 mégawatts, permettra d’alimenter la capitale et une
grande partie du Nord qui n’a jamais bénéficié de ce type d’énergie, selon les responsables du projet (AFP, 22 Avril 2010). Ce crédit de la Chine cristallise tous les ingrédients de la magouille autour de la dette qui a cours au Congo-Brazzaville. Les études de faisabilité ne sont pas bouclées. Le coût total des travaux reste inconnu. La durée des travaux(tout au moins la date butoir) n’est pas indiquée. Les condditions du prêt(taux d’intérêt fixe et-ou variable) ainsi que les modalités de remboursement ne sont non plus mentionnées. C’est le flou total qui précede la corruption qui fait le lit de la mafia.
La Chine est prêteuse : c’est son moindre défaut
Pour renflouer ses caisses, le Congo-Brazzaville se tourne davantage vers la Chine, nouvel allié pourvoyeur de sinodollarrs sans conditionnalités. Pour
financer les infrastructures du Congo-Brazzaville, Sassou Nguesso et les agents du Chemin de l’avenir ont recours systématiquement aux crédits extérieurs.
C’est un reflexe pavlovien. Pour entretenir la mafia de la dette fort juteuse. Le pays de Mao ne boxe pas sur le ring de l’humanitaire. Ni sur celui de
la philanthropie. Il fait des affaires. Il n’y a que Sassou Nguesso et les agents du chemin de l’avenir pour l’ignorer. Les crédits accordés par la Chine
sont remboursables en titres miniers et pétroliers. En d’autres termes, c’est la dette gagée. Un mécanisme économique pourtant proscrit par la Banque Mondiale
et le Fonds monétaire international en raison de son opacité. Le dérapage de la dette du Congo-Brazzaville découle en grande partie de l’usage sans contrôle
de ce mécanisme. En effet, la Chine qui souhaite garantir ses approvisionnements en matières premières et en énergie multiplie les interventions dans les
pays producteurs, notamment en Afrique, faisant ainsi abattre une pluie de sinodollars à la grande satisfaction des monarques africains (Le Monde 16 Octobre
2007). Ils tiennent les mises en garde du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale pour une manifestation de mauvaise humeur des Occidentaux,
dont les monopoles miniers et pétroliers sont enfin battus en brèche. Le désendettement est aujourd’hui la condition première de la croissance, dont le
potentiel diminue fortement lorsque la dette dépasse 90 % du PIB, mais aussi de la capacité d’action politique et de l’indépendance économique.
Chemin d’avenir, Via Dolores
Le modèle économique du Congo-Brazzaville qui associe surendettement et stagflation (stagnation de l’économie hors secteur pétrolier et forestier et fort
taux de chômage) est insoutenable. En dépit de plus de 13 000 milliards de CFA de recettes pétrolières engrangées en quelques années, d’un budget 2010 de près de 3000 milliards de CFA et d’un taux de croissance de 12 %, au pays du Chemin
de l’avenir, le chemin de croix de la dette continue son bonhomme de chemin.
Benjamin BILOMBOT BITADYS