KINSHASA (AFP) - A Kinshasa, au milieu de vendeurs de beignets et de CD, des jeunes gens proposent à la sauvette de pseudo-résultats "définitifs" de la présidentielle du 30 juillet en République démocratique du Congo (RDC), où la commission électorale ne donne que des résultats encore partiels.
« Qu’on ne vous trompe pas, voici les résultats réels », lance Saddam, en s’adressant aux passants curieux sur la place Matonge, où des détritus s’engouffrent dans les nids de poules.
Ce jeune homme de 29 ans et des dizaines d’autres Congolais se sont lancés dans ce nouveau filon en période électorale, comme Mambo, qui, portant des lunettes de soleil bon marché, assure que « ça nous rapporte beaucoup d’argent ».
« Nous le faisons pour trouver de quoi manger », explique Jean, qui vend une feuille de « résultats » pour 50 francs congolais (0,11 dollar).
« Que ceux qui jugent l’activité illégale nous donnent de l’emploi », ajoute-t-il, alors que les trois-quarts de la population de RDC, qui sort de près de cinq années de guerre (1998-2003), vivent avec moins de 1 dollar par jour.
Jean, en chemise à manches courtes fleuries, affirme avoir vendu « plus de 250 » exemplaires depuis le 3 août.
Les prétendus « résultats », présentés souvent sur des photocopies et qui diffèrent d’un vendeur à l’autre, donnent vainqueur au premier tour le vice-président Jean-Pierre Bemba ou le chef de l’Etat sortant Joseph Kabila...avec la bagatelle de "614%" des voix.
Selon les derniers chiffres jusqu’à présent validés par la seule autorité compétente, la Commission électorale indépendante (CEI), M. Kabila arrive en première position avec 46,9% des suffrages exprimés, devant M. Bemba qui en recueille 25,4%. Ces résultats portent sur 9,4% des inscrits.
L’origine des pseudo-résultats, qualifiés de « fantaisistes » par la CEI, varie.
« Avec l’aide de tenanciers des cybercafés, nous entrons dans différents sites internet qui balancent à longueur de journée le score réalisé par chaque candidat », explique Saddam, qui portent des baskets mal en point et vend de simples photocopies.
D’autres documents, à l’origine tout aussi douteuse, sont eux imprimés en bleu et blanc par un soi-disant « observatoire international pour le suivi des élections libres, démocratiques et transparentes organisées en RDC ».
Un numéro de téléphone congolais figure sur l’imprimé. Au bout du fil, la personne refuse de recevoir le journaliste de l’AFP « tant que (son) organisation n’est pas encore reconnue ».
« Le peuple s’impatiente. Il veut connaître son président. Ca tarde et la spéculation gagne du terrain », estime Bienvenu, étudiant en droit venu à Matonge « connaître les tendances » du scrutin.
Ce jeune homme, veste bleu sur pantalon kaki et une serviette sous le bras, se déplace d’un vendeur à l’autre. Il jette un coup d’oeil furtif aux résultats en vente, mais n’achète rien.
« Ces désordres vont bientôt prendre fin avec l’accélération de l’affichage des résultats partiels », prévoit-il. La CEI doit annoncer d’ici le 20 août la totalité des résultats provisoires de la présidentielle.
