Tribalistes

La semaine dernière, des expressions ont refait surface ici. De celles qu’on défend aux enfants même de chuchoter tout bas. Le tout dans une logique qui se voulait d’anéantissement. Anéantir des Congolais pour sauver des Congolais ; éteindre les mauvais pour affirmer les bons ; nier de l’humanité à des humains au nom de sa propre supériorité de race, de position. Problème : qui tiendra le fléau de la balance ?

« Noms à voyelles » ; « nordistes » ; « sudistes » ; « nous, eux » etc… Par petites touches, nous consacrons consciemment ou non les mots qui demain justifieront les haines, justifieront l’injustifiable ; justifieront des maux. Des mots qui aujourd’hui déjà bétonnent les murs de l’exclusion. Nous continuons à parler d’une démocratie introuvable. Nous critiquons le modèle qu’on nous offre. Nous espérons que c’est le nôtre qui triomphera. Légitime. Sauf quand ce modèle, nous le voulons avec les seuls « bons » qui sont des nôtres !

Or, qui dans le Congo imbriqué d’aujourd’hui est l’autre clairement défini ? Qui est celui qui, parce que né du mauvais côté, incarnera pour toujours la victime désignée de la haine justifiée ? Et donc qui, parce que bien né, portera sur ses nobles épaules l’incontournable dessein de nous sauver des ignares ? Qu’il est bête le tribalisme et bien idiot qui s’en prévaut pour condamner un ensemble d’individus mauvais dans leur homogénéité ! Comme si l’on pouvait être bons ou mauvais en groupe ou par lignage, démocrates ou dictateurs par simple origine.

La Nation, rappelle Finkielkraut, est cette communauté où la souffrance des uns devient la souffrance de tous. Le Congo se fortifie dans des souffrances, les exalte et s’en réclame. Mais le but bête est de justifier l’acte à venir. C’est-à-dire l’acte de violence, de brutale dépossession, d’ostracisme. De tribalisme.

Notre site est pourtant un espace ouvert. On peut y déverser sa lave de la plus incandescente idiotie, sans n’être comptable que de son droit à dire. Alors, que voulons-nous qui passe forcément par le tribalisme ? Des ambitions tendues vers la destruction de l’autre ? Et quand aura péri le Congolais, où ferons-nous vivre le Congo ? Et, surtout, avec qui ? Congopage n’est pas un club d’amis de la pensée unique. Son maintien et sa survie supposent pourtant des règles. Ce que nous faisons ici, c’est ce que nous reproduirons demain au Congo.

Les tribalistes sont toujours innocents de leurs mauvaises pensées. Moi, tribaliste ? Vous voulez rire ! Mais j’ai même serré la main à un Nordiste, mangé des plats sudistes ! C’est dans les actes pourtant que se révèlent l’insoupçonné. Quand on voue à la haine des pans entiers d’une nation, c’est qu’on se ménage des replis de la violence future : à donner ou à subir. Et tout va recommencer. Qui veut briser le cercle avec moi ?