Tout commence quand la personne tombe malade et doit séjourner dans un hôpital. Il s’installe autour du malade un nombre incalculable d’obstacle à la guérison. C’est comme si le fait de tomber malade et de se voir retenu dans un hôpital devrait conduire (sauf miracle) à la mort.
Du côté du personnel soignant tout le monde essaie d’en profiter, en refusant de porter secours au malade avant d’avoir perçu de l’argent. Sans grande vigilance, même les médicaments de certains malades sont volés et vendus à d’autres malades par des infirmiers sans que ceux-ci ne soient inquiétés. Il arrive même que le personnel soignant vende aux malades des médicaments reçus (gratuitement) de certains organismes internationaux. Bref, au Congo pas de soins au malade s’il n’est pas passé à la caisse. Disons plutôt aux caisses, parce qu’il en existe plusieurs : celle des infirmiers, des médecin, de l’hôpital, du porteur...
Du côté de la famille ce n’est pas plus brillant, parce qu’il n’est pas rare de constater que certaines personnes sont complètement abandonnées durant l’épreuve de la maladie. Comme un séjour à l’hôpital coûte très cher sans pour autant garantir la qualité des soins, il est souvent difficile au congolais moyen de pouvoir tout seul payer son séjour hospitalier. C’est donc à ce moment là que la fameuse solidarité africaine (congolaise) devrait intervenir. Cependant, aujourd’hui, celle-ci n’est plus qu’une relique de la tradition congolaise. On en parle lorsqu’on veut donner des leçons à d’autres cultures en sachant qu’on ne la vit presque plus. Oh si, lorsque la personne meurt.
Dans ce décor douloureux, il est difficile de sortir de l’hôpital vivant. Tout concourt à précipiter la mort, car sans argent, beaucoup d’argent il faut dire adieu à la vie au Congo. Alors, lorsque dame mort survient, tout d’un coup toute la famille se mobilise et se cotise pour enterrer “dignement” le mort. Au Congo on retrouve la dignité sur son lit de mort. C’est l’occasion pour la famille de lui offrir le meilleur cercueil qui puisse exister dans le catalogue des pompes funèbres. Il faudra louer un cameraman professionnel (spécialisation : l’art de filmer les cérémonies funéraires) pour traquer la moindre image, la meilleure émotion. Ainsi, on filmera minute par minute la cérémonie des funérailles. Puisque quelques jours après, toute la famille se réunira pour regarder le long métrage version originale, produit localement. Sans oublier que le mort devra porter la meilleure tenue jamais portée de son vivant, maquillé comme il ne l’a jamais été durant sa vie sur terre. La vieille dame retrouvera un visage déridé et même les seins de ses dix huit ans.
Durant les soirées qui précèdent l’enterrement, il n’est plus de mise de pleurer tout le temps, ce sont les incroyants qui pleurent. Comme au Congo tout le monde est devenu frère et sœur en Christ il vaut mieux avoir une belle caisse de sonorisation et passer de la musique religieuse que les femmes se feront le plaisir d’accompagner par des pas de danse. Sinon pour changer de musique de temps à autre on jouera de la musique profane, celle que le défunt aimait semble t-il, mais en réalité c’est celle que les vivants aiment bien. Surtout ce qui ne doit pas manquer c’est l’uniforme, toute la famille, les amis, les voisins porteront la même tenue pour accompagner le défunt à sa dernière demeure, au bonheur du ouest africain vendeur de tissus pagnes au marché et de la couturière du quartier.
Le jour des obsèques, une fois le cadavre déguisé à la perfection, au bonheur de tous les siens, il sera fin prêt pour sa dernière demeure. Le mort sera accompagné de tous, même de ceux qui ne le connaissaient pas. Au Congo, la mort unit tout le monde, des plus jeunes aux plus vieux. Les jeunes sont les plus exubérants, puisqu’ils préfèrent accompagner le cortège funèbre, accrochés aux portières des taxis et des bus loués à l’occasion.
Au Congo, le mort est chouchouté, les funérailles sont l’occasion de folles dépenses afin d’offrir de belles cérémonies funèbres. Mais un malade ne suscite parfois aucun émoi.