"La Main Noire" de Roga-Roga (Extra-Musica Zangul) est enfin dans les bacs. L’artiste a séjourné sur la Côte d’Azur du 24 au 26 décembre 2006 où, subtile stratégie de communication, il a lancé la campagne de promotion de cet album longtemps attendu par le public. Congopage l’a écouté : c’est un vrai régal auditif et sensitif.
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Rogatien Ibambi Okombi dit Roga Roga vient enfin de frapper fort, très fort. Longtemps attendu par les fans, l’album La main noire est désormais sur le marché depuis décembre 2006. "La main Noire", titre lugubre pour un volume pourtant lumineux, a vu sa campagne de promotion démarrer au bord du Grand Bleu, à Nice. Ce volume est en quelque sorte une suite ethnographique de Racine son dernier album dans lequel l’artiste chante le terroir mbochi lato sensu.
Dans Main noire, Roga-Roga étend son regard d’artiste sur les hommes du pays kongo. Sans verser dans un jeu de flatterie l’auteur ne sacrifie pas moins au rite des louanges (mabanga) devenu monnaie courante dans la composition congolaise des deux rives.
Les titres : La Main Noire, Racine, Mougomboro, Rosalin etc...
A écouter avec attention, le titre Racine dans lequel il fait l’historique des héros du Pool, notamment André Matsoua "wa nouana na moundélé" (le Résistant). A écouter aussi avec attention, Rosalin, titre dans lequel est immortalisée une connaissance perso, Dikoka Ngolo Patrick de Fribourg. C’est toujours drôle de connaître les héros que chantent les artistes.
Nice, base de lancement
Comme plate-forme de lancement de ce dernier titre, Roga Roga qui a le sens de la mise en scène, a choisi la Côte d’Azur. Rien de tel que cette région française de haut tourisme pour rompre avec la routine qui consiste à tout concentrer sur la région parisienne quand il s’agit de promouvoir un produit culturel.
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Roga Roga a donc séjourné à Nice du 24 au 26 décembre 2006 où il a été reçu (à sa grande surprise) par un remarquable comité d’accueil composé de Didier Ngoyo, Milos de Mouangassa, Magloire Bogouanza, Thierry Mantsounga (pour l’association ACCA), Me Dieudonné Bikindou (Animation pour tous) , Jean-Pierre Ngouala ( Média Afro Cosmétics) Michel Ngombo Ley (éminent sportif) Serge Ambeto, Robert Lénguissa, Mamie Mangouta, Georgette Ndinga, Didier Adienga.
Congopage a été évidemment de la partie. Ce 26 décembre, sur un coup de fil de Milos de Mouangassa,pièce-maîtresse de la réception, nous avons fait le pied de grue dans le hall de Kylian Hôtel, rue Clément Roassal, où l’artiste était descendu. A cause du retard, Roga s’excusera au téléphone en ces termes : « j’ai horreur de faire attendre le monde » dit-il. Ce fair-play nous ira droit au coeur. La rencontre est conviviale. Sont présents dans le hall de l’hôtel Kylian : Didier Ngoyo, Magloire Bongouanza, Milos Louamba Docko Donald, Dieudonné Bikindou, Robert Lenguissa.
Ensuite le cortège s’ébranla, rue de la Buffa, vers les bureaux de Me Dieudonné Bikindou, producteur d’évènements culturels (Animation pour tous) pour de potentiels contrats sur la Côte d’Azur.
Roga se met à table
Le comité se retouve à la brasserie de Nice Etoile où l’artiste répond aux tirs croisés des questions de ses hôtes pendant que tout le monde se met à table, sur invitation de Me D. Bikindou. Au menu : du poisson, du faux filet, du steack tartare. Roga opte pour le poisson.
