L’Organisation des pays producteurs et exportateurs de pétrole (OPEP) a officiellement accepté la demande d’adhésion de l’Angola, le 14 décembre, lors de la réunion du cartel à Abuja. Deuxième producteur d’hydrocarbures d’Afrique subsaharienne après le Nigeria, l’Angola va devenir le 12ème membre de l’OPEP, le 1er janvier 2007. Cette adhésion va obliger les Angolais à respecter des quotas de production tout en leur garantissant une relative stabilité en matière de revenus.
Les autorités de Luanda sont convaincues que l’adhésion de l’Angola à l’OPEP, en tant que membre de plein droit, va permettre à leur pays de devenir un acteur de premier plan du secteur : une sorte de couronnement. Mardi, en partance pour Abuja, le ministre des Pétroles Desiderio Costa déclarait que l’Angola « doit marcher à côté des pays qui produisent du brut, pour que nous nous rejoignions dans la politique de protection du secteur. Quand les prix baissent, c’est mauvais pour tout le monde. Et l’OPEP a tout intérêt à fixer des prix qui ne soient pas contraires aux intérêts économiques des pays membres ».
Pour les autorités angolaises, le fait de devenir membre de l’OPEP signifie aussi que leur pays doit également assumer des responsabilités nouvelles dans le concert des nations : « nous devons veiller à la recherche de solutions conjointes aux problèmes mondiaux et beaucoup se demandent pourquoi nous ne faisons pas encore partie de cette institution », note le ministre angolais des Pétroles.
Avec une production évaluée à 1,4 million de barils de brut par jour, l’Angola est devenu un acteur de premier plan dans le secteur pétrolier mondial. L’objectif est d’atteindre les deux millions de barils quotidiens en 2007. Les réserves angolaises d’hydrocarbures sont évaluées à 12,5 milliards de barils. Ces gisements se trouvent surtout dans les 74 blocs situés le long de la côte, dont 30 sont actuellement en exploitation.
Les revenus du pétrole représentent 90% du total des exportations, la moitié du PIB et 80% des recettes fiscales de ce pays de 16 millions d’habitants sorti il y a moins de cinq ans d’une guerre civile qui a duré plus d’un quart de siècle. En 2005, les ventes de pétrole angolais ont rapporté 10,6 milliards de dollars.
Une décision généralement bien acceptée en Angola
A Luanda, les perspectives d’adhésion à l’OPEP sont assez bien perçues, même dans les milieux liés à l’opposition. Ceux-ci auraient toutefois souhaité que le gouvernement soit parvenu au préalable à une position « consensuelle » avec les autres forces politiques et sociales. Reste que pour l’opposition aussi, le projet présente des aspects valables, comme l’explique un sympathisant : « Ce qui nous intéresse, c’est que le pays puisse être appuyé par ce cartel en vue d’une meilleure politique de production ».
A Luanda, un observateur averti estime que l’Angola, avec l’OPEP, va pouvoir s’imposer davantage dans les négociations internationales : « il y a eu une pression énorme des pays occidentaux, notamment des Etats-Unis, pour que les pays du golfe de Guinée, dont l’Angola, produisent de plus en plus de pétrole. Ces Etats n’ont pas de moyens suffisants pour pouvoir se libérer de cette pression. L’OPEP permettra ainsi une certaine sauvegarde des intérêts nationaux angolais, car le cartel agît surtout sur les prix du brut et sur les quantités de production globales ».
Les autorités angolaises veulent bénéficier d’une sorte de stabilité des prix, sachant évidemment que le pétrole est la plus importante source de revenus du pays. Mais chacun sait qu’il faudra aussi renforcer l’OPEP, pour éviter les chutes des cours, car l’offre globale va augmenter avec l’adhésion de l’Angola au cartel qui va ainsi enregistrer une augmentation de près de 6% de sa production globale. Celle-ci est actuellement de l’ordre de 30 millions de barils par jour.
Les Angolais espèrent que les quotas de production imposés par l’organisation pétrolière ne seront pas trop sévères et que l’extraction pourra augmenter jusqu’en 2011 qui est considéré comme « l’année du pic ». « Ces restrictions ne devront être appliquées que le plus tard possible », tel est le souhait de Luanda comme des multinationales qui ont découvert récemment de nouveaux gisements. Les quotas de l’OPEP vont forcément concerner les compagnies étrangères qui opèrent actuellement dans le pays et tout particulièrement dans l’offshore profond.
Les Américains de Chevron-Texaco produisent actuellement, à eux seuls, près de 500 000 barils de brut par jour, devant ExxonMobil. Les Français du groupe Total extraient près de 200 000 barils par jour en tant qu’opérateurs dans plusieurs projets en eaux profondes où le Britannique BP est également actif.
Dernièrement, le groupe italien ENI, les Brésiliens de Petrobras et les Chinois de la CNPC ont également remporté d’importants contrats de participation dans plusieurs projets d’extraction de pétrole offshore. Les responsables de la compagnie nationale angolaise Sonangol, tout comme les autorités du pays, soulignent que leur politique pétrolière a toujours incité à une grande diversification des partenaires. Au temps de la guerre froide, après l’indépendance du pays en 1975, la production pétrolière angolaise n’était possible que grâce à la présence des Américains, notamment à Cabinda.
Effets diplomatiques et politiques
Les observateurs pensent que l’adhésion à l’OPEP va aussi imposer quelques ajustements à la politique extérieure angolaise. L’Angola qui était proche des intérêts des Etats-Unis, dans le cadre de l’Irak (et aussi proche d’Israël concernant la Palestine) veut devenir dorénavant un partenaire plus direct du monde arabe. Suite aux attentats du 11 septembre 2001, Washington a essayé de réduire ses importations d’hydrocarbures produits dans les pays du golfe Persique et de stimuler la production des pays extérieurs à l’OPEP, notamment celle des Etats africains comme l’Angola justement, ou encore la Guinée Equatoriale. Ce projet est compromis et l’OPEP devrait devenir plus hostile aux intérêts américains.
Il faut noter que les organisations humanitaires se sont prononcées à plusieurs reprises contre l’adhésion de l’Angola à l’OPEP, soulignant que les ressources pétrolières ne profitent pas à la grande majorité de la population du pays. Selon Human Rights Watch, 4 milliards de dollars provenant du pétrole ont disparu des coffres de l’Etat, entre 1997 et 2002. En termes de développement humain, l’Angola occupe la 161ème position de la liste du Programme des Nations unies pour le développement, sur un total de 177 pays notés.
Des institutions financières internationales comme le FMI ont souvent protesté contre le « manque de transparence » de Luanda dans la gestion des ressources pétrolières. Nos interlocuteurs angolais pensent que « cette donnée ne va pas dépendre de l’entrée ou non du pays dans l’Opep. Le gouvernement du président Dos Santos va continuer à faire ce qu’il veut, car il dispose d’une bonne marge politique en prévision des élections qui devront avoir lieu en principe en 2007 vu que le processus d’enregistrement des électeurs a déjà commencé ».
Le processus d’adhésion de l’Angola à l’OPEP est appuyé par plusieurs pays membres du cartel, dont le Qatar et le Venezuela. Après le Nigeria qui a été admis en 1971, l’Angola deviendra le deuxième Etat subsaharien à en faire partie. Le Soudan, avec une production de l’ordre d’un demi million de barils par jour, devrait suivre, tout comme l’Equateur qui l’avait abandonnée en 1990. Avec ces nouveaux arrivants, le poids du cartel qui contrôle actuellement 40% de la production mondiale de brut va se renforcer considérablement.
par Antonio Garcia