Au menu de ce forum-débat : l’examen des goulots d’étranglement des échanges commerciaux et la recherche des mécanismes susceptibles d’insuffler une nouvelle impulsion à la création d’une Zone de Libre Echange dans la Communauté Economique des Etats de l’Afrique Centrale (CEEAC).
Deux raisons essentielles justifient les motivations des initiateurs de ce forum :
– Le constat que la mise en place par les Etats membres de la CEEAC en 2004 de la Zone de Libre Echange est restée théorique et n’a vu aucun effort de mise en application. Pour cause, les chefs d’Etats qui se satisfont des revenus de leurs "taupinières" de richesses nationales, n’ont fait, jusqu’à aujourd’hui, preuve ni de bonne gouvernance, ni d’efforts de lutte contre la pauvreté ;
– L’approche de l’horizon 2008, année butoir pour la remise en cause des conventions préférentielles d’échanges commerciaux entre les pays Afrique, Caraïbes et Pacifique (ACP) et l’ Union Européenne.
Créée en 1983, la Communauté Economique des Etats de l’Afrique Centrale a du plomb dans l’aile en dépit du traité l’instituant et des protocoles ratifiés par ses chefs d’Etats.
Force est de constater que les onze Etats membres de la CEEAC, n’ont pu réaliser officiellement, pour un marché de cent vingt millions de consommateurs en 2003, que 1,4% des exportations mondiales. Cette part n’a pas fondamentalement évolué depuis 1990. Elle reste insignifiante par rapport aux performances de la zone CEDEAO (Afrique de l’Ouest) ou de la COMESA (Afrique de l’Est), dont les échanges oscillent entre 10 et 15% des exportations mondiales.
Face à cette schizophrénie, le Secrétariat Général de la CEEAC, par le biais de la Chambre de Commerce, d’Industrie, d’Agriculture et des Métiers de Pointe-Noire, et de la Chambre de Commerce, d’Industrie, d’Agriculture, des Mines et d’Artisanat du Tchad, a confié au cabinet S.I.A, la réalisation d’un rapport diagnostic avec la contribution technique et financière de PROEINVEST et de l’Union Européenne. Il faut souligner que la mise en œuvre de ce projet a connu la participation du Centre pour le développement de l’Entreprise (CDE).
Dans un contexte de mondialisation et de grands ensembles économiques, le traité d’Abuja a défini la stratégie d’intégration de l’Afrique, prévoyant la subdivision du continent en zones économiques intégrées. Cette forme de subdivision réaffirmée par l’acte constitutif de l’Union Africaine (UA), avait pour ambition de créer des espaces économiques régionaux unifiés et dynamiques, afin de catalyser les investissements dans un cadre de marchés communs assortis de politiques de convergences et de développement multisectoriel impliquant :
– L’harmonisation des législations ainsi que le développement et l’interconnexion des infrastructures de transports et des télécommunications ;
– La mise en œuvre d’une stratégie agricole commune et d’un programme régional de sécurité alimentaire axé sur l’accroissement de la productivité et de la stabilisation des marchés ;
– La coordination des politiques minières et industrielles nationales pour un accroissement de la valeur ajoutée intérieure ;
– Le développement et la gestion optimale des ressources énergétiques ;
– Un dispositif de surveillance multilatérale pour l’adéquation des politiques économiques nationales avec les objectifs de l’union monétaire ;
– La mise en place et l’opérationnalisation d’instruments et mécanismes de prévention et de gestion des conflits.
Après presque deux décennies, les entraves au processus de convergence visant à l’élimination des barrières tarifaires et non tarifaires aux échanges intracommunautaires, pour accéder à la Zone de Libre Echange dont l’ultime but est la libre circulation des biens et des personnes sont légion
:
– La prolifération des conflits armés depuis 1993 (Congo, Centrafrique, Angola, République Démocratique du Congo, Rwanda, Tchad, Burundi) ;
– L’insuffisance des infrastructures nécessaires au développement des échanges commerciaux entre les pays ;
– L’absence de structures de promotion et de soutien au commerce et à un secteur bancaire capable de lever les problèmes de financement du secteur privé ;
– L’arrimage de certains Etats à plusieurs communautés économiques régionales du continent.
