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Eloge funèbre

Hommage à Bienvenu Sene Mongaba, ancien collaborateur à Congopage

Bienvenu Sene Mongaba, ancien collaborateur de Congopage, est décédé dans la nuit du lundi 31 janvier 2022 au mardi 1er février. Né à Kinshasa au mois de janvier de l’année 1967, il a quitté ce monde au lendemain de son 55ème anniversaire.

Son champ d’investigation, c’était la langue, notamment le lingala. Durant sa brève collaboration à Congopage, Bienvenu Sene Mongaba s’est employé d’enseigner cette langue bantoue avec une pertinence inouïe et une incroyable beauté esthétique.

Dans une interview donnée à l’émission Mikanda, ce linguiste développera la philosophie qui était la sienne sur la fonction gnostique du Lingala. Auteur, entre autres ouvrages, d’un dictionnaire qui traduit le français dans les quatre langues congolaise (lingala, tshiluba, swahili, kikongo), ce sociolinguiste avoue que c’est dans une salle de classe qu’il a « commencé avec le français  ». Avant, il ne parlait que lingala. Car pour l’enfant congolais en général les langues locales sont celles qui ont le suffrage dans sa connaissance du monde.

Bienvenu Sene Mongaba a milité pour l’apprentissage des sciences ( notamment la chimie, sa spécialité) dans les langues africaines. Si les Flamands, les Tchèques, y arrivent, pourquoi pas les africains ! « Je n’ai pas besoin du français pour comprendre la chimie » affirmait celui qui considérait la psychologie génétique comme champ interchangeable de la connaissance. Quelle que soit la langue, les enfants sont tous égaux devant l’apprentissage.

« Mon travail consiste à écrire la chimie en lingala » projetait-il.
Les Chinois le font dans leur langue ; pourquoi eux et pas les Africains dans la leur ?
« Les Flamands écrivent en flamand, les Tchèques en tchèque, je ne vois pas pourquoi je devrai écrire en français ! »
« Les générations futures devraient être enseignées dans les langues africaines. » estimait-il puisque rien ne ressemble plus à l’impérialisme culturel que l’apprentissage par la langue de la société dominante.

« J’ai vu beaucoup de mes amis abandonner l’école à cause du problème de la langue  » regrettait ce sociolinguiste.

ROMANCIER

Bienvenu Sene Mongaba ne s’est pas contenté de réaliser des travaux scientifiques. Il a également écrit des romans parmi lesquels on peut citer : «  Ku-fwa-ku-mputu  » , « Pillage à Kin ».
On peut dire que ce Congolais arrivé en Europe en 1996 était un auteur engagé.

Au début, les intellectuels de la diaspora ont eu du mal à intégrer notre linguiste en doutant de sa qualité d’universitaire.
Au regard de l’élite congolaise, écrire en lingala autoexcluait celui qui avait fait ce choix. Elle oubliait que toute langue est porteuse de ses propres potentialités en matière cognitive.
Or selon cet enfant de Kingasani, quartier populaire de Kinshasa, « la littérature en français n’a pas d’avenir au Congo. »

« Les auteurs congolais écrivent en français et ne s’adressent pas aux Congolais » constatait amer ce prof de lingala.

« Si les Congolais ne te connaissent pas, les Occidentaux ne te connaîtraient pas » nota-t-il au micro de la journaliste Moko.

Alain Mabanckou, Blaise Ndala sont des exceptions à la règle car n’étant pas francophones à la naissance ils ont pu faire œuvre littéraire dans une langue qui n’est pas la leur.

« L’avenir de la littérature congolaise c’est dans le lingala » martelait-il un tantinet panafricaniste.
Puis l’estocade :
« L’école n’apprend plus aux gens à lire, c’est une industrie à diplômes.  »
Pour lui, l’école a une responsabilité négative. Car d’entrée de jeu, « l’école t’interdit de parler ta langue. » déplorait-il.

Or l’expérience a montré que rien ne facilite autant l’accès à la connaissance que la langue maternelle.

Les Egyptiens qui ont posé les bases de la géométrie ont appris les maths dans leur propre langue.

Repose en paix, cher professeur.

La rédaction

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