La misère de notre pays est, une fois de plus soulignée, de manière inattendue, au cours d’un documentaire diffusé samedi 12 juin 2010 sur la chaîne VOYAGE. L’émission intitulée "Sur la route du foot" est réalisée par Thibaut Bessudo et Cédric, deux passionnés du football qui décident avant le Mondial de se rendre en Afrique du Sud par la route. Pays traversés : Maroc, Mauritanie, Sénégal, Mali, Burkina-Faso, Togo, Ghana, Nigeria, Cameroun, Gabon, Congo, RDC, Angola, Namibie puis, l’étape ultime, l’Afrique du Sud. Nous vous passons les détails sur les traversées de l’Afrique du Nord. Chose frappante, le réseau routier est excellent au Burkina, au Ghana et, point d’orgue, au Nigeria où la traversée, en raison de la dangerosité du pays, se fait sans escale. Le Nigeria, pays producteur de pétrole, est doté d’autoroutes dont la qualité suscite de bons commentaires de nos deux aventuriers. C’est dans une villa cossue qu’Abéti Pelé les reçoit au Ghana. L’ancien champion marseillais est félicité pour son rôle joué lors du choix de l’Afrique du Sud en tant que pays organisateur. Accra est une jolie ville dont la qualité des routes en dit long sur le souci des dirigeants de développer leur pays. Au Cameroun pays dont, dit-on, le chef de l’Etat, Paul Biya, se dispute le leadership sous-régional avec Denis Sassou-Nguesso du Congo, c’est Bell, ancien gardien de but de Marseille qui leur accorde un accueil merveilleux - précisément à Douala. Si jamais cette compétition entre les deux tyrans africains se fonde sur la qualité des infrastructures routières respectives, autant dire qu’il n’y a pas match : Paul Biya bat largement Sassou. Le pays des Lions Indomptables peut se prévaloir de posséder des routes convenables. Thibault et Cédric, tracent ensuite sur le Gabon où feu Bongo, doyen des chefs d’état africain, peut se targuer, outre-tombe, d’avoir équipé son pays en routes goudronnées. A partir d’ici, commence le calvaire.
ENLISEMENTS TOUS AZIMUTS
L’expédition entre au Congo-Brazzaville comme l’indique la pancarte à la frontière. Commencent pour nos deux maniaques du foot, les tacles les plus durs subis depuis leur périple africain. Leur puissant 4X4 connaît les premiers enlisements dès qu’il quitte le Gabon. En guise de routes, ici, ce sont des pistes dont la première les conduit dans une localité nommée Nyanga où ils dénichent un hôtel de fortune. Le maître des lieux prend d’emblée un carton jaune : il n’a aucune nourriture à proposer à ses hôtes. Qu’à cela ne tienne. Le voilà qui se rend nuitamment en ville (Pointe-Noire ?)acheter des provisions pour épargner à ses clients l’austérité du proverbe « qui dort, dîne ». Un brin ethnographe, Thibaut et Cédric se font expliquer comment se passe le mariage dans la localité. Si à trente ans (l’âge des deux explorateurs) tu n’es pas marié « ce n’est pas bien » dit leur informateur.
Champions du monde de la corruption
Mais les deux amis ont un but : atteindre Brazzaville. Mais vu l’état de la route, le match n’est pas gagné. Ils empruntent la fameuse nationale 1 que sont en train de construire les Chinois. Date de la fin des travaux : 2016. « Nous sommes arrivés trop tôt » commente non sans humour la voix off de Thibaut. Ils sont trop optimistes en donnant cette date car vu l’état des travaux (rien n’est encore goudronné) la victoire est à envisager pour 2022. L’entreprise chinoise, selon les ouvriers congolais, paie en monnaie de singe. A ce rythme, vaincre le Mayombe sera un match « matambé » aussi violent que celui que livrèrent les forçats qui construisirent le CFCO voici bientôt un siècle (1921-1934). Les travaux titanesques émurent André Gide et Albert Londres. En dépit des faibles moyens technologiques, les travaux du CFCO mirent treize ans. Bilan : plus de 20.000 morts. Malgré les progrès en génie civil, plus de quatre ans après la pose de la première pierre, cette nationale 1 (Pointe-Noire/Brazzaville) qui fait partie des grands chantiers du « bâtisseur » local est donc encore à l’état embryonnaire. Cherchez l’erreur.
