L’Idéal est toujours à atteindre, dit-on. Il est le lièvre-leurre après lequel les lévriers de tous les combats sains courent sans cesse pour tenter de rendre à un peuple et à son pays une dignité et une décence. Idéal donc que ce rassemblement des grands ténors de notre politique ; des plus grands responsables du destin de notre pays. Et de sa situation actuelle. Responsables de s’être faits des guerres.
« Se faire la guerre » ? quelle expression sournoise et fausse ! Car jamais ces quatre messieurs ne se sont battus directement. C’est toujours les autres qui l’ont fait à leurs places. Et qui y ont perdu la vie pour des idéaux aux contours flous. Chaque fois qu’ils étaient fauchés, en manque de pouvoir ou en rivalités ouvertes : ils se sont servis des autres pour le faire savoir. Ou bien ils ont noué des alliances, signées le jour et rompues la nuit. Mais, c’est vrai : dialoguer vaudra toujours mieux que de se faire la guerre.
Pourtant, ce faisant, nous devons noter dans un coin du carnet que cette démarche, louable dans ses finalités, comporte des aveux qui peuvent troublants :
– Rechercher le dialogue réel, c’est avouer que celui organisé il y a trois ans, le « sans exclusive », n’en fut pas un réel
– Réclamer l’amnistie c’est reconnaître qu’au-delà des rodomontades de salon, et des rejets des fautes sur l’autre, tous quatre se reconnaissent tous coupables ou tous responsables. Solidaires
– Souhaiter l’apaisement, c’est indiquer que la situation actuelle est factice
– Accepter la médiation des autres, c’est souligner que par leurs propres moyens ils n’ont pas pu se mettre autour d’une table, et se parler en vérité sans hypocrisie
– Accepter d’œuvrer tous ensembles, c’est admettre que les choses ne marchent pas en l’état…
Nous recherchons les moyens d’assurer le développement harmonieux d’un pays qui en a les moyens, en ressources matérielles et humaines. Si cette fois donc, quatre hauts responsables sont parvenus au moins à partager l’idéal d’un abandon des ostracismes, entretenons l’illusion qu’il n’en sortira qu’un bien.
L’histoire de notre pays enseigne pourtant la règle de la désillusion. Plus que jamais nous ne devrions nous méfier de l’attrait des symboles. Les Congolais sont maîtres dans l’art de se congratuler le couteau dans la poche ; de se donner l’accolade du « camarade » ou du « frère » ; de « laver les mains » en public, mais de s’adonner aux pires exactions, sans sourciller. Nous sommes capables d’aller à Libreville et à Paris, signer les accords les mieux bétonnés. Et de les oublier dès que les poches des uns se vident proportionnellement, peut-être, à la montée des bedons des autres.
Ce que le Congo a connu en 43 ans de vie ces quatre personnes le savent et l’ont ordonné, conçu ou avalisé. Alors, quatre idéaux de paix pour une paix majeure ? Ou quatre joueurs d’échecs qui avancent d’autant plus soigneusement leurs pions, qu’ils feindront de dormir quand éclatera la prochaine guerre - la nôtre, toujours ? La guerre qui redistribuera les cartes ?
Benda Bika