Que faut-il attendre des éventuels Etats Généraux de l’éducation ?

Ce journal a consacré toute la page 6 à l’annonce de cet événement en fournissant plusieurs détails. C’est ainsi que l’on découvre sur cette page le contexte et la justification de ces Etats Généraux de l’Education, les éléments clés du diagnostic du système éducatif, les objectifs et les "résultats attendus".

Très attendus depuis la fin de la Conférence Nationale Souveraine en 1991, ces Etats Généraux de l’Education, maintes fois reportés sine die, arrivent à point nommé. En effet, malgré l’existence de quatre ministères de l’enseignement dans la structure du gouvernement actuel, l’école congolaise continue davantage de battre de l’aile. Force est de constater que dans les campagnes comme dans les villes, du cycle préscolaire au cycle d’enseignement supérieur, dans le secteur public comme dans le secteur privé, dans l’enseignement général comme dans l’enseignement technique, règnent la précarité, l’anarchie et l’incurie. Bref, l’école congolaise actuelle évolue dans une morosité et un manque de sérieux qui prédisposent naturellement à des rendements scolaires de plus en plus décevants.

Si la "revalorisation de la condition enseignante" est explicitement mentionnée parmi les "sept résultats attendus" de ces Etats Généraux de l’Education, il est tout à fait surprenant que la lamentable condition enseignante ne figure pas du tout dans le catalogue des maux diagnostiqués par le comité interministériel préparatoire (1). Cette erreur d’analyse ou cette omission est, à notre avis, inexcusable. Elle ne laisse pas augurer des suites heureuses de ces assises de la dernière chance pour le système éducatif national. En effet, les Etats Généraux de l’Education, qui se profilent à l’horizon, doivent être l’occasion de souligner que la misère de l’enseignant constitue l’un des obstacles majeurs au bon fonctionnement des établissements scolaires et universitaires du Congo.

Sans aucun doute, l’école congolaise dans son ensemble va commencer à tirer son épingle du jeu lorsque quatre conditions fondamentales seront remplies. D’abord, lorsque la revalorisation de la condition enseignante cessera d’être un sempiternel slogan destiné à mettre un baume au cœur chez les professionnels de l’éducation. Ensuite, lorsque les principaux animateurs du système éducatif à tous les niveaux ne seront plus des néophytes ou des arrivistes de tout poil, catapultés aux postes de responsabilités à partir des critères incongrus (népotisme, géopolitique, militantisme, etc.). Et puis aussi, lorsque les facteurs de production intellectuelle (personnel enseignant bien formé et en nombre suffisant, bâtiments, tables bancs, craies, manuels, cartes, éprouvettes, ordinateurs, etc.) vont être améliorer sans cesse. Enfin, lorsque les textes, régissant le système éducatif, vont produire tous leurs effets. De ce point de vue, les autres problèmes scolaires à régler (tels que la réforme des programmes d’enseignement ou la détermination de la méthode pédagogique adéquate) sans pour tant être anodins, apparaissent comme des écueils tout à fait accessoires qu’on pourrait résoudre un peu plus tard.

Par ailleurs, les Etats Généraux de l’Education doivent aussi se pencher, dans la mesure du possible, sur les problèmes exogènes qui ont un impact considérable sur la vie de l’école. De toute évidence, l’école congolaise est prisonnière de son environnement politique et socio-économique malsain. De ce fait, les choses ne pourront tourner en rond dans le système éducatif que si le transport urbain fonctionnait à merveilles ; si la fourniture de l’eau et de l’électricité devenait acceptable ; si les médias notamment audio-visuels, au lieu de s’attarder sur des divertissements licencieux, s’employaient à éveiller les consciences tout en développant l’intelligence et le civisme ; si les pensions des retraites cessaient d’être payées au compte-goutte et avec moult tracasseries. Il est tout à fait évident que le calvaire des fonctionnaires retraités, depuis plus de dix ans, n’est pas de nature à inciter les enseignants encore en activité à bien faire leur travail.

En définitive, une volonté politique sincère et une bonne gouvernance suffisent pour assurer la relance de l’école congolaise.

Après l’échec partiel, provisoire et inattendu de la "thérapeutique de choc" du RENATO (2) initiée par la présidente de la Fondation Congo Assistance, on ne peut que souhaiter plein succès aux éventuels Etats Généraux de l’Education... afin que plus rien soit comme auparavant dans l’univers éducatif congolais.

Pépin Boulou

(1) - Lire le "diagnostic" dans l’article intitulé "Etats Généraux de l’Education : le comité interministériel a achevé ses travaux", La Semaine Africaine N° 2516

(2) - Voir "Questions et réponses sur le RENATO" : http://www.congoschool.com/article/?id=597