Pourquoi ?

Une centaine de morts ! C’est ce chiffre ahurissant qui est l’horreur. Non que limité à deux ou trois, le nombre de ces morts eût été moins angoissant. Mais ce bilan lourd dépasse tout entendement et renvoie dos à dos nos politiques, de l’opposition comme de la majorité. Car, je ne vois pas l’attaque foudroyante, massive qui aurait pu justifier l’emploi des moyens lourds. On aurait voulu faire un carnage de plus qu’on ne s’y serait pas pris autrement.

De même, je continue de dire qu’aucune cause nationale ne nous est présentée qui puisse justifier que nous supportions les privations et les horreurs à répétition de ces cinq dernières années. Ntumi a envoyé de jeunes garçons à la mort, sans égratigner celui qui était la cible désignée de sa folie, Sassou. Depuis le 29 mars et son attaque contre un train civil, Ntumi est devenu un brigand dont la cause n’est connue que de lui seul.

Ces questionnements et bien d’autres nous interpellent aussi, nous tous qui même dans cet espace, trouvons des justifications aux causes les plus sanguinolentes. Par simple solidarité ethnique. Une solidarité qui ne raisonne plus, n’examine plus les tenants et les aboutissants de nos problèmes, mais sort du chapeau atavique de toujours les mêmes victimes et les mêmes coupables de toujours.

Au point que j’en ai entendu dire : " 100 morts ? Seulement ? ". Et que j’en ai entendu également dire : " Nous sommes finis. ‘Ils’ nous finissent ". Deux attitudes qui ne fondent pas une nation. N’annoncent aucune démocratie. Nous sommes assis sur les barils de poudre de nos frustrations de toujours, de nos haines toujours activées. Vendredi dernier c’étaient des Ninjas. Plus tard ce seront des Cobras ou des Zoulous : chacun son tour.

Et aucune voix pour s’élever et rappeler à tous qu’un pouvoir se sait fort de dompter sa propre force même contre ceux qui veulent l’éprouver. Aucune voix pour rappeler à Ntumi les souffrances qu’il inflige et fait infliger à son propre peuple, sans ligne conductrice d’une action qui, je l’ai dit, verse de plus en plus dans le simple brigandage.

Les événements de la semaine dernière à Brazzaville nous interpellent tous. Car ils reposent le problème de ce manque criard de mobilisation nationale autour d’une cause nôtre, qui ne soit pas celle d’un sud ou d’un nord dont on ne sait plus très bien ce qu’ils représentent, points cardinaux, lignes de délimitation des tolérances ou éléments inconciliables d’une réalité nationale bâtie par quelque architecte du Mur de Berlin.

Nous sommes malades de notre indifférence à notre propre souffrance. Nous sommes malades de nous exclure du devoir de réaction devant ce qui compromet notre avenir en tant que nation en fondation. Nous sommes malades de ne pas prendre le courage de dire à ceux que nous soutenons quand ils dépassent la ligne jaune et privilégient des solutions qui nous étranglent en tant que peuple. A Maya-Maya, il y a une semaine, une armée a franchi la ligne jaune. Et quelques heures plus tôt un prétendu pasteur avait, lui aussi, franchi les bornes en attaquant avec des mousquets une armurerie gardée.

BB