Le Teflon, ce produit chimique utilisé notamment pour empêcher les aliments de coller aux poêles, comporte peut-être des risques pour la santé humaine, estime l’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA).
Elle a ouvert, la semaine dernière, une enquête scientifique sur l’acide perfluorooctanoïque (ou APFO), principal ingrédient du Teflon.
Les autorités fédérales américaines reprochent aussi à DuPont d’avoir caché pendant des dizaines d’années que le produit inventé il y a plus de 50 ans pouvait causer le cancer, des malformations congénitales et d’autres maladies.
Par ailleurs, rapporte le Chicago Tribune, la société DuPont a été poursuivie par un groupe de 60 000 personnes qui habitent près d’une usine de Teflon, en Ohio. Leur eau potable était contaminée par les effluents de l’usine. La compagnie a versé 345 millions de dollars américains pour régler cette poursuite. Elle dit avoir réduit depuis ses effluents de 95 %.
L’EPA affirme que des traces d’APFO sont présents dans le sang humain partout sur la planète. Une récente étude en a trouvé dans 90 % des échantillons de sang prélevés aux États-Unis. C’est un produit très persistant : le corps peut prendre jusqu’à quatre ans à s’en débarrasser. Cependant, les scientifiques ne savent pas comment il entre dans le corps humain.
Pour le moment, faute de preuve formelle de danger pour la santé, l’EPA n’a émis aucun avis pour conseiller aux gens de cesser d’utiliser des produits enduits de Teflon, comme les poêles antiadhésives.
L’EPA compte arriver à une entente avec DuPont, le mois prochain, pour faire des études plus poussées afin de savoir comment le Teflon se répand dans l’environnement : par incinération, par vieillissement ou par contact avec d’autres substances chimiques, par exemple.
Des tests en laboratoire ont prouvé que l’APFO peut causer le cancer du foie chez le rat. Selon le Chicago Tribune, des documents rendus publics dans les poursuites civiles contre DuPont montrent que la compagnie soupçonnait les effets néfastes de son produit depuis au moins 40 ans.
La compagnie se défend en affirmant qu’aucun effet sur la santé n’a encore été prouvé, mais reconnaît que la présence d’APFO dans le sang humain « soulève des questions auxquelles il faut répondre ».
L’APFO fait partie d’une famille de produits chimiques dont un des membres, le sulfonate de perfluorooctane, commercialisé par la société 3M sous la marque Scotchguard, a été banni aux États-Unis en l’an 2000.
Au Canada, on commence seulement à s’intéresser à cette question. « Ce sont les nouveaux produits qui sont sur la sellette, dit Onil Samuel, de l’Institut national de santé publique du Québec. On a récemment découvert qu’ils avaient imprégné les populations, alors il y a un intérêt scientifique récent et croissant. C’est une nouvelle problématique qui n’est pas encore très documentée. »
Santé Canada a lancé sa propre étude sur les effets potentiels de l’APFO sur la santé humaine. Environnement Canada en a fait autant pour les dommages possibles aux animaux et aux plantes. Les résultats de ces enquêtes devraient être publiés au printemps.
Cette affaire survient alors que le monde industrialisé remet en question la façon dont on commercialise les produits chimiques.
À Bruxelles, la Commission européenne continue d’étudier un vaste projet de réforme de l’industrie chimique, projet combattu par la plupart des industriels du secteur.
Environ 90 % des 30 000 produits chimiques sur le marché en Europe n’ont jamais été évalués pour leur toxicité humaine.
Aux États-Unis comme au Canada, seuls les produits servant à l’industrie agroalimentaire sont évalués par le gouvernement sous l’angle de la toxicité humaine ou environnementale.
Pour en savoir plus :
Le dossier de Environmental Working Group (en anglais) www.ewg.org/reports/pfcworld/index.php
Le site de l’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA) www.epa.gov/opptintr/pfoa
Où se cache le Teflon ?
Le Teflon est « la substance la plus glissante au monde », selon le Livre des records Guinness. Ses qualités font qu’on lui trouve des milliers d’usages. En voici quelques-uns :
> Sur plusieurs pièces d’auto, comme le système d’alimentation en essence ou certains essuie-glaces.
> Dans les pièces et les câbles de télécommunication, comme isolant.
> Dans la tuyauterie de haute précision industrielle.
> Dans les machines servant à fabriquer des pièces électroniques.
> Sur la statue de la Liberté, comme couche protectrice intérieure.
> Dans les tapis, notamment de marque Stainmaster.
> Sur les poêles, chaudrons et ustensiles de cuisine.
> Et même dans un tout nouveau vernis à ongles.
Source : DuPont
Charles Côté, La Presse