CALABAR (AFP) - Le Nigeria officialise lundi lors d’une cérémonie le retrait de ses troupes de Bakassi, conformément à un accord conclu en juin sous l’égide de l’Onu, laissant ainsi au Cameroun le contrôle de cette péninsule potentiellement riche en pétrole et longtemps disputée.
La cérémonie aura lieu à Archibong, dans le nord de ce territoire marécageux de 1.000 km2 bordé d’eaux poissonneuses, en présence de responsables nigérians et d’une délégation camerounaise dirigée par le vice-Premier ministre Amadou Ali.
Devant des représentants des Nations unies, de l’Union africaine (UA) et de diplomates occidentaux, les deux pays vont échanger des documents confiant formellement la souveraineté sur Bakassi aux autorités camerounaises.
Cette cérémonie est censée mettre un terme à un différend frontalier hérité de l’ère coloniale et qui s’est envenimé en 1993, donnant lieu à des affrontements armés entre les deux voisins du golfe de Guinée.
Saisie dès 1994 par Yaoundé, la Cour internationale de Justice (CIJ) a finalement attribué en 2002 au Cameroun la souveraineté sur la péninsule.
Mais cette décision n’a pas mis fin à la crise. Abuja estimait en effet qu’elle ne prenait pas en compte les intérêts des résidents nigérians de Bakassi, et le retrait de ses soldats, initialement prévu le 15 septembre 2004, avait été reporté sine die.
Il aura fallu encore quatre ans d’accusations mutuelles et d’efforts diplomatiques, au sein d’une commission mixte sous l’égide de l’Onu, pour parvenir à une solution.
Un accord signé le 12 juin aux Etats-Unis, en présence du secrétaire général de l’Onu Kofi Annan, par les présidents nigérian Olusegun Obasanjo et camerounais Paul Biya, accordait ainsi 60 jours au Nigeria pour retirer ses 3.000 soldats de la péninsule.
Le retrait a commencé le 1er août, et s’est accéléré ce week-end. Mais après la cérémonie de lundi, les deux parties doivent se retrouver pour discuter du tracé de leurs frontières maritimes.
L’accord du 12 juin prévoit que les îles d’Atabong et d’Abana, qui forment la partie occidentale de Bakassi, seront encore administrées par Abuja pendant les deux années qui suivent le retrait.
De même, les ressortissants nigérians vivant dans le sud de la péninsule auront deux ans pour décider s’ils restent en territoire camerounais en tant qu’immigrés, adoptent la nationalité camerounaise ou rentrent au Nigeria.
L’armée nigériane assurait à la veille de la cérémonie de lundi ne pas voir ce retrait comme une défaite.
« Les soldats nigérians n’ont été ni battus ni forcés de partir. Mais en tant que pays responsable et membre de la communauté internationale, nous devons respecter (...) l’accord signé le 12 juin à New York », a déclaré à la presse le général Steve Guan, chargé du retrait.
Les tensions n’avaient pas complètement disparu pour autant.
Abuja a en effet accusé samedi Yaoundé de ne pas respecter ses engagements, et menacé de saisir l’Onu.
Les journalistes qui ont pu circuler dans Bakassi pendant le week-end ont noté la présence de soldats camerounais au village d’Ibekwe, considérée par l’armée nigériane comme une violation de l’accord.
Quant aux habitants nigérians de la péninsule, leur anxiété croissait au fur et à mesure que leurs soldats se retiraient. Certains d’entre eux ont accusé les agents de la sécurité camerounaise de les harceler, et craignaient une attaque des forces de Yaoundé dès la fin de la cérémonie.
Muettes depuis le début du retrait nigérian, les autorités camerounaises n’ont réagi à aucune de ces accusations.