Le grand adversaire c’est la saison des pluies. La route est tellement boueuse qu’on comprend pourquoi les organisateurs du Paris/Dakar choisirent de faire passer l’itinéraire dans cette région avant d’atteindre le Cap. C’était sous Lissouba. Mais le premier ennemi de la route, c’est l’homme politique congolais, détenteur de la coupe du monde de la corruption financière et du détournement de l’aide au développement.
Soudain, Thibaut et Cédric tombent sur un gros camion couché sur la route. La sélection de l’eau et de la latérite forme une équipe boueuse qui arrive à bout du poids lourd dont les roues sont en l’air. A bord de leur 4X4, les deux Français parviennent à tirer leur épingle du jeu. Selon leurs indications, ils ne tomberont sur aucune route goudronnée jusqu’à Mindouli. Dans la localité règne l’insécurité. Aussi, le chef politique de Mindouli leur conseille d’y passer la nuit avant de reprendre la route vers Brazzaville. Le spectre de Ntoumi plane sur la région. 3,5 petits cm sur la carte symbolisent la distance qui leur reste à parcourir. Etant donné l’impraticabilité de la route, il leur faudra plus de 3 jours sur le terrain pour couvrir les 3 cm sur la carte. Soit 1cm/jour.
Troudon
« Encore un peu de patience, vous atteindrez bientôt la route « troudonnée » » rassure le chef de la localité administrative dont Adelaïde Mouhani est députée. Le néologisme « troudonné » (voie bitumée truffée de trous) fait pouffer de rire Thibault et Cédric. A peine parti de Mindouli, le terrain continue de présenter tous les dangers du sous-développement. Un véhicule qui les précède s’enlise dans la boue jaunâtre. Un homme muni d’une pelle s’affaire dangereusement sous le camion. On aurait dit qu’il creuse sa propre tombe. Aux bribes de conversation en lari qu’enregistre le micro de la caméra, le paysage est bien celui du Pool. Une lueur d’espoir brille dans le regard des deux inconscients. On leur a dit que la route goudronnée n’est plus loin. Il suffit d’arriver à Matoumbou pour que prenne fin le calvaire. A partir de Kinkala on revient, si on dire, à la civilisation. L’Union Européenne a financé le projet routier. La route est goudronnée entre Kinkala et Nganga-Lingolo. Ce n’est pas grand-chose ; moins d’une centaine de kilomètres dont la jonction avec Brazzaville (entre Samba Alphonse et Brazzaville) n’est pas jusqu’ici faite par nos amis du Chemin d’Avenir. Avoir pour devise « chemin d’Avenir » et posséder un réseau routier d’un autre âge, C’est ce qu’on appelle « ironie du sort ».
Bref, cahin-caha, l’expédition arrive à Brazzaville où le tohu-bohu est celui d’une ville sale, moyenâgeuse. Indulgents, les fanas français du foot nous épargnent les images de Brazzaville d’Hugues Ngouolondélé. Mais perfides, comme pour mieux souligner le délabrement, ils opposent au regard du téléspectateur les buildings de Kinshasa, de l’autre côté du fleuve, ville qui sera leur prochaine étape. Si à Accra ils croisent Abéti Pelé, à Brazzaville ils rencontrent François Mpelé, un ancien meilleur buteur de PSG, dans les années 1969. Il opéra aussi à Ajaccio. La rencontre avec ce champion d’Afrique (Yaoundé 1972) se fait au Stade « Alphonse Massamba-Débat », du nom d’un champion politique que le Congo n’ait jamais connu. Massamba-Débat construit ce monument en moins de deux ans : un record quand on voit comment on trime pour achever le barrage d’Imbouilou sur la Léfini. Après ça, pourquoi s’étonner qu’on soit lanterne rouge du continent…
Devinez, sur quel sport préféré de nos compatriotes s’achève l’épisode congolais de Thibaut et Cédric : la sapologie.
Chaîne VOYAGE – Le projet fut lancé le 5 février 2010 sous le parrainage du Camerounais Roger Milla. Thibaut de Toulon et Cédric de Marseille sont arrivés au Cap (Afrique du Sud) le 11 juin 2010, date d’ouverture de la Coupe du monde.
http://www.melty.fr/voyage-trace-la-route-du-foot-actu29380.html
