Toute diaspora est une partie vivante du pays dont elle est originaire. Extension de ce pays à l’étranger, elle en est aussi, en quelque sorte, l’âme extériorisée.
Un pays respire et rayonne à l’étranger par sa diaspora plus profondément que par ses missions diplomatiques. Et cela quand bien même elle se serait intégrée tant bien que mal aux pays d’accueil. Et même après que la première génération de migrants se soit éteinte. Le lien émotionnel qui rattache toute diaspora à sa lointaine terre d’origine transcende le temps et les générations. Et c’est en parfaite reconnaissance de cette réalité que la Charte de l’Union Africaine a fait des diasporas africaines « la sixième région du Continent ».
Il est possible que le regard vers le pays d’origine ne soit pas la simple expression d’une nostalgie muette. Il est souhaitable qu’il conduise à une forme d’engagement de nature à influer sur l’avenir des pays d’origine. De fait les exemples abondent d’un engagement décisif des diasporas. Israël n’existerait pas aujourd’hui comme Etat ni n’aurait atteint son niveau actuel de développement sans une implication profonde de la diaspora juive. Plus près de nous en Afrique, le Rwanda doit son visage actuel à l’empreinte de sa diaspora dans les pays limitrophes et ailleurs dans le monde.
Les diasporas africaines se manifestent surtout, à l’heure actuelle, comme une importante source de financement des économies africaines. Il est admis qu’elles sont devenues « un contributeur de premier ordre aux économies du Continent ». Les montants en jeux sont vertigineux : 55 à 70 milliards de dollars au total envoyés vers l’Afrique chaque année, selon les estimations officielles, et donc en réalité bien plus. De ce montant global 5,7 milliards de dollars sont envoyés à partir de la France.
Il est clair comme le jour que cette manne représente pour de nombreuses économies africaines une source de financement essentielle. Les économistes constatent qu’elle dépasse les montants de l’aide publique au développement et contribue « parfois jusqu’à 20 % du Produit intérieur brut des pays concernés ». Pour la CNUED les envois de fonds de la diaspora africaine représentent « 51 % des apports de capitaux privés sur le continent ». Qui dit mieux ?
C’est dans ce contexte que s’active le Réseau International des Congolais de l’Extérieur (RICE) « à la recherche d’un partenaire financier afin de mettre en place un nouveau système de transfert de fonds internationaux vers l’Afrique ». L’initiative a un double objectif : « réduire les commissions jugées « abusives » demandées à la diaspora par les deux opérateurs américains ; créer un fonds de financement pour distribuer des microcrédits aux petits entrepreneurs africains ».
Les diasporas sont également une source d’expertise sûre. Et ce volet n’est pas le moins intéressant. En effet, les diasporas peuvent mettre à la disposition des pays d’origine leur expertise acquise à l’étranger. Elles constituent, à cet égard, une potentielle mine de compétences de standard international. Une mine exploitable d’une manière soit ponctuelle soit permanente à la faveur du retour au pays natal de ces hommes et de ces femmes qui demeurent sensibles à l’appel de leurs racines.
C’est dire l’importance de la création d’un Département des Congolais de l’étranger au sein du ministère des Affaires Etrangères du Congo à l’initiative du Président de la République. Le Ministre Jean-Philippe Ngakosso en charge dudit Département entend définir des « stratégies visant à encourager les Congolais de l’étranger à s’impliquer dans le processus du développement national ».
Il est souhaitable que la mise en œuvre de ces perspectives tienne compte d’un certain nombre de facteurs. Le facteur clé demeure la confiance de la diaspora congolaise qu’il faut établir et consolider. La confiance est, en effet, le socle d’une interaction féconde entre les pouvoirs publics et la diaspora congolaise. Il s’agit d’aller vers la diaspora, de se mettre à son écoute et de déterminer avec elle les modalités de son implication dans le développement du Congo. A cet égard le projet ministériel d’un Conseil représentatif des Congolais de l’étranger est de bon augure. Il reste à en déterminer le contenu et le fonctionnement avec l’indispensable participation des intéressés.
Nous saluons aussi la volonté exprimée par le Ministre de s’ouvrir aux expériences en cours dans d’autres pays africains. Il y a beaucoup à apprendre et à prendre chez les autres pour faire sa propre cuisine. Le Maroc, par exemple, semble un cas plus abouti que d’autres dans notre continent. Voilà un pays où les pouvoirs publics s’attachent depuis 1990 à renforcer les liens avec la diaspora dont elles entendent faire un véritable « accélérateur des changements en cours au Maroc ». D’autres expériences, non moins intéressantes, se déroulent au Ghana, en Côte d’Ivoire et au Sénégal. Il est souhaitable que le Congo y trouve l’inspiration susceptible de l’aider tracer sa propre voie dans l’intérêt bien compris de la nation.
Roger Ndokolo
Président du parti du centre UNIRR
(Union pour la Refondation Républicaine)
Cet article prolonge celui paru dans L’Horizon Africain N°11 du vendredi 31 mai 3019, p.5
« Permettre aux Congolais de l’étranger de contribuer au développement national »