Entretien avec le chanteur congolais Zao « Le marché du disque se porte mal »

Rabat,(Starducongo.com)-Directeur artistique du Festival panafricain de la musique (FESPAM), Casimir Zoba dit Zao est avant tout un chanteur hors pair qui a traîné son humour et ses textes à la fois légers et graves sur les plus grandes scènes du monde. Invité de la 7ème édition du Festival Mawazine, le chanteur a ensorcelé le public r’bati, dimanche 18 mai, sur la scène Hay Riad. Entretien.

Propos recueillis par ALAIN BOUITHY

Starducongo.com : Une question préalable : comment avez-vous vécu la nouvelle du décès du musicien Rapha Bounzeki ?
Casimir Zao : La mort de Rapha Bounzeki nous a surpris. C’est avec beaucoup de chagrin que nous l’avons ressentie. Il est vrai que tous sommes appelés un jour ou l’autre à partir, mais je pense qu’il nous a quittés un peu trop tôt. Nous avions encore besoin de lui. Pour preuve, nous l’avions programmé pour la prochaine édition du Fespam, tellement nous apprécions son talent et son génie. C’était un artiste qui parlait peu, mais qui a su marquer à sa manière la scène congolaise. « Sapeur », il est aussi l’auteur d’un mouvement qui n’a cessé de parler de lui : la « Sapologie ».
Les hommes passent, leurs œuvres restent. A ce propos, je peux dire qu’il nous laisse un répertoire immense. Il est certain que son souvenir restera gravé dans la mémoire de nombreux Congolais qui ont longtemps chanté et dansé sur ses pas.
Pour saluer sa mémoire, plusieurs artistes, à l’instar de Papa Wemba, Oxygène, Patrouille des Stars... ont accepté de mettre un peu de leur voix sur un support qui sera sûrement gravé pour ne pas oublier notre frère.

Starducongo.com : Vous n’êtes pas à votre première prestation au Maroc. Qu’est-ce que cela fait d’être invité du Festival Mawazine ?
C.Z : C’est exact, je me suis produit en novembre dernier à Casablanca dans le cadre du spectacle « La nuit du Congo ». Sauf qu’à Mawazine, le spectacle a lieu dans un cadre plus grand et ouvert à un large public.
Concernant mon invitation, je ne pense pas être l’artiste le moins connu en Afrique. Plusieurs producteurs connaissent Zao et apprécient sa discographie. Je ne suis pas un invité insolite : ma carrière musicale court sur 27 ans. J’ai fait plusieurs scènes de bonne renommée et construit un répertoire qui a séduit nombre de fans en Afrique, en Europe et ailleurs. Ma présence à Mawazine est le fruit de mes efforts et une formidable occasion de présenter aux mélomanes marocains le savoir-faire congolais.

Starducongo.com : Se produire dans un pays maghrébin apporte-t-il un plus à votre si riche parcours ?
CZ : C’est sûr. Me produire ici a une grande signification notamment en termes de transcommunication. Car, musicalement parlant, nous communiquons très peu avec l’Afrique du Nord. Je suis ému et très content d’être au Maroc et tout particulièrement à cette fête de la musique.

Starducongo.com : Vous avez le bagage artistique nécessaire pour évoluer en Europe. Pourquoi avoir choisi de rester au Congo, votre pays ?
Cz : J’ai un moment pensé à m’installer en Europe. Mais pour des raisons liées à mon environnement et par nostalgie, j’ai préféré rester auprès des miens. En fait, je suis né au village et l’idée de m’éloigner de mes racines et de mes parents ne me tentait pas. Aujourd’hui, c’est un peu tard d’y revenir.

Starducongo.com : Etes-vous satisfait de votre long et très riche parcours ?
CZ :Il y a eu tout au long de ma carrière des hauts et des bas, comme c’est souvent le cas dans la vie d’un artiste. On ne peut parler de satisfaction lorsqu’on évolue dans un pays sous-développé où il manque beaucoup de structures pouvant aider l’artiste d’avancer, de grands mécènes et producteurs. Quand bien même on se rend en Europe, il n’est pas toujours évident de contrôler tout ce qui s’y passe. Les revenus des artistes ne leur permettent pas de suivre une grande carrière. Aussi, de plus en plus de majeurs virent leurs artistes au motif que le marché du disque se porte mal.
Heureusement qu’il existe des Festivals à l’instar de Mawazine qui font encore des clins d’œil aux artistes. Il faut se rendre à l’évidence : la scène paie mieux aujourd’hui.

Starducongo.com :En tant que directeur artistique du Fespam (Festival panafricain de musique), profiteriez-vous de votre séjour pour dénicher des artistes et groupes pouvant participer à cette grand-messe de la musique africaine ?
CZ :Bien sûr. J’ai déjà eu l’occasion de côtoyer quelques artistes présents au Festival. Le fait d’être un artiste m’oblige à réussir ma mission au sein du Fespam. Un échec de ma part discréditera tous les artistes. C’est dire combien il est important que tous les artistes se serrent les coudes pour la réussite de cette fête.

Starducongo.com :Les changements intervenus au sein de la structure vont-ils assurer une meilleure visibilité à cet événement ?
CZ :L’arrivée d’une nouvelle équipe traduit la volonté de changement. Et donc, de nouvelles méthodes de travail. Nous travaillons pour que les choses aillent pour le mieux en s’inspirant de tout ce qui se fait de mieux ailleurs, comme à Mawazine. La présence à ce Festival du commissaire du Fespam, Yombo Beethoven, va dans ce sens.

Starducongo.com :Quel est votre avis concernant l’immigration des Africains vers l’Europe ? Ce thème vous inspire-t-il ?
CZ : L’immigration ne date pas d’aujourd’hui : depuis des siècles, les hommes ont toujours émigré. Ce qui se passe, c’est que plusieurs pays veulent en faire un problème. Alors que tout le monde a le droit de rêver. Ce thème ne m’inspire pas parce que j’ai choisi de le banaliser. L’Europe a besoin de l’Afrique et vice-versa. Il faut donner la chance à tous de rêver et se souvenir que des pays comme les Etats-Unis ont réussi grâce à la diversité ethnique et la multitude des races, entre autres.

Starducongo.com :Vos nouvelles fonctions vous permettront-elles de sortir un nouvel opus ?
JCZ : e compte sortir en 2009 un nouvel opus qui viendra sanctionner le Fespam. Je rassure mes fans que je n’ai pas chômé et que j’ai continué à travailler.

Starducongo.com :Un dernier mot !?
CZ : Que le monde ne se décourage pas. Tant qu’on vit, il y a de l’espoir. Ceci est vrai pour tous, et en premier lieu pour les artistes. On finit un jour ou l’autre par atteindre ses objectifs. C’est une question de temps, de volonté et de patience.

Propos recueillis par ALAIN BOUITHY (Starducongo.com)