Lorsque j’arrive à Paris, je prends d’ordinaire une chambre d’hôtel à Saint-Germain des prés, de sorte que je ne manque jamais de longer le boulevard Saint-Germain, parfois sans but précis, mais souvent juste pour le plaisir de m’arrêter un instant devant la vitrine de la librairie La Hune puis de prolonger ma marche solitaire jusqu’à la hauteur du Palais Bourbon. Je ne sais pas ce qui me retient de m’attabler dans un des prestigieux cafés de la place – sans doute de peur d’être pris pour un germanopratin dont l’image est d’ordinaire caricaturée.
Alors, je rebrousse chemin, comme si je m’étais égaré, pour parvenir enfin au carrefour de l’Odéon. En réalité c’est de ce carrefour que je décide quelle artère emprunter. Et lorsque l’indécision l’emporte, je m’arrête à la hauteur de la statue en bronze de Danton. Elle a été dressée juste en bordure du boulevard Saint-Germain sur la Place Henri Mondor. On ne peut pas la rater. C’est une œuvre du sculpteur Auguste Paris.
Ce monument m’a toujours fasciné. Elle domine la foule, et le bras droit de Danton semble montrer une direction aux révolutionnaires. Quoi d’étonnant que ce lieu soit devenu pour beaucoup un point de repère ? Du coup, il n’est pas étonnant de voir un individu faire les cent pas, essayant de la sorte de tuer l’attente tandis que dans les cinémas d’en face un couple hésite encore quel film voir.
Parce que je n’avais jamais prêté attention à la borne qui rappelle l’histoire de ce monument, je n’ai donc su que bien plus tard que la statue occupe l’endroit exact où se situait le salon de l’appartement de Danton au moment de la Révolution française.
Lors de mon dernier passage, j’ai d’ailleurs murmuré les mots de cet orateur qui enthousiasmait les foules contre l’envahisseur en lançant son fameux : « Pour les vaincre, il nous faut de l’audace… »
Et alors, pris de rêverie, j’imagine ce grand homme lancer son fameux « De l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace ! ».
Il m’est arrivé de m’asseoir au pied de cette œuvre d’Auguste Paris, d’entendre presque la clameur de la Révolution. …