Pour ambitieux que soit le projet Festi-Livre, initié par Kaya Makélé, présenté par Basile Haoussa et Frédéric Pambou, l’impact de son édition 2006, patronnée par le consul de la République Centrafricaine et présentée devant un public restreint en présence de trop rares auteurs, restera malheureusement marginale.
Bien que le texte introductif à la manifestation présente un projet d’envergure : Vecteur privilège de transmission de savoir dans le monde, le livre et l’écrit participent au rayonnement culturel d’un pays et sont les leviers du développement culturel et économique d’une région. Avec les livres, la CEMAC entend créer un espace d’intégration culturel des Etats de d’Afrique Centrale aux stratégies de développement, en invitant la société civile, artistes, ministère, chercheurs, ONG, patronat et syndicat, à définir cette stratégie et à participer au renforcement et à l’enrichissement de valeur commune.
Une bonne circulation du livre dans la sous région en est la clef de voûte. Elle suppose notamment une harmonisation de la législation sur le livre statut de l’écrivain, protection de la propriété intellectuelle. Festi-livre, souhaite donc des émirs un rendez-vous sans frontières pour les auteurs, éditeurs, libraires, bibliothécaires et enseignants à la rencontre du public. Mais aussi un espace professionnel international, un carrefour de formation, des rencontres, et d’échange du savoir-faire, dans le monde du livre et de la création. On est resté sur sa faim. Dans Festi-livres il y a festival, ici, sorti de la cérémonie, de la lecture de quelques extraits, d’une table présentée par un unique libraire de la place et sur laquelle étaient étalés quelques bouquins, dont certains tellement défraîchis qu’on pouvait les croire d’occasion, de l’accompagnement musical de Ya Vhos et de My Plau et du pot de l’amitié, on était bien en mal de voir le côté festif. On aurait aimé pouvoir rencontrer des auteurs, pouvoir acheter et leur faire dédicacer leurs œuvres, débattre avec eux, que sais-je, aux organisateurs de faire preuve d’imagination. Sans doute ne doit on voir dans ce semi-ratage qu’un péché de jeunesse.
Au cours d’un bref entretien entre deux amis de longue date, Frédéric Pambou a éclairé Ya Sanza (moundélé de service à la table du présidium) sur quelques problèmes qui entravent la diffusion de l’écrit en République du Congo.
Frédéric Pambou : Discussion en vili... Oh mais tu enregistres déjà...
Ya Sanza : Absolument... Frédéric Pambou, je t’ai fait passer une petite note tout à l’heure, et il est bien évident qu’elle va me servir de base aux questions que je vais te poser. Le Congo est en déficit flagrant de lecture. Que faut-il faire pour redonner le goût du livre aux Congolais ?
F.P. : Le goût de la lecture ne se décrète pas. La lecture c’est d’abord un apprentissage, et lorsqu’une population est en rupture d’apprentissage, ou en apprentissage de plusieurs langues de niveaux différents, vous vous trouvez là en présence d’un public potentiel qui refuse peut-être inconsciemment l’accès au livre et à lecture. Le premier lieu d’apprentissage, évidemment c’est l’école, le cursus scolaire, à partir de ce moment là les bibliothèques municipales et tout en ensemble de batteries qu’i faut mettre en place, en amont au niveau de l’Etat qu’en aval au niveau des communautés de base. Malheureusement nos communautés de base ont délégué leur autorité à d’autres dans la manière de faire et qui ne s’assument pas et qui deviennent accoutumées à ce que j’appelle assistanat. Enfin, pour parler bref et simple, il faudrait peut-être, d’une manière ou d’une autre depuis le passage à la maternelle recultiver l’apprentissage de la lecture, le goût à la lecture et à partir de ce moment là, donner accès au livre. Ce n’est pas le prix qui compte, parce que évidemment en Afrique on est habitué à mener de trains de vie d’une manière infernale, on échapperait pas à la consommation du livre, mais il faudra qu’on crée autour du livre un environnement. En Europe, le livre existe parce qu’autour de lui il y a des critiques littéraires, des émissions à la télé, à la radio, parce qu’il y a un peu comme en peinture des vernissages des occasions... Multiplier les passerelles, et à travers cela faire des grands coups médiatiques pour permettre aux personnes de se préparer...
Y.S. : Je t’arrête tout de suite parce que tel que je si je te laisse faire nous en avons pour des heures et je ne pourrai pas te poser mes autres questions. Ne pourrait-on pas, comme en Europe envisager la publication de livres à prix réduit ?
F.P. : Non, ce n’est pas possible, nous n’avons déjà pas d’éditions endogènes, nous devons toujours passer par les canons des grands éditeurs occidentaux, l’Harmattan et les autres. Maintenant, ce qui pourrait être fait dans le meilleur des sens, c’est d’appliquer le système anglo-saxon du copyright dans ce cas là il faudra une taxe d’imposition dès le départ sur tous ces produits permettant qu’on dégage des dividendes ou on dégage un fonds pour le promotion du livre ou un fonds pour la promotion de la lecture. Un tel système se rapprocherait forcément de notre culture orale.
Y.S. : Tu nous parlais plus amont du manque de bibliothèques, comment expliques-tu l’absence, dans une ville de l’importance de Pointe-Noire de toute bibliothèque municipale, de tout fonds de lecture municipal ?
F.P. : Je crois que c’est un problème très simple, le politique a un rôle très déterminant dans tout cela. Napoléon a dit « Le destin existe mais il faut lui donner un coup de pouce », c’est à nous de donner ce coup de pouce, pas pour les sortir en dehors, mais pour les mettre en dedans, pour qu’ils prennent cela en termes de nécessité, c’est simple.
Y.S. : Merci Frédéric et espérons que ça va commencer.
F.P. : Ya Sanza, tu es un petit salaud... (rires...)
Le Congo a pu, se vanter légitimement, durant des décennies, de posséder le meilleur taux d’alphabétisation de tout le continent noir, plus de 80%. Ce sont ces mêmes statistiques qui sont toujours mises en avant alors que l’illettrisme ne cesse de croître dans la République. On doit sans doute ce fait indéniable à l’effondrement du système éducatif, mais, pour important qu’il soit, ce fait n’explique pas tout.
Au Congo, comme ailleurs dans le monde, le livre souffre de la concurrence sauvage de l’audiovisuel et de la perversion de l’écriture phonétique des texto. Pourtant le pays possède pléthore d’écrivains et non des moindres, de crainte de froisser des susceptibilités je ne citerai personne, mais on peut renvoyer à la lecture de l’"Anthologie de la littérature congolaise" de J.B. Tati Loutard, meilleur florilège paru à ce jour. Ce dernier, lors de la présentation de son dernier ouvrage "Le masque de chacal", reconnaissait qu’au Congo le prix du livre est rédhibitoire.
Frédéric Pambou dit : « En Europe, le livre existe parce qu’autour de lui il y a des critiques littéraires, des émissions à la télé, à la radio... », il a raison, au Congo la presse ne fait pas son travail, les bouquins ne sont pas correctement promus, mais les éditeurs en amont ne font pas le leur. Ils ne font pas parvenir de service de presse aux chroniqueurs qui viennent aux présentations officielles des ouvrages sans avoir pu les lire au préalable et qui se contentent de chroniquer sur les propos entendus alors. (Il est à noter qu’il en est de même pour les œuvres phonographiques).
Si Pointe-Noire ne possède pas de bibliothèque publique (a noter toutefois l’existence d’une belle bibliothèque accessible aux adhérents du CCF). Les libraires ne s’y bousculent pas non plus, et les rares qui occupent la place ont des rayons très clairsemés.
Nous aimerions connaître la position et les ambitions de monsieur Jean-Claude Ngakosso Ministre de la Culture et du Tourisme, entre autres sur ce qui concerne le livre et la lecture, malheureusement, comme souvent nous ne parvenons pas à prendre contact avec lui pour lui poser quelques questions, son entourage faisant barrage. S’il nous lit et qu’il est prêt à nous répondre, il peut nous contacter par voie de mail ([email protected]).