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Albert Ngondo ou l’âge de départ à la retraite à quatre-vingt dix ans

Photo: Albert Ndongo, le débat français sur la retraite le fait pouffer de rire

Olivier Mouébara, parlant d’André Milongo, écrit que « ...son successeur, Albert Ngondo, un octogénaire qui a largement dépassé l’âge de la retraite depuis belle lurette, fut nommé par le décret numéro 97-51 du 29 décembre 1997 au lendemain du coup d’Etat sanglant mené par son mentor Sassou Denis qui fit plus de dix mille morts. La couardise de cet impétrant fait du Congo non pas un Etat, mais une pétaudière. » (Olivier Mouébara, Albert Ngondo, le braqueur Trésorier Payeur Général du régime de Brazzaville Congo-Liberty 13 décembre 2021)

Albert Ngondo, plus de quatre-vingt balais, doit rigoler du débat en France sur l’âge du départ à la retraite. Soixante ans pour le Nouveau Front Populaire et soixante quatre ans pour la Macronie. Ngondo en a plus de quatre-vingt et continue de bosser.

Le vieil homme a largement dépassé les délais. Droit dans ses bottes, le bientôt nonagénaire est toujours à son poste de Trésorier-Payeur qu’il a, au passage, délocalisé à son domicile, dans les faubourgs des quartiers nord de Brazzaville, confirmant de ce fait l’adage : « là où il y a des métaux à dérober le Mbochi n’est jamais loin. »

Le monde vit une époque épique, le cœur en chagrin au bord du ravin. Alors qu’en France pour le même sujet un futur gouvernement encourt le risque de la censure et un pays celui de la démission d’un Président, au Congo, un bonhomme, ayant vastement atteint et dépassé le moment de faire valoir ses droits à la retraite, continue impunément de sévir à la tête du Trésor Public.

Un autre célèbre agent de la Fonction Publique, avant lui, a fait de la résistance. Jean-François Ndenguet a été, en effet, durement et brutalement poussé à la porte alors qu’il retardait par plusieurs subterfuges de faire valoir ses droits à la retraite. Mais ne soyons pas dupes ; c’est moins son âge que sa rage de ne pas voir Kiki succéder à son papa qui est à l’origine de la belle idée de Sassou de se débarrasser du directeur de la police et de son alter ego Philippe Obara. Il est clair qu’il s’agit d’un règlement de comptes et non une question de législation du droit du Travail.

Tricheries

La retraite est un champ de représentations où le nombre de transgressions est légion au Congo sous Sassou. C’est une zone de non-droit où la raison du plus fou est généralement la meilleure. En plus d’aménagements en termes de « prolongations d’activités » il y a la ruse sur les âges réels des candidats potentiels au départ. Le « rectifiage » (correction de l’année de naissance) est le sport favori des Congolais.

Les raisons des tricheries ? Les arriérés des pensions impayées, cauchemar des Congolais, font redouter les départs à la retraite. La formule est connue : retraités/maltraités. Autant dire qu’au Congo, la retraite est un trait tiré sur les cotisations de tout une vie professionnelle.
Retraités/Maltraités est un célèbre calembour de Feu Mgr Ernest Kombo. Cette sombre « perspective d’avenir » ( c’est le cas de le dire) est redoutée des travailleurs quand bien même, en raison de la pénibilité des tâches, le corps ne répond plus pour jouer les prolongations.

La retraite correspond à une mort économique de l’être humain. Chez Sassou ce n’est pas un droit mais une droite assenée à la condition humaine. La pension de retraite est une dimension occultée par la sauvagerie d’un pouvoir.

Marx

On a tous appris depuis le vieux Karl Marx, que le capital a besoin d’essorer le travailleur jusqu’à ce que mort s’ensuive. Si ça ne tenait qu’au capitalisme, on devrait travailler du berceau à la tombe sans contrepartie du capitaliste.
A la suite des bagarres sociales, l’homme a obtenu cet acquis (la retraite payée) qui lui offre ce que Senghor a appelé Le temps de vivre c’est à dire le temps de se cultiver, de ne plus se « faire chier » par un patron, de gérer son temps, de se consacrer à des loisirs, de voyager, de s’occuper de sa famille. Bref, le repos avant le repos éternel.

Il est commode à des individus de l’acabit d’Albert Ngondo de gérer le paradoxe de travailler ad vitam aeternam en volant les autres. C’est une attitude digne des grosses fortunes fustigées par Marx, sauf que Albert Ngondo n’a jamais été un gros industriel ni fils d’industriel mais un petit pêcheur né et grandi dans un campement au bord de l’Alima.

Lambert Ekirangadzo

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