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La colère des Kolélas

L’étrange destin de la dépouille de Guy Brice Parfait Kolélas

Prévues pour se dérouler le 11 septembre 2021, les obsèques de Guy Brice Parfait Kolélas ont été reportées SINE DIE. Les raisons de cet ajournement demeurent inconnues et personne ne saura dire à quelle métaphysique elles correspondent. Contre-expertise en autopsie exigée par la famille du mort ou calculs macabres de Mpila quant à s’emparer des pouvoirs mystiques de l’illustre disparu en s’accaparant le monopole des obsèques IPSO FACTO ? On en perd son latin.

RDC

L’histoire des funérailles de longue durée pullule de faits similaires où la chose funèbre s’entoure d’une rare complexité. C’est ça l’Afrique. Sans remonter au déluge, plus près de nous, le cas éloquent d’Etienne Tsisékedi dont la dépouille est restée plus d’une année dans les tiroirs de l’Institut médico-légal belge avant d’être finalement inhumée à Kinshasa par son fils Félix Tsisékédi devenu Président de la République. Ironie du sort, les aléas de l’histoire avaient écarté du poste présidentiel le père qui pourtant s’était battu bec et ongle pour se substituer (hélas sans succès) à Mobutu, puis à Kabila père, ensuite Kabila Fils.

C’est le fils Félix, orphelin, qui, une fois le père passé de vie à trépas, a accédé au poste que le père avait longtemps convoité. Il y est arrivé en « battant » Kabila-fils et Martin Fayulu alors que personne n’aurait parié un likuta pour sa victoire puisque tout donnait le Batéké Fayulu gagnant.

CÔTE D’IVOIRE

Sans encore remonter à Mathusalem, plus près de nous, l’exemple du général Robert Gueï de Côte d’Ivoire, est instructif. Le pays des Eléphants est un espace culturel où les funérailles sont réputées longues et assorties d’enjeux complexes. Ce général putschiste massacré par d’autres putschistes a eu son corps conservé au funérarium d’Abidjan pendant plus d’une année avant d’être mis en terre dans son village car là-bas, en pays Baoulé, il est de coutume que les chefs soient enterrés non pas en ville (comme à Brazzaville au cimetière du Centre-ville) mais dans leurs villages, où ils sont au centre de toutes les attentions cérémonielles aux connotations mystiques intenses et conséquentes. Le long séjour de Guy Brice Parfait Kolélas n’est donc qu’une bagatelle à côté de l’interminable séjour de Gueï à la morgue d’Abidjan.

On ne sait pas si feu le général Robert Gueï avait un fils animé d’ambitions politiques comme Félix Tsisékédi. Dans ce cas ceux qui voient en Laurent Gbagbo le successeur d’Alassane Ouattara devrait réfléchir par deux fois. On peut les renvoyer à leurs chères études. Les orphelins ont toutes les chances d’être Khalife à la place de leur père Khalife : syndrome Tsisékédi faisant office de loi.

CONGO

Maître Philipe Youlou, fils biologique de l’Abbé Fulbert Youlou, peut également méditer cet axiome de la succession filiale politique lui dont la dépouille paternelle fut longtemps conservée dans la capitale ibérique. Les ayant-droit de PAKO n’ont alors pas de raison de désespérer. L’interminable report du rapatriement à Brazzaville des restes mortuaires du Président de YUKI cache peut-être une destinée prophétique.

Ne remontons pas à La Genèse. Encore plus près de nous, le général Joachim Yhombi Opango passé de vie à trépas en Europe et inhumé longtemps après à Brazzaville est un cas exemplaire d’obsèques à long terme. L’ancien Président du CMP (1977 -1979), en revanche, a laissé un enfant doté d’ambitions politiques boulimiques. Le Mbochi Jean-Jacques Yhombi (car c’est lui) s’est même singularisé en s’alliant avec le Lari Guy Brice Parfait Kolélas peu avant les présidentielles au cours desquelles le malheureux PAKO a laissé sa vie. Certaines langues de vipère ont vu dans ce ralliement in extremis la tactique hellénique du cheval de Troie de Sassou dans le camp de YUKI.

Si le syndrome Tsisékédi peut fonctionner au Congo-Brazzaville (les enfants orphelins succèdent au père) dans ce cas Yhombi-fils a toutes les raisons d’espérer être Président comme jadis son père après le sordide assassinat de Marien Ngouabi en 1977.

GABON

Au Gabon, le rejeton d’Edith Bongo, orphelin de Bernard Omar Bongo serait en train d’inquiéter Ali Bongo (devenu cadavre politique) en lui faisant de l’ombre. Ce fiston au prénom prédestiné de « Denis » a toutes les raisons de croire en son étoile de futur Président du Gabon puisque, semble-t-il, en Afrique Noire, notamment en Afrique Centrale, la loi dynastique, monarchique et royaliste est de mise. En Guinée Equatoriale, au Tchad, en RDC la succession est un palindrome. Elle fonctionne de père en fils et de fils en père.

Le « moitié » Congolais Chrystèle Denis Sassou-Nguesso a intérêt que son papa décède s’il veut comme son cousin Félix Tsisékédi (rive gauche) devenir Président du Congo (rive droite). Il n’aura même pas besoin d’allumer de cierges pour que son vœu se réalise puisque selon toutes les prévisions mathématiques, son père Sassou NGuesso gérant actuellement une très mauvaise santé ne devrait pas tarder d’aller rejoindre ses ancêtres Bafourou.

Les héritiers de Bernard Kolélas ne devraient pas se faire du mouron sur la date décisive à laquelle Guy Brice Parfait Kolélas devrait être mis en terre. Que ce soit dans une semaine ou dans dix ans, le problème n’est pas là. Le temps du pouvoir n’est pas le temps des hommes. Prenons l’exemple de Pierre Savorgan de Brazza. Enterré voici plus d’un siècle en France puis en Algérie, ensuite réinhumé à Brazzaville, l’explorateur français d’origine italienne voit son pouvoir continuer de hanter les consciences et de faire l’objet de trafic d’influence dans le système de domination mbochi de Sassou. Enseveli à Brazzaville, ce natif d’Udine dans le Nord de l’Italie, règne dans les arts car il a un mausolée et un musée dans la ville qu’il fonda en 1879 au bord du Ncuna Ntamo. La mort ne signifie pas la fin des choses.

TOUTÂNKHAMON

En politique, le slogan LE ROI EST MORT, VIVE LE ROI est la véritable expression de l’intemporalité du pouvoir. C’est le cas des Rois-Pharaons égyptiens momifiés qui continuent d’exercer un pouvoir une fois exhumés de leurs mastabas après des millénaires dans le séjour des morts. Observez les archéologues. Ils vouent un culte quasi irrationnel aux cadavres de Pharaons plus vieux que celui d’Abraham le père de l’humanité.

Bernard Bakana Kolélas alias Moïse est mort. Ses fans ont tous crié VIVE PAKO de YUKI. Mais comble de déception, Guy Brice Parfait Kolélas a lui aussi quitté ce monde. Sa dépouille momifiée au Quai de la Rapée à Paris n’a pas fini de faire parler de PAKO comme Toutânkhamon. PAKO est plus efficace mort que vif. Son cadavre fait trembler Mpila car il bouge encore. Alors à quoi ça sert de l’enterrer ?

CES MORTS SANS SEPULTURE

Qui peut jurer identifier la tombe de Matsoua ? Alphonse Massamba-Débat a-t-il eu de sépulture ? Où sont les restes de Matsocota, Pouabou, Massouémé ? Ces personnalités n’ont jamais été aussi vivantes pour n’avoir jamais été enterrées nulle part. Comme des Messies, ils vérifient un paradoxe biblique : vivants sont les morts.

PAKO a-t-il laissé un fils à l’instar d’Etienne Tsisékédi ? Sassou devrait craindre un remake rdécéen, celui de PAKO-fils devenu Président inhumant son papa à Brazzaville au cimetière du Centre-ville ou celui familial de Ntsouélé.

Au regard de l’épopée des Kolélas, on peut écrire comme Karl Marx que l’histoire aime se répéter : une première fois en tragédie, une seconde fois en stupéfaction.

Thierry OKO

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