L’intégration régionale étant par essence un processus dynamique, son évaluation périodique est indispensable à la fois pour jauger le niveau des réalisations, leur impact réel sur l’économie de la région et les conditions de vies des populations, la pertinence des instruments et l’adéquation des moyens mis en œuvre avec les objectifs poursuivis, identifier les lacunes et les difficultés et formuler les suggestions et recommandations à même de le lever des obstacles rencontrés. En revanche, les économies des pays de la CEEAC, révèlent des disparités de taille, leur développement constitue également de grands défis d’engagement commun, de cohérence, de transparence et transfert des coûts et profits dans un contexte d’intégration économique. Là se trouve le nœud gordien et la complexité des accords commerciaux. Du reste les petits pays craignent que les grosses nations ne les dominent dans la négociation et que, par conséquence, certaines de leurs grandes multinationales susceptibles de résorber le chômage et dont le chiffre d’affaires est parfois très supérieur à leur Produit Intérieur Brut (PIB), ne finissent par dominer leur économie.
On peut donc comprendre les thèmes introductifs du forum et l’économie de ces six communications :
– Présentation générale de la CEEAC : Enjeux et mise en œuvre de la Zone de Libre Echange par le Dr. Théophile Dzaka-Kikouta, maître assistant à l’Université Marien Ngouabi, directeur du centre de recherches et d’études prospectives ;
– Présentation du résumé de l’étude réalisée par le cabinet SAI, sur Les contraintes aux échanges commerciaux intra CEEAC par André Nzingoula Mouanga, responsable des études économiques, Analyste-Economiste à la Chambre de Commerce, d’Industrie, d’Agriculture, et des Métiers de Pointe-Noire ;
– Contexte général des problèmes d’intégration en Afrique, par le Dr. Théophile Dzaka-Kikouta ;
– Vue descriptive des difficultés de mise en place des critères de la surveillance multilatérale dans le but de la convergence des politiques économiques nationales et fonctionnement de la Chambre de compensation de la zone CEEAC, par le Dr.Dinamona Loukombo, directeur de l’agence de la BEAC, Pointe-Noire ;
– Vue descriptive de la mise en œuvre de la stratégie du développement agricole commune et coordination des politiques minières, industrielles et de gestion optimale des ressources énergétiques, par le Dr. Claude Arsène Amona, économiste, maître assistant à l’Université Marien Ngouabi, conseiller économique et commercial au ministère du commerce,de la consommation et des approvisionnements ;
– Les instruments de la mise en œuvre de la Zone de Libre Echange de la CEEAC, par Carlos Bonfin, Directeur de commerce et de Douanes a.i au Secrétariat Général de la CEEAC.
A l’issue de ces présentations croisées, des débats pertinents et d’une forte intensité ont permis de mettre en avant un ensemble d’idées fortes et essentielles au sujet des retombés de l’intégration économique, dans une vue parallèle des autres communautés économiques du continent, à l’instar de la CDEAO, SADEC, COMESA, en avance sur la CEEAC. Les références doctrinales, empiriques et théoriques empruntées par les conférenciers, ont permis aux participants de faire des suggestions fécondes à la création d’une Zone de Libre Echange dans la CEEAC.
Les travaux se sont poursuivis, en trois ateliers, par l’examen des résultats de l’étude :
– Application effective par toutes les parties des décisions prises au niveau communautaire, notamment sur la libre circulation des biens et des personnes ;
– Mise en place d’un mécanisme de suivi de la mise en œuvre des décisions communautaires, sous la tutelle du Secrétariat Général de la CEEAC, en s’inspirant du Mécanisme Africain d’Evaluation par les Pairs (MAEP) du NEPAD ce qui renvoie à la recherche de la convergence en matière de bonne gouvernance et du respect des droits de l’homme ;
– Promotion de l’esprit communautaire par l’information, l’éduction (insertion dans les programmes d’enseignement l’histoire des pays membres de la CEEAC en vue de lever les barrières psychologiques), et les loisirs en faveur de tous les acteurs de la communauté ;
– Favorisation de la préférence des produits communautaires auprès des consommateurs dans le cadre du « patriotisme économique » ce qui ne dispense pas de l’effort de la compétitivité en réhabilitant la place du travail dans cette compétitivité ;
– Mise en place une base de donnée communautaire accessible à tous les usagers, notamment les milieux d’affaires (Chambre de Commerce, Sites Internet...) ;
– Développement des structures de communication au profit de la population y compris par l’utilisation des langues vernaculaires ;
– Promotion des investissements dans les infrastructures communautaires, sur les bases des financements locaux et étrangers en privilégiant le partenariat public privé à travers des contrats de concession tels que le Build Operate and Transfer (BOT) ;
– Promotion de la convergence des politiques économiques au plan communautaire en s’inspirant de la CEMAC ;
– Sur le plan sectoriel, promotion de l’harmonisation des politiques de recherche, de formation ainsi que des politiques industrielles, agricoles et d’élevage, en vue d’aboutir à la diversification de la base productive et de la complémentarité des économies ;
– Remise en place des mécanismes de la Chambre de compensation, cour arbitrale de l’HOADA....) ;
– Création d’un portail électronique mettant en réseau tous les pays de la CEEAC.
