Le nouveau gouvernement français est désormais en place. Le moins qu’on puisse avancer c’est qu’à la lecture de la liste de ses membres (en fin de cette chronique), Nicolas Sarkozy a réalisé ce qu’il avait promis : une ouverture, même si celle-ci fait grincer les dents de certains de ses fidèles ou partisans qui n’ont pu obtenir une part du gâteau. Bernard Kouchner ( Photo Reuters) est sans doute la vedette de cette équipe, et, au passage, la plus grande surprise. La présence de cet homme de gauche est vue par beaucoup – surtout les socialistes qui viennent de l’exclure de leur Parti – comme une haute trahison : Kouchner serait simplement attiré par le pouvoir au point de brader ses convictions pour un plat de lentilles... Or il faut louer cet acte qui montre que lorsque les compétences sont utiles au progrès d’un pays, les oppositions politiques devraient s’effacer. A condition, bien sûr, qu’il ne s’agisse pas de mettre un Jean-Marie Le Pen au Ministère de l’Intégration et de l’identité nationale ! Ce qu’il faut saluer c’est le sens de l’ouverture dont vient de faire preuve Nicolas Sarkozy, et, en sus, son habileté à dénicher un des hommes de gauche qui sait lier la politique à l’action. Kouchner, on le sait, fut donc plusieurs fois ministre (dans les gouvernements de Michel Rocard, de Lionel Jospin, de Pierre Bérégovoy, d’Edith Cresson). Il a été par ailleurs administrateur civil de l’ONU pour le Kosovo de 1999 à 2001, et a milité pour la reconnaissance du droit d’ingérence humanitaire dans les années 90. Il connaît bien notre continent, lui qui, dans les années soixante, se retrouve en mission durant la guerre du Biafra.
Bernard Kouchner relève ainsi un défi en intégrant un gouvernement de droite avec ce poste stratégique (Ministre des affaires étrangères et européennes) qui n’échappera pas au contrôle permanent de Nicolas Sarkozy – comment par exemple définir clairement le domaine réservé du Président sur les questions internationales sans frustrer le Ministre des affaires étrangères ? Quelles seront les marges de manoeuvre de Kouchner ? Faut-il souligner souligner que son ancienne famille politique l’attend au tournant ? Le coup est dur pour la Gauche. Sans compter la présence d’un autre homme évincé par Madame Royal, Eric Besson, comme Secrétaire d’Etat... On rapporte que c’est lui qui a conseillé Sarkozy sur le "Pacte présidentiel" de Ségolène Royal.. N’oublions pas un autre dissident de la Gauche, un proche du couple Royal-Hollande, M. Jean-Pierre Jouyet, nommé Secrétaire d’Etat aux affaires européennes, auprès du ministre des affaires étrangères et européennes ! Le Parti socialiste n’a pas fini de s’émietter à l’heure où les barrières politiques ne sont plus aussi franches que jadis...
Enfin, il est remarquable de voir Rachida Dati (photo), d’origine maghrébine, au Ministère de la justice. Cela change de ces nominations presque humiliantes qui sont d’ordinaires réservées aux Français "venus d’ailleurs".
C’est à ce jour la plus haute fonction ministérielle occupée par un citoyen venant de l’immigration. Jusqu’alors ces citoyens se contentaient de maigres postes comme de celui attribué à Azouz Begag (alors Ministre délégué à la Promotion de l’Egalité des Chances). Un poste qui, dans la pratique, n’aura rien signifié, sinon la satisfaction démagogique du gouvernement de Dominique de Villepin... Avec Rachida Dachi, c’est un Ministère en entier et non un petit couloir, voire un tabouret. Titulaire de deux Maîtrises (en droit public et en Sciences économiques) et d’un MBA, Rachida Dati, deuxième de douze enfants, est magistrate. Elle est devenue conseillère de Sarkozy en 2002 et s’est inscrite l’année dernière à l’UMP. Elle sera nommée un an plus tard comme Porte-parole du candidat Nicolas Sarkozy. Avec ce poste de Ministre de la Justice, c’est sans doute un grand pas dans les rapports de la France avec ses citoyens issus de l’immigration. Nicolas Sarkozy s’était déjà distingué en nommant un premier Préfet d’origine africaine (voir nos archives).
Au fond, peut-être a-t-on un peu trop diabolisé le nouveau Président français sans le voir à l’oeuvre ? En tout cas les premiers signes qu’il vient de donner sont encourageants...
COMPOSITION DU GOUVERNEMENT :
Premier ministre
François Fillon, UMP, 53 ans.
Ministre d’Etat, ministre de l’écologie, du développement et de l’aménagement durable
Alain Juppé, UMP, 61 ans.
Ministre de l’économie, des finances et de l’emploi
Jean-Louis Borloo, Parti radical, 56 ans.
Ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités locales
Michèle Alliot-Marie, UMP, 60 ans.
Ministre des affaires étrangères et européennes
Bernard Kouchner, Parti socialiste, 67 ans.
Ministre de l’immigration , de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement
Brice Hortefeux, UMP, 49 ans.
Ministre de la justice
Rachida Dati, UMP, 41 ans.
Ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité
Xavier Bertrand, UMP, 42 ans.
Ministre de l’éducation nationale
Xavier Darcos, UMP, 59 ans.
Ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche
Valérie Pecresse, UMP, 39 ans
Ministre de la défense
Hervé Morin, UDF-majorité présidentielle, 45 ans.
Ministre de la santé, de la jeunesse et des sports
Roselyne Bachelot, UMP, 60 ans.
Ministre du logement et de la ville
Christine Boutin, UMP, 63 ans.
Ministre de l’agriculture et de la pêche
Christine Lagarde, 51 ans.
Ministre de la culture et de la communication, porte-parole du gouvernement
Christine Albanel, 51 ans.
Ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique
Eric Woerth, UMP, 51 ans.
Secrétaire d’Etat chargé des relations avec le Parlement, auprès du premier ministre
Roger Karoutchi, UMP, 55 ans.
Secrétaire d’Etat à la prospective et évaluation des politiques publiques, auprès du premier ministre
Eric Besson, ex-PS, 49 ans.
Secrétaire d’Etat aux transports, auprès du ministre de l’écologie, du développement et de l’aménagement durable
Dominique Bussereau, UMP, 54 ans.
Secrétaire d’Etat aux affaires européennes, auprès du ministre des affaires étrangères et européennes
Jean-Pierre Jouyet, 53 ans.