JOHANNESBURG (AFP) - Des experts africains ont vivement dénoncé mercredi l’aveuglement des pays occidentaux face au drame du Darfour, relégué derrière le Moyen-Orient et la guerre contre le terrorisme.
« La question du Darfour est sur la table depuis longtemps maintenant », a rappelé Festus Aboagye, directeur du programme des missions de paix à l’Institut des études de sécurité à Pretoria.
« Faut-il qu’un million de personnes meurent avant que la communauté internationale y aille ? », s’est-il interrogé, estimant qu’une intervention devrait être décidée avant un génocide.
Selon des estimations de l’Onu, la guerre civile au Darfour, commencée en février 2003, et ses conséquences humanitaires, ont fait au moins 200.000 morts.
« Le désengagement occidental des missions de paix en Afrique a commencé dans les années 90 avec la Somalie », d’où s’était retirée la communauté internationale notamment après qu’une vingtaine de Marines eurent été tués, a rappelé l’expert ghanéen lors d’un séminaire à Johannesburg.
« Mais il y a plus de 140.000 soldats américains en Irak, alors que 2.500 Américains sont morts là-bas », a-t-il souligné.
« Depuis la fin de la Guerre froide, l’Afrique a cessé d’être stratégiquement importante pour l’Occident, qui se focalise maintenant sur (la lutte contre) Al-Qaïda », a ajouté M. Aboagye.
Le directeur du Centre pour la défense et la sécurité basé à Johannesburg, Gavin Cawthra, a estimé de son côté que la non-intervention au Darfour était une tragique répétition de ce qui s’était passé au Rwanda en 1994, ravagé par un génocide dans l’indifférence de la communauté internationale.
Soulignant que la question du génocide rwandais avait été « totalement éclipsée par la Yougoslavie, l’Irak et l’Afgnanistan », il a estimé que « toute l’attention était (actuellement) concentrée sur Israël, le Liban et l’Irak », et que « le Darfour arrivait en seconde place ».
« La communauté internationale doit agir rapidement et de façon plus déterminée », a-t-il déclaré, évoquant la possibilité de sanctions contre le Soudan pour le forcer à accepter une intervention onusienne.
Ces critiques sur l’apathie occidentale interviennent à quelques heures d’une réunion du Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l’Union africaine (UA), en marge de l’Assemblée générale de l’ONU à New York, qui devrait décider de maintenir la force de l’UA au Darfour.
Le Conseil de sécurité de l’ONU a approuvé le 31 août le déploiement d’une force onusienne au Darfour pour relayer la force de l’UA, forte d’environ 7.000 hommes mais mal équipée et sous-financée.
Mais le président soudanais Omar el-Béchir refuse catégoriquement ce scénario d’un déploiement de l’ONU, estimant qu’il s’agit d’une violation de la souveraineté du pays.
Mardi à New York, M. Béchir a réitéré son opposition au déploiement d’une force de l’ONU au Darfour, mais s’est dit en faveur du maintien de la force de l’UA et même de son renforcement.
Andre Stemmet, un conseiller au sein du ministère des Affaires étrangères sud-africaines, a rappelé que l’UA avait mandat d’intervenir en cas de "crimes de guerre, génocide et crimes contre l’humanité".
Mais « nos forces sont trop limitées, sous-équipées et manquent de ressources et d’entraînement. Nous avons besoin d’un soutien extérieur », a-t-il conclu.