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L’avenir des kongo

La nomenclature départementale Djoué-Léfini : le dessous des cartes

Photo: Le nouveau Congo que Sassou appelle de tous ses vœux

République du Congo, superficie : 342.000km2. Dix régions : Kouilou, Niari, Bouenza, Lékoumou, Pool, Plateaux, Cuvette Ouest, Cuvette Est, Likouala, Sangha.

En l’occurrence, les territoires administratifs du Congo-Brazzaville ont changé ou vont changer d’appellation en rapport avec les dynamiques ethniques. Congo-Oubangui pour les Likouba, Djoué-Léfini pour les Kongo, Nkéni-Alima pour les Téké-Embosi.

Ce ne sont pas des représentations fantasques comme l’ont été, pendant la guerre civile, les termes Tcheck pour configurer les Kongo, Nibolek pour les Bembé, Norvégiens les Mbochi, Frolibaba les Téké et Katangais les Bomitabas. Cette fois-ci ces baptêmes géographiques sont stratégiques et semblent avoir partie liée avec le fameux Avenir des Mbochis une sous-structure du Plan Mouébara .

On est bien dans la nébuleuse idéologique dite « ba kongo ba bomi Marien » facteur de tant de dégâts confortés par des propositions , style, « on a bombardé le Pool, le ciel n’est pas tombé. »

Cette fois-ci : « on va réécrire les frontières, advienne que pourra. »

Riposte avant-coup

A malin, malin et demi. Allez savoir s’il ne s’agit pas, dans l’hypothétique nomenclature régionale, d’une riposte inconsciente de la tribu-classe Mbochi anticipant la stratégie fédéraliste envisagée par les activistes de la séparation du Congo en une République du Nord et en une autre du Sud. Cf. Modeste Boukadia, Poaty Pangou...

« Tant qu’à se diviser, commençons par découper » s’est dit Zéphirin Mboulou, sujet nordiste né à Mpouya à la limite de l’ambiguïté des terres Plateau- Pool tandis que, soit dit en passant, la dichotomie Nkéni-Alima cache d’autres ambiguïtés sur les appartenances ethniques de Sassou : est-il téké ou embosi ? (a di o té to ombosi ? )

Pour les acteurs du projet fédéraliste, le Nord, à l’inverse du Sud, tire mieux son épingle du jeu dans la redistribution des richesses nationales depuis le mariage décidé à La Conférence de Berlin ( 15 novembre 1884 - 26 février 1885) quand des sociétés foncièrement différentes avaient été mises en demeure de cohabiter. Le fait est que la raison d’être du Sud rétrécit comme peau de chagrin depuis 1969, date de l’arrivée de Marien Ngouabi aux affaires par coup d’état.

Criminel

On n’en veut pas à Sassou de scinder le Pool. Le problème est : pourquoi seulement le Pool ?

Certes, le relooking géographique ne vise pas que la région de Bouéta-Mbongo et Matsoua, le Pool. Dans cette charcuterie, chacun a eu sa part, notamment Mossaka logée dans une entité appelée Congo-Oubangui * sans savoir pourquoi et les Téké insérés dans un département dénommé Nkéni-Alima alors qu’ils géraient depuis des lustres leurs racines dans Les Plateaux. A noter au passage que l’ennemi public numéro 1, Ntoumi, ne pourra plus jouer son leadership dans le Pool puisqu’il est refoulé, désormais, ipso facto, géographiquement, dans Djoué-Léfini.

A beau mentir qui vient du Nord. Le législateur mbochi a débaptisé la partie Ouest de la Cuvette Congo-Oubangui et découpé le nord des Plateaux Batéké en retranchant une entité appelée Nkéni-Alima. Mais ces nouveaux morceaux choisis ne restent pas moins des zones d’influence linguistique Mbochi ou Téké Alima et demeure une clientèle tribale mbochi « fidélisée à en mourir ». Consultez à ce sujet la thèse d’histoire de Jérôme Ollandet « Les contacts Téké-Embosi »où sont analysés les antagonismes culturels entre ces deux entités.

Le tristement célèbre « Même les tékés veulent le pouvoir » lâché par le Mbochi Jacques Okoko vient de cette complexité arbitraire alors même qu’il existe un flou artistique sur la tékénité de Sassou et une authenticité indiscutable sur celle de Lissouba. Comme quoi, n’en déplaise à Me Okoko, les Téké ont bel et bien dirigé ce pays et continuent de le faire.

Mouébara

Comment inverser le rapport de force Kongo-Mbochi ? C’est la question à laquelle tentent de répondre les stratèges Mbochi de l’opération Mouébara (du nom de la mère de Sassou). La nouvelle nomenclature semble faire partie de cette opération nominalement œdipienne dans laquelle, l’un de ses artisans, le général Norbert Dabira, bien qu’oloma niama, laissa tout de même des plumes.

Bien fait pour eux

Le Pool recomposé par amputation/exclusion, Djoué-Léfini, ça tient d’une stratégie d’anéantissement prévue par Mouébara.
Le crime c’est moins d’éclater des morphologies que d’affermir des convictions, notamment celle de l’avenir des Mbochi pièce-maîtresse de mouébara.

Quand en 1958 Youlou obtient la majorité à l’Assemblée, Jacques Opangault commence à craindre pour l’avenir de la région de L’Equateur de l’époque. Obtenir le pouvoir par élection démocratique directe ou indirecte étant utopique, un concept obsède alors les stratèges du Nord : l’avenir des Mbochi. Par ailleurs, un autre acteur du mouébara, Ambroise Noumazalaye, mettra toute son énergie dans la bataille cardinale Nord-Sud pour que la minorité nordiste soit majoritaire. « Comment un fils du Nord peut devenir Président avec une démographie faible ? » aura longuement cogité Noumazalaye. La solution c’est le coup d’état, la seule grammaire intériorisée par le Grand Nord.

Les ressortissants de la Cuvette ont d’autant plus à cœur l’avenir des Mbochi que pour cause de « boulimie insatiable » ils se sont mis à dos le reste du pays.

« Après Sassou, le déluge » s’inquiètent à tort (ou à raison) les natifs de l’Alima.

L’avenir du Congo

L’avenir du Congo est comme le Premier Ministre français sous Macron : introuvable.

Chacun a sa stratégie symbolique de saisir l’avenir du Congo : les kongo dans le fédéralisme, les mbochis dans l’impérialisme ethnique ou la vraie fausse unité nationale.

Le sudiste dit : « j’y suis, suivez-moi ». Le nordiste dit : « j’y suis, j’y reste. Tant pis si vous êtes en reste.  »

Lambert Ekiranganzo, St-Etienne, 1er septembre 2024

* Après la trahison du député Yambo, Jacques Opangault, de guerre lasse, en 1959, caressa l’idée de créer un Etat du Nord rattaché au Centrafrique appelé Congo-Oubangui.

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