Incontestablement Roga Roga, véritable icône locale, nage à contre-courant du parcours classique. Le guitariste se sent dans la culture comme un poisson dans l’eau et ne reste pas muet comme une carpe dès qu’on aborde le sujet de l’art national et de la crise qui affectent la musique congolaise. Dans une interview donnée à la Semaine Africaine, Roga Roga estima que la musique congolaise n’était pas en crise. Il reste que l’absence de structures technologiques est son talon d’Achille, ainsi que les conditions draconiennes d’obtention des visas européens imposées par les Ambassades. En Côte d’Ivoire, où il y a plus de facilités (analyse l’artiste) la musique locale a acquis une dimension internationale et, paradoxalement, cette musique a largement puisé dans le registre congolais !
Roga Roga foulait pour la première fois le sol azuréen. Le hasard faisant bien les choses, Simplice, un ancien collègue de lycée, croisé à Nice, nous mettra dans le bain de l’interview quand il évoque, quasi hystérique, cette époque de Chaminade où Roga s’adonnait passionément à la guitare, au grand scepticisme de ses collègues (laisse tomber, lui disaient-ils) ; une période où effectivement le jeune élève préférait Mozart à Bergson. Son prof de philo ne le lui pardonnera jamais, nourrissant à son endroit une forte animosité sur fond de "compétition autour des nanas du lycée". C’est ça la vie d’artiste : amour et haine de la part des uns et des autres.
Genèse d’un artiste
Après son bac et après une année à l’Université, l’appel de la musique est plus fort. Roga Roga bifurque et se consacre entièrement à cette passion artistique dans laquelle il tomba dès l’âge de 9 ans, là-bas à Ouénzé, sous l’instigation de « Vieux Léon » son premier prof de guitare. Roga-Roga ne se limite pas à ce seul instrument à cordes, la guitare, dont il maîtrise déjà le manche alors qu’il n’est encore que gamin. "Non, je ne pratique pas intégralement la lecture du solfège" avoue-t-il. Il s’attaque également au clavier du synthétiseur et aux instruments à vent, notamment le saxophone dont il maîtrise aussi la technique. Egalement chanteur, Roga Roga s’initia vocalement à la juste note dans la chorale catholique de l’Eglise Ste-Marie de Ouénzé où généralement le chant grégorien tient lieu d’école.
Ayant récemment tapé un bœuf avec Zaïko lors d’un concert parisien, Roga Roga nous explique qu’encore amateur, Rogatien faisait partie d’un groupe qui s’était spécialisé dans les reprises des tubes en vogue. « Nyoka Longo a toujours fait les pieds et les mains pour m’avoir à ses côtés dans Zaïko. Je n’ai jamais succombé à la tentation car l’idée de défendre notre propre musique était plus forte en moi » explique-t-il après avoir précisé que lors du concert de Paris, à Elysée Montmartre, il avait joué sur le célèbre morceau Fièvre Mondo. Ce "boeuf" avec le prestigieux groupe kinois sera, du reste, signalé sur le site internet de Zaïko.
L’Ecole de Ouénzé
Dans cette société globale de Ouénzé, melting-pot culturel, chaque gamin a en quelque sorte la musique dans le sang. Le conservatoire où s’apprennent les rudiments du tempo sont les veillées mortuaires. Le fameux rythme Ebouka qui tire sa puissance dans la région fluviale de Mossaka façonne l’esprit des mélomanes en herbe. Roga Roga monte un orchestre "amateur" qui s’occupe d’animer les veillées. Le groupe se spécialise dans les reprises des airs connus. Le public trouve ce groupe "amateur" « extraordinaire ». Malheureusement, les sponsors tardent à venir. « Mais quand on camoufle un cadavre, il finit toujours par sentir » dit, philosophe, Roga.
En effet, des mécènes, par l’odeur alléchés, s’intéressent au bout du compte à ces "musiciens en herbe" pleins de vitalité, d’énergie et d’imagination. Quentin Mouyascko, éminent chanteur, membre d’un groupe rival, finit par rejoindre l’équipe de Roga Roga dans laquelle sévissent Espé Basse (guitare basse), Durel Loémba (guitare rythmique), Ramatoulaye (batteur), Kila Mbongo (animateur) . Extra-Musique venait de naître. L’appellation fut logiquement trouvée à la suite du constat populaire selon lequel le groupe d’animation des manifs publiques étaient « extraordinaire ».
