Non, je n’écris pas un article de plus sur Jonathan Littell ! Et même si c’était le cas, le livre l’aurait mérité. Sauf qu’il y a un élément que je guettais depuis longtemps et, ayant remarqué le silence total à ce sujet, je me permets de le mettre à votre connaissance.
Il est étonnant de constater combien la mémoire éditoriale en France est courte en matière de titres de livres. Sans doute que les détracteurs de Little les plus acharnés et les plus pointilleux n’avaient pas constaté le détail - mais était-il si important pour qu’il changeât le destin d’un ouvrage ayant causé des dommages collatéraux dans le microcosme littéraire français au point que le romancier Marc-Edouard Nabe, dans un texte qui circule dans tout Paris conclue : "... après cette rentrée littéraire qui a ressemblé à la bataille de Stalingrad, ils n’ont qu’à reformer la phrase célèbre "peut-on écrire après Auschwitz ?" en "peut-on ecrire après Littell ?". Vous pourrez lire l’intégralité de ce papier intitulé "Et Littell niqua Angot" sur le site de cet auteur http://marc.edouard.nabe.free.fr
Revenons donc à ce titre Les Bienveillantes qui nous préoccupe ici. En effet, beaucoup ne se souviennent sans doute plus que quatre ans plus tôt, en janvier 2002, un auteur français avait publié aux Editions Stock un roman intitulé Les Bienveillantes, livre certes ayant eu moins d’écho que celui de Littell.
Les deux livres sont diamétralement opposés puisque celui de Gilles Carpentier relatait une vive altercation entre la police et une bande de Noirs avec la mort d’un jeune, Adama Cissoko, et la blessure de son ami Gaoussou. L’enquête qui s’en suivait établissait le suicide et un non-lieu, et c’est grâce au témoignage capital d’un beur, Mouloud, que sera remise en cause la version officielle de l’affaire.
Si l’Américain Jonathan Littell, lui, remonte à l’Histoire, mettant en scène, avec minutie, un ancien boureau nazi qui nous narre les horreurs et les atrocités de la Seconde Guerre mondiale, Gilles Carpentier axait son roman dans la violence contemporaine, urbaine, très calquée sur l’actualité, les yeux bien braqués sur cette "Afrique-sur-Seine". Les éditions Stock avaient-elles oublié avoir publié un livre ayant le même titre que celui qui allait être le livre-événement de la rentrée 2006 ? A moins qu’il y ait eu un arrangement entre les deux maisons d’édition, Gallimard et Stock. Si c’est le cas, ce billet se détruira après votre lecture...