Le "marketing magic" a frappé en deux temps à Brazzaville où, rappelons-le, l’irrationnel est la chose la mieux partagée. Ce ne sont pas les autoriltés locales qui se donneront la peine d’y réhabiliter Gaston Bachelard, philosophe de l’esprit scientifique. Au contraire !
Premier temps : la Securitate du président Sassou Nguesso qui « n’opère que dans la nuit profonde » met aux arrêts un certain Hilaire Gambou, résident brazzavillois, coupable d’avoir émis un soupçon métaphysique sur l’érection des statues sur la grand place de Gamboma. Soumis à une cruelle torture dans les sous-sols des locaux de la police d’Etat à Brazzaville, le malheureux est sommé de reconnaître que la pétition dans laquelle ces œuvres d’art sont taxées d’éléments visant un renforcement magique de Sassou n’est pas lancée par lui, Hilaire Gambou, fonctionnaire au Trésor Public !
Avez-vous pigé quelque chose sur le but poursuivi par la police secrète de Sassou ? Nous, non.
De monstrueuses statues plein la ville
Il reste que ce n’est pas seulement Gamboma qui semble concernée par ces représentations magiques d’objets d’art. Brazzaville aussi est devenue un "musée" à ciel ouvert. Voici ce que rapporte le site Congoplus : dans le cercle de Mpila, « ces statues qui plombent déjà les rond point de Brazzaville, sont appelés « monuments », c’est-à-dire pour la vie. »
Mieux (ou pire, c’est selon) d’après certaines indiscrétions, « toutes ces statues, sont mystiquement travaillées, (…) bourrés de fétiches par des marabouts Ouest africains et magiciens indiens dans le but d’endormir le peuple Congolais et laisser enfin le président Sassou Nguesso régner en maître et faire régner de façon successorale les éléments de sa famille. »
Thoutmôsis III l’égyptien
Deuxième temps : la franc-maçonnerie égyptienne fait parler d’elle de façon inattendue. On apprend des Dépêches de Brazzaville et de La Semaine Africaine que Sassou, avec la caution de Jean-Claude Gakosso (Ministre de la Culture), Théophile Obenga (égyptologue de poids) et de l’Ambassadeur d’Egypte au Congo a donné son aval pour implanter la statue de Thoutmôsis dans notre ville-capitale.
« « La présence de la statue de Tutmossis III à Brazzaville ajoutera quelque chose au paysage de cette belle ville » a déclaré (mon œil !) l’inénarrable Jean-Claude Gakosso alors que Théophile Obenga surenchérissait que : « le célèbre pharaon est considéré comme « le premier empereur de l’Histoire »
Pourquoi cette obsession statuaire à Brazzaville ces temps-ci ? Dénués d’épistémologie, nos compatriotes voient dans ces acquisitions artistiques une stratégie magique de Sassou de se maintenir au pouvoir à vie, en d’autres termes, d’y mourir ; une perspective qui effraie (à juste titre) tout le monde.
Le matin des magiciens
Etrange ce monde qui perd son sens critique. Même si André Malraux a dit que le 21è siècle sera spirituel ; même si sous ce siècle commence le fameux « Matin des magiciens » de Louis Pauwels, les « us et coutumes mbochi » empruntent un peu trop la pente de la dérive mystique alors que les sous du pétrole ne cessent de s’accumuler au Trésor Public.
Le peuple a besoin d’eau, d’électricité, d’hôpitaux, d’usines, de villes propres, de pouvoir d’achat élevé, le Chemin d’Avenir lui offre, à la place, des grossières figurines inesthétiques et des copies de Toutankhamon l’Egyptien.
Après le mausolée de de Brazza, voici une momie égyptienne. Visiblement on n’est pas au bout des surprises du Pharaon d’Oyo.