N’DJAMENA (AFP) - Après avoir demandé la renégociation de la convention liant le Tchad au consortium américano-malaisien qui exploite le pétrole tchadien, le président Idriss Deby Itno a entamé samedi un nouveau bras de fer dans ce dossier en expulsant deux des trois sociétés qui le composent.
« Dès demain, les représentants de Chevron et Petronas doivent quitter le Tchad et fermer leur bureau pour non respect de leur engagement conformément aux clauses relatives au paiement des impôts sur les sociétés », a annoncé le chef de l’Etat.
« Le Tchad, avec Exxon, géreront le pétrole tchadien en attendant de trouver une solution avec les deux autres partenaires », a-t-il dit, sans donner davantage de précisions.
Aucun représentant du consortium n’était joignable samedi.
Le brut tchadien, produit depuis 2003, est exploité par un consortium composé par les sociétés américaines ExxonMobil et Chevron-Texaco et par la malaisienne Petronas.
Ces pétroliers avaient été accusés dès octobre 2004 de « piller les ressources » de ce pays très pauvre d’Afrique centrale en bradant notamment ses barils sur le marché.
Les relations s’étaient ensuite officiellement apaisées, mais le président Deby est revenu à la charge en deux temps cette semaine.
Mardi, il a demandé à son gouvernement « de négocier la convention de 1988 avec le consortium pétrolier » pour permettre à l’Etat, par le biais de la Société des hydrocarbures du Tchad selon une source proche du dossier, « d’entrer dans la production pour mieux en profiter ».
Afin d’appliquer cette décision, il a annoncé samedi, devant un large parterre comprenant des représentants de l’opposition, la création d’une « commission mixte » composée notamment par des membres du gouvernement, des partis politiques et de la société civile.
Parallèlement, il a demandé le départ de Petronas et Chevron et a mis « en congé » trois ministres « qui ont eu à gérer le dossier pétrolier », les menaçant de poursuites judiciaires.
L’actuel ministre du Pétrole Mahamat Nasser Hassan a affirmé qu’il faisait partie du trio. Les deux autres sont, selon un ministre de haut rang qui a requis l’anonymat, le titulaire de l’Economie, du Plan et de la Coopération, Mahamat Ali Hassan, et son collègue de l’Elevage Moucktar Moussa, qui fut précédemment en charge du dossier pétrolier.
Les autorités sont accusées depuis plusieurs années par l’opposition et la société civile d’avoir mal négocié les contrats pétroliers.
« Le combat engagé pour le contrôle de nos ressources est un combat national qui doit mobiliser tous les Tchadiens au-delà de leurs clivages politiques », a martelé samedi Idriss Deby, accusant le consortium d’avoir engrangé depuis 2003 un chiffre d’affaires de 5 milliards de dollars pour 3 milliards d’investissements, tandis que le Tchad n’a obtenu selon lui que la « broutille » de 588 millions de dollars.
Selon l’expert tchadien Gilbert Maoundonodji, le nouveau bras de fer engagé par M. Deby est « une manière de faire l’union sacrée autour de lui » alors qu’il est affaibli par la résurgence de rébellions et l’impasse du dialogue avec l’opposition.
Cette nouvelle crise intervient d’ailleurs à l’issue d’un conflit de plusieurs mois entre N’Djamena à la Banque mondiale (BM) sur la gestion des revenus pétroliers du Tchad, sanctionnée en juillet par un accord final.
« Dans le bras de fer avec la BM, le président est sorti victorieux, il a obtenu ce qu’il voulait », estime M. Maoundonodji. « Il en a conclu qu’il pouvait aller plus loin ».
Enfin, la reprise le 5 août des relations entre le Tchad et la Chine, très intéressée par le brut africain, a changé la donne. « Deby peut faire savoir aux Occidentaux que s’ils n’acceptent pas ses conditions, il peut se tourner vers Pékin », note cet expert.