– Réalisation d’un inventaire et une relecture des textes existants et veiller à leur application ;
– Actualisation et application du plan d’action de mise en œuvre de la Zone de Libre Echange adopté en Novembre 2004, à Brazzaville ;
– Concrétisation de l’intension de l’étude pour la mise en place d’une structure de normalisation, certification et contrôle de qualité au niveau de la région ;
– Mise en réseau, dans le cadre du partage de l’information, des chambres consulaires et patronales des Etats membres ;
– Intégration d’un mécanisme de veille informationnelle stratégique dans le cadre de la diffusion, divulgation et de la mise en synergie des actions de la communauté ;
– Mise en place un comité de suivi pour la mise en œuvre de la Zone de Libre Echange présidé par la CEEAC auquel prendront part également les représentants du secteur privé, de la société civile, et les fonctionnaires des administrations publiques de chaque Etat ;
– Actualisation et définition des priorités des projets déjà identifiés lors de la conférence des chefs d’Etat de Brazzaville dans le cadre du NEPAD, pour l’appui à la mise en place e la Zone de Libre Echange et la recherche des financements y afférents ;
– Réaffirmation par les Etats membres leurs engagements à la communauté par la mise en application des traité, des règlements et des décisions qui fondent la CEEAC et renforcent le pouvoir de subsidiarité de cette institution ;
– Mise en place de politiques volontaristes, cohérentes de compétitivité et application du concept de chaînes de valeurs pour les économies de la sous région.
Tenant compte du fait que les gouverneur de l’association des Banques Centrales Africaines ont adopté en Tanzanie en 2000 le Programme de la Coopération Monétaire en Afrique (PCMA), dont l’objectif ultime est la création d’une zone monétaire unique en l’an 202, trois phases ont été proposées pour favoriser les échanges des biens et services et l’avènement d’une monnaie unique à l’échelle de la CEEAC :
Objectifs 2007-2008 :
– Création d’une cour des comptes communautaire afin de contrôler la gestion budgétaire des institutions communautaires ;
– Mise en place d’une chambre de compensation d’Afrique Centrale, en vue de faciliter le dénouement des échanges intra communautaires et réduire les risques de dollarisation de la sous région ;
– Signature d’un pacte de stabilité et de croissance entre les Etats membres de la CEEAC, assorti des critères de surveillance multilatérale de 2ème génération (critères édictés par l’association des Banques Centrales Africaines) ;
Critères de premier rang :
– Déficit budgétaire global/PIB, hors dons, inférieur à 3% ;
– Taux d’inflation inférieur à 3% ;
– Réduction au minimum du financement de déficit budgétaire par la Banque Centrale ;
– Réserves extérieures supérieures ou égales à trois mois d’importation des biens et services.
Critères de second rang :
– Pas d’accumulation de nouveaux arriérés de paiement intérieurs et résorption des anciens arriérés en relation avec le secteur public ;
– Ratio recette fiscales /PIB supérieur ou égal à 20% ;
– Ratio masse salariale/recette fiscales totales inférieur à 35% ;
– Maintien de la stabilité du taux de change réel par chaque pays ;
– Apport de 20% au minimum au fonds d’investissement public sur recettes fiscales ;
– Maintien d’un taux d’intérêt réel positif.
C’est une gageure pour la CEMAC de remorquer la CEEAC dans une Zone de Libre Echange.
Edifiée en 1993 sur les cendres de l’UDEAC, cette institution n’a pas réussi à se mettre en place et à plus forte raison à faire appliquer, par ses Etats membres, toutes les mesures découlant de sa mission, visant à accroître les échanges intra communautaires. Nonobstant la mise en place de quelques instruments de la Zone de Libre Echange tels que :
– Le Tarif Extérieur Commun (TEC), entre 1994 et 2000,
– le certificat de circulation CEMAC pour les produits du crû,
– le Tarif Préférentiel Généralisé (TPG),
– la reforme fiscalo-douanière,
– l’adoption d’une politique des tarifs extérieurs vis à vis des pays tiers.
Le mémorandum d’interprétation de l’article XXIV du GATT/OMC qui fixe à dix ans le délai de réalisation d’une Zone de Libre Echange, remet en cause l’existence effective de la ZLE de la CEMAC. Toute texte ne valant que par sa mise en application.