La suite, chacun la connaît. Les enfants de Ouénzé ont, depuis, fait du chemin. Une carrière internationale a consacré ces enfants d’un quartier populaire en qui, le producteur Dénidé, fut le premier à croire.
Le groupe de départ n’a évidemment pas échappé à l’inévitable problématique des dissensions internes aux orchestres à l’origine desquelles il faut sans doute placer la double question du pouvoir et du partage équitable des gains. Aujourd’hui Roga Roga vogue avec Extra-Musica Zangul. Les autres têtes d’affiche de départ ont fait dissidence. Quentin Mouyascko, Oxygène mènent, chacun, leur propre barque.
La musique congolaise : splendeurs et misères
Roga Roga porte un regard assez sévère sur le Fespam, un important moment compétitif "très peu représentatif des talents locaux".
L’artiste comprend d’autant moins que des artistes étrangers soient privilégiés à l’occasion des festivités officielles congolaises alors que la chose est inconcevable dans la RDC voisine où, par exemple, l’intronisation du Président Kabila fit strictement appel à des artistes nationaux. Les « autorités congolaises » appliquent sans vergogne l’adage "nul n’est prophète chez lui", faisant la part belle à des artistes d’autres contrées (cas de Koffi), négligeant les « locaux ».
Nice la belle
L’un des motifs de satisfaction de Roga Roga durant le séjour azuréen a été de voir qu’il existe des mélomanes congolais qui s’intéressent avec sincérité aux « artistes de chez nous ». Confidence pour confidence, la forte mobilisation niçoise autour de Rora Roga a été motivée par le postulat qu’il faut encourager tout Congolais qui défend les couleurs nationales sur le plan international.
Or Roga Roga reste un battant, l’un des rares qui défend avec rage les couleurs nationales. Un observateur l’a qualifié de "successeur de Franco Luambo Makiadi" en raison de sa double casquette de chanteur/guitariste soliste. Et pourquoi pas d’Essou Jean-Serge Spiritus puisque Roga joue aussi du saxo...
Rogatien Ibambi Okombi fait partie de ces ambassadeurs qui portent haut l’étendard du Congo dans cet univers complexe de la globalisation et de la mondialisation où il est si difficile de faire entendre sa voix et d’exprimer son exception culturelle, tant la concurrence est féroce.
Logistique niçoise
Reconnaissons que des amis Rdécéens (notamment Didier Adienga) ont exprimé leur solidarité lors de ce passage promotionnel sur la Côte.
Il est temps de parler des hommes (ba bakala ba kouba) qui font l’événement sur la Côte d’Azur : en tête (tenez-vous bien) Milos « L’Homme de Kibouéndé Baratier ville, de Mouangassa mia Ndoko, l’imbattable de Nice ». Cet acteur, véritable phénomène social, fera partie d’un prochain reportage sur la sapologie où seront exposées ses huit paires de Weston de toute sorte : "une paire de bottes en croco, une boucle en croco, un mocassin en croco, une boucle en lézard, une basse en lézard, autant de reptiles sauvages prisés par l’un des meilleurs bottiers de la planète" énumère-t-il. La valeur de ces "marques de distinction" est l’équivalent de deux mois de salaires de ministres congolais, or nos ministres ont des salaires qui font pâlir d’envie les ministres français ! Les Congolais ne sont pas fous pour rien.
Didier Ngoyo Ibara "l’homme des opérations difficiles", Magloire Bongouanza, Robert Lénguissa "le commandant des opérations", Michel Ngombo complètent la liste des « hommes qui comptent dans la région ».
Le comité niçois a promis prochainement faire venir sur la Côte d’Azur Rapha Boundzéki. A cette occasion, le comité se propose de donner la suite de l’étonnant documentaire sur la Sapologie (1 & 2), un néologisme qui éclaire de manière approfondie le dandysme obsessionnel congolais.
Monaco, le Rocher, 5 janvier 07