La directrice de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), Margaret Chan, a averti mercredi de l’émergence de souches de la tuberculose très résistantes qui vont rapidement devenir incontrôlables, et a exhorté les pays concernés à combattre cette menace grandissante pour la santé publique mondiale.
Margaret Chan demande aux ministres de la santé et aux hauts responsables des 27 pays les plus gravement touchés par ces nouvelles souches résistantes du bacille de prendre des mesures drastiques pour améliorer leur dépistage et renforcer leur système de santé. "Appelez cela comme vous voulez -une bombe à retardement ou une poudrière. Quoi qu’il en soit, la situation est potentiellement explosive", a estimé la responsable de l’OMS à Pékin, en introduction à un congrès de trois jours consacré à la tuberculose résistante.
La tuberculose est provoquée par des germes qui se transmettent par l’air, quand un malade tousse, éternue ou parle. C’est une maladie ancienne et curable mais qui prend deux formes inhabituelles : celle d’une tuberculose multi-résistante au traitement, c’est-à-dire qui ne répond pas à deux des médicaments les plus utilisés, et celle d’une tuberculose ultra-résistante, à peu près incurable.
Non dépistées, les personnes porteuses du bacille résistant peuvent transmettre la maladie et déclencher une épidémie, dans une économie fortement mondialisée. Et même détectées, les personnes infectées doivent se tourner vers des médicaments plus efficaces et plus chers, inabordables dans le système de soins de nombreux pays. Selon l’OMS, moins de 5% des cas estimés de tuberculose sont détectés et moins de 3% traités.
Sur les plus de 9 millions de personnes dans le monde qui contractent la tuberculose chaque année, 500.000 environ attrapent une forme résistante. Près d’un quart d’entre elles vivent en Chine, là où des légions de migrants ruraux dépendent d’un système de soins défaillant. Le problème se pose aussi en Inde, où le système de soins rural est souvent limité et la vente des anti-tuberculeux mal contrôlée ; en Russie, où manquent le personnel soignant qualifié et les médicaments ; ou encore en Afrique du Sud, où l’épidémie prospère grâce à l’épidémie de Sida qui a affaibli le système immunitaire des personnes porteuses du VIH.
"Je vous conseille vivement de prendre les décisions politiques que réclame l’urgence de la situation, a déclaré Margaret Chan aux responsables rassemblés à Pékin. "A l’heure de la crise économique, le monde ne peut tout simplement pas s’offrir le luxe de laisser une menace d’une telle ampleur, d’une telle complexité et d’un tel coût devenir incontrôlable."
Les pays assistant à la réunion sont censés mettre en place un plan de prévention et de contrôle sur cinq ans de la tuberculose multi-résistante, mais de nombreux pays sont lents à agir, estime Médecins sans frontières dans un communiqué. Pourtant, beaucoup d’entre eux "possèdent la capacité d’agir" car leur économie est prospère, déclare Tido von Schoen-Angerer dans un communiqué. Ces pays doivent donc "en faire une priorité et traiter les gens".
La tuberculose est en général traitée en six mois par l’association de quatre antibiotiques qui revient environ à 20 dollars, mais le traitement de sa forme résistante peut prendre deux ans. Margaret Chan souligne que le prix du traitement de la tuberculose multi-résistante peut être 200 fois plus élevé que celui d’une tuberculose normale.
Dépister une tuberculose résistante rapidement améliore les chances d’un patient de survivre et diminue le risque de voir le bacille muter une nouvelle fois, en une forme encore plus résistante.
AP