Rapha , tu n’étais pas le christ , mais tout le monde t’a adulé comme si tu l’avais été.
Un peuple que tu as "christianisé" par tes chansons thématiques , ta muse fertile et ta voix atypique pour le débarrasser de son apathie et de sa torpeur devenues presque maladives.
Femmes et vieux, jeunes et enfants ont fredonné tes refrains toujours édifiants et moralisateurs . " Le départ pour l’école", "mateya", "Parisien refoulé", "Ma Bouesso", "Résultat du dimanche", "Retour à la sape", "La misère du chauffeur"... autant de tubes qui ont forgé ta gloire. Une renommée restée malheureusement sans lauriers.
Les producteurs, promoteurs, tourneurs de spectacle... se sont enrichis sur ton dos comme l’avare qui remercie son chien par un os blanc après une fructueuse partie de chasse.
C’est une taloche qu’on a envie d’administrer à la Nation entière et ses dirigeants incapables de payer les droits d’auteurs de l’artiste réduit à la précarité et à la mendicité après la destruction de sa maison de Brazzaville et la démolition de son domicile de Pointe-Noire. "Régime sans sel", Nzo ba buriri"... ont-ils édifié les gens à tourner définitivement la page sombre de la bêtise humaine ?
Aujourd’hui, tout le monde culpabilise.
Que vaut la carrière d’un musicien dans un pays où n’existe ni loi sur le statut de l’artiste, ni loi sur la politique culturelle, ni égard sur le musicien, ni protection sociale, ni sens d’humanisme face à un sans emploi fut-il artiste ?
Dans tous les cas, tous les hommages posthumes, toutes les larmes de crocodile versées, toutes les pantalonnades ironiques faites autour de la dépouille du défunt, toutes les explications du monde ne pourront justifier qu’on ait précipité dans la poubelle du purgatoire Rapha Boundzeki, cet émérite artiste arraché à ses fans à l’âge de 46 ans seulement.
L’A.V.C. est encore passée par là. A.V.C ou autre , l’on ne pleurnichera pas en jouant les polémistes tant la douleur profonde et muette qui nous accable est trop forte après avoir perdu notre icône. Mais comme le philosophe , on cherche à comprendre.
Le peuple rouspète, éructe sa colère et a envie de cracher sur ces régnants toujours prompts à solliciter le concours des musiciens pour quémander des louanges et amadouer les honneurs.
Ces charognards insatiables qui ne compatissent avec les artistes que quand ces derniers sont envoyés dans l’au-delà.
Devant le macchabée, tous les propos sont habillés de toutes les figures métaphoriques, allégoriques, hyperboliques, de tous les euphémismes de la terre...
L’émoi, la compassion, le désarroi, la peine paraissent ainsi trop faibles pour eux pour exprimer leur douleur satanique, sorcière et ironique. Triste race de dirigeants qui se croient toujours éternels et qui semblent dire que le malheur n’arrive qu’aux autres.
Pourtant lors des funérailles d’énormes sommes d’argent sortent des coffres-forts pour le dernier hommage au disparu .
Les billets de banques pourtant étrangement introuvables pour sauver un malade ou un indigent jaillissent de toutes parts dans un exhibitionnisme ostentatoire, inutile et affligeant .
Malgré tout à Pointe-Noire, Brazzaville, Nkayi, Dolisie...partout dans le Congo ton lexique "Le mérité des mérités", "la sapologie", "je boude za fua zé", "madiata ka luéti" résonneront toujours dans nos esprits pour ressusciter ta mémoire.
Tu es resté égal à toi-même malgré les conditions existentielles pénibles.
Ton style, ton look, ta danse, ta voix, ton sourire seront irremplaçables.
Tu étais le seul et unique artiste congolais à la fois moralisateur, amuseur, adoré, respecté, convoité, star... bref une perle comme on en trouve plus de nos jours.
Que dirons-nous après ton départ inopiné à la jeune génération incapable de moraliser le peuple par des chansons éducatives et qui ne saura plus que propager des insanités outrancières et polissonnes quand tes disques-vinyles seront tous cassés, tes cassettes encrassées.
Heureusement, ton œuvre immense faite de 14 opus en solo (un record au Congo) sera toujours écoutée grâce aux supports performants de la technologie actuelle.
Ton nom restera gravé éternellement sur du roc au gotha des artistes-musiciens congolais émérites. Les malheureux, les pauvres , les oubliés qui d’année en année garnissent les cimetières dans l’indifférence totale.
Adieu Aphara , ta mort a plongé éternellement ta famille, tes amis, tes fans dans une grande consternation.
Au Centre Ville, à Mpaka au quartier la Balance, à la Poudrière, l’aéroport, au quartier Mouyondzi , tes dernières résidences ponténégrines te pleureront toujours Ya Boundzeki.
Que ton âme sacrifiée lave le cœur des régnants pour la valorisation de la condition artistique au Congo.
Rapha est mort, vive Rapha.
Paix à ton âme.
HBM