Deux egos carabinés dans les mains de Sassou Nguesso. Tous les deux lui sont chers. Dans quel sens arbitrer ?
Les observateurs avertis ont remarqué que 1a fin 2003 à été marquée par les passes d’armes feutrées, mais ouvertes entre le Directeur de Cabinet du Président de la république et le ministre d’Etat, Coordonnateur du gouvernement. Simple problème de personnalités caractérielles ou luttes de pouvoir ? Il y anguille sous roche.
Rien ne va plus entre Isidore Mvouba, Ministre d’Etat, ministre des Transports et des privatisations, Chargé de la Coordination de l’action gouvernementale et le ministre Directeur de Cabinet du Président de la république, Me Aimé Emmanuel Yoka. A l’origine, des sérieuses divergences sur la gestion de la crise du Pool, les malentendus sur la Coordination du gouvernement et des ego par trop carabinés de part et d’autre. Toutes les deux personnalités sont les moins modestes et celles qui ont des grandes ambitions pour leurs propres personnes. Leur juxtaposition à ces lieux de pouvoir promettait déjà des hautes frictions pour ceux qui connaissent les deux hommes. C’est-à-dire que ne les connaissant que trop bien, ils savaient qu’ils allaient s’annihiler, se marcher avec éclats sur les pieds.
Les Coups en dessous de la ceinture
La personnalité de Me Aimé Emmanuel Yoka se passe de commentaire. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle est boulimique. L’homme a un sens du pouvoir qui fait craindre autour de lui. Il se voit trop souvent dans la tête d’un maître à penser, le, philosophe de l’Etat, le Constitutionnaliste indispensable, l’homme au pensé vrai et juste, l’éminence grise de son camp dont douter des capacités et de la science infuse, est un crime de lèse oncle du Président de la République. Personne dans son camp ne sait ce qu’il veut vraiment.
Nommé Maire de Brazzaville, à la fin de la guerre de 1997, il s’y ennuya ne voyant rien venir dans le cadre de la reconstruction. Il est fait ambassadeur du Congo au Maroc. Devenu Marocain. Aimé Emmanuel Yoka, dit le Bourgeois, fera long feu à Rabat. On le retrouve bombardé Directeur de Cabinet du Président de la République en 2003, avec rang de ministre, en remplacement de "son ami et frère", Gérard Bitsindou, qui prendra, soit dit en passant, cette éviction comme synonyme de disgrâce aux yeux de ses proches. Le poste lui semble tout de suite pas fait pour sa carrure. Il se voit alors en Coordonnateur du gouvernement jong1ant avec la lettre et l’esprit des textes. Alors, commence une fronde qui va culminer en un lynchage en règle du Coordonnateur du Gouvernement accusé d’abord de vouloir "par les prérogatives" qu’il se donnerait ou qu’on lui reconnaît par "son poste", de vouloir reléguer le Président de la République au rôle d’inaugurer les chrysanthèmes ; un coup d’Etat constitutionnel. Avec force argutie juridique le cabinet Yoka amènera le Président de la République à prendre un décret reprécisant - en les réduisant - les charges du Coordonnateur du gouvernement.
Ce coup en dessous de la ceinture s’il en est, est le commencement du dégel des clivages au sein du clan, sonne comme un clairon dans le camp Mvouba. Désormais, « l’ennemi est connu. » On sait d’où partent les obus à l’uranium appauvri : de la loge de Yoka. Sus donc ! Pétard mouillé, ta réaction de la Coordination du gouvernement se fera attendre en forme d’article de politesse convenue, se contentant de préciser les intentions de M. Isidore Mvouba.
Faute d’avoir prévu un poste de premier ministre dans « Sa Constitution », Aimé Emmanuel Yoka ne se voit pas moins comme le seul et unique individu à qui doit revenir la Coordination du gouvernement. Sa stature de juriste chevronné, d’aîné - dans la logique lignagéaire - souffre mal d’être un simple directeur de cabinet de son neveu de Président. Il ambitionne grand : la Coordination du gouvernement, ou il ne sera pas le fusible, mais le vrai chef d’orchestre que ne l’est 1sidore Mvouba,avec ses bénédictions.
Le duel Yoka-Mvouba s’exprime aussi de façon ouverte sur la gestion de la crise du Pool. Le Direcab du Président voit la question lui échapper au profit du Coordonnateur du gouvernement, président du comité ad hoc de suivi de l’exécution des accords du 17 mars ; alors qu’il est (M. Yoka), le chef de la cellule présidentielle chargée de la question. C’est actuellement le sujet qui les fâche amicalement. Signalons que le fait qu’Ils se marchent sur les pieds est un peu la résultante de la gestion de 1a crise du Pool, telle que le Président de1a République l’a menée jusqu’à présent, en doublant, comme toujours, les hommes et les missions quitte à ne plus savoir qui fait quoi, où et comment.
Là encore, comme dans les duels mémorables du temps de la Transition, Mvouba-Bitsindou, Bouéno-Boussoukou, et on vous passe des meilleures, les deux hommes attendent et les observateurs avec eux, en vain l’arbitrage du Chef du gouvernement, le